Le curieux livre que ce livre « francophile » intitulé par son auteur, Mr Paul Distelbarth, Lebendiges Frankreich. On s'étonne d'abord qu'il ait pu paraître à Berlin en 1936. Songez qu'on y dit, tout net, que le « péril noir » est un mythe et non pas une menace pour la France. Songez qu'on y dit que la France, faite d'éléments ethniques si différents : Gaulois, Romains, Francs, Normands; etc. — est cependant une nation, et sans doute plus « nation » que l'Allemagne. Songez que l'auteur, en termes sympathiques, signale que « les idées généreuses » de liberté, d'égalité et de fraternité agissent toujours, en France, sur l'esprit des masses. Et qu'il parle, non moins sympathiquement, de l'aversion générale des Français pour le dressage, l'uniforme et le militarisme. Et qu'il ose comparer, enfin, la France à un adulte et l'Allemagne à un adolescent traversant sa crise de puberté….

Depuis quelques années, à raison sans doute de la crise économique qui accable le monde entier, le mouvement des prix attire particulièrement l'attention des économistes, des sociologues et des historiens. Un Comité international, où la France est représentée par Mr Hauser, s'est constitué pour en organiser méthodiquement l'étude. C'est seulement dans la seconde moitié du XIXe siècle que, dans les pays de civilisation avancée, l'État s'est décidé à ouvrir des enquêtes fréquentes et à publier périodiquement des documents statistiques. Pour les époques antérieures, la recherche suppose nécessairement l'exploration des sources locales : mercuriales, minutes notariales, archives des maisons religieuses et des institutions hospitalières, papiers, trop rares, des banques et des établissements commerciaux ou industriels. Il est à espérer que, parmi les lecteurs des Annales, il s'en trouvera quelques- uns qui, pour la période qui les intéresse, et dans la région où ils vivent et qu'ils connaissent bien, offriront leur collaboration à cette vaste entreprise.

La grande draperie internationale du moyen âge, la draperie capitaliste d'exportation des Pays-Bas, a donné lieu heureusement dans ces derniers temps à six publications : deux recueils de documents et quatre études. Cinq de ces travaux nous arrivent de cette terre classique de la draperie qu'a été la Belgique, un dernier de ce prolongement de la France en Italie qu'est le Palais Farnèse.

Deux de ces travaux — et c'est un avantage en raison de la nouveauté du sujet — intéressent le Brabant, voisin de la Flandre et moins son rival que son héritier.

En Allemagne, aujourd'hui, point de livre d'histoire qui ne soit dans la dépendance des événements présents. Le présent est un projecteur dont la lumière sert à fouiller le passé pour en faire surgir de l'ombre certains aspects. Un livre d'histoire qui n'est qu'historique est aussitôt taxé de libéralisme et d'intellectualisme : deux délits graves.

Mr Herbert Schöffler, Professeur à l'Université de Cologne, est un historien déjà connu, notamment par des travaux estimables sur la Réforme anglaise. C'est donc avec un sentiment de vive curiosité qu'on ouvre son livre récent sur la Réforme : que va-t-il être et qu'y trouvera-t-on ? Disons-le tout de suite : tout en ayant subi, lui aussi, l'empreinte des temps nouveaux ; tout en se conformant à la règle de convenance, à la fois, et de méthode que nous rappelions plus haut — Schöffler n'a pas cessé d'être historien.

Dans nos entreprises commerciales ou industrielles, la comptabilité est un rouage essentiel sans lequel l'appareil administratif ne pourrait fonctionner normalement. Faute de comptes régulièrement tenus, elles seraient aussi désemparées qu'un navire sans gouvernail. Or ce qui est vrai dans le présent vaut également pour le passé. Sans une technique des comptes appropriée aux besoins d'une vie économique de plus en plus complexe et d'entreprises de plus en plus vastes, l'essor du capitalisme moderne eût été entravé dès ses premières manifestations. L'art de tenir des écritures ne sortit pas de toute pièce du cerveau d'un inventeur, mais naquit, se perfectionna et se transforma sous la pression des circonstances. Au fur et à mesure que les entreprises isolées intensifiaient leur activité et étendaient leurs relations, les comptables se virent contraints d'adapter leur technique aux nécessités et de chercher une solution adéquate aux nouveaux problèmes.

