On pourra continuer à discuter, indéfiniment, la vieille question des origines sociales et économiques de la noblesse vénitienne ; on pourra apporter de nouveaux arguments en faveur de la thèse traditionnelle — celle qui voit dans cette noblesse la cristallisation, à la fin du Ducento, de l'ordre, économiquement bourgeois, des grands marchands et armateurs ; on pourra, au contraire, trouver plus conforme à la situation historique du haut moyen âge la thèse exactement opposée — prédominance, aux premiers siècles de l'immigration dans les îles de la lagune, d'une aristocratie de propriétaires fonciers venus de la terre ferme et qui, en peu de temps, se transforment en commerçants ; on pourra, enfin, adhérer à la thèse, moins simpliste, qui nous montre, dès le début du IXe siècle, une aristocratie nouvelle de familles enrichies par le trafic maritime s'opposant à la plus ancienne aristocratie foncière : tous les trésors de science et de subtilité qu'on pourra dépenser en de telles discussions ne donneront j amais la solution certaine et définitive d'un problème qui — abstraction faite de la pénurie des sources — s'avère insoluble en luimême, comme tant d'autres problèmes d'origine.