L'hommage qui vient d'être rendu aux Annales était imprévu. Et il n'est pas verbal. Pourquoi ne confesserions-nous pas, en toute candeur, qu'il nous a beaucoup touchés ? Faire naître, développer, affirmer un « esprit » — un esprit, ajoutons-le tout de suite, qui ne soit pas celui d'un homme ou de deux hommes, mais comme le génie collectif d'une équipe de travailleurs, décidés à mettre en commun leurs expériences, leurs ambitions, voire leurs doutes : — tel est notre souci, notre beau souci, depuis que notre revue existe. Or voici qu'une lettre nous arrive de Jersey, timbrée du sceau de la Faculté de philosophie, qui est aux armes de la Compagnie de Jésus, et signée d'un Père jésuite. Elle nous dit, en substance : « J'appartiens à un groupe d'études sociologiques qui se propose de composer une monographie économicosociologique de Jersey.

Avant d'étudier les premières applications de la comptabilité à partie double et d'en suivre la diffusion à travers l'Europe, nous pensons qu'il n'est pas inutile d'en donner tout d'abord la définition. La comptabilité à partie double ne s'appelle pas ainsi, parce que les postes sont passés successivement en deux registres, d'abord au journal et ensuite au grand livre. Nous avons déjà vu que l'emploi du journal et du grand livre se rencontre aussi dans les systèmes en partie simple et ne constitue donc pas une particularité propre à la méthode à partie double.

L'Institut international de Statistique a tenu sa vingt-troisième session (trisannuelle) à Athènes, du 28 septembre au 3 octobre 1936. On sait que les membres de ce corps, qui se recrutent par cooptation, sont surtout les Directeurs, Directeurs-adjoints, etc., des offices de statistique dans tous les pays, auxquels s'ajoutent quelques savants, experts, spécialistes, professeurs : occasion, pour les grands statisticiens du monde, d'entretenir des contacts nécessaires et, pour ceux qui sont chargés de relever les données numériques, d'adopter des méthodes d'une uniformité plus approchée, en vue des comparaisons internationales. — A la différence de tant de Congrès, en ces assises, — qui se tinrent à l'École des sciences économiques et commerciales, rue Patissiou, non loin du Musée national — peu de discours, et des discussions assez étroitement limitées.

Une des plus frappantes originalités de l'Allemagne, telle que le cours des temps en a façonné les contours, est assurément de se trouver coupée en deux par la grande ligne de démarcation entre les sociétés rurales de notre continent. Du déclin des institutions seigneuriales l'Europe de l'Ouest a vu se dégager la propriété paysanne. Non que celle-ci y occupe, à beaucoup près, la totalité du sol. Mais elle en détient une part considérable ; et, parmi les dangers qui sans cesse la guettent, elle a fait preuve d'une étonnante force de résistance. Dans l'Europe de l'Est, au contraire, l'histoire des paysans, depuis la fin du moyen âge jusqu'à une époque toute proche de nous, n'a guère été que celle d'une longue et progressive déchéance. Or l'Allemagne, par fractions presque égales, se divise en ces deux aires.

L'importance de l'Egypte dans l'histoire générale apparaît de plus en plus, et sa place n'est plus mesurée comme une simple introduction à l'histoire de l'Antiquité classique. Pourtant, si l'économie de l'Egypte à l'époque grecque et romaine a fait l'objet de travaux de synthèse comme ceux de Jouguet, Rostovtzetf et Johnson, rien de tel n'a paru jusqu'ici pour la période pharaonique.

Aussi nous tenons à signaler les deux premiers tomes d'une Histoireéconomique et sociale de l'ancienne Egypte qui, vraisemblablement, en comportera six ou sept. On voit que le sujet est traité avec l'ampleur qu'il mérite. L'auteur, Mr Dykmans, n'est pas un égyptologue mais un économiste, qui utilise les documents découverts et étudiés par les égyptologues selon la méthode et le point de vue des économistes.

Sur le village bourguignon, du Xe au XIIe siècle, un savant russe, Mr N. P. Gratsianskii, a publié récemment un livre important, riche de faits et d'idées, contestable aussi, à mon sens, par certains côtés. L'oeuvre, pour toutes ces raisons, mérite un examen attentif. Mais, avant d'y procéder, deux observations, extérieures au débat, semblent s'imposer.

S'il est rendu compte, à cette place, du volume de Mr Gratsianskii, c'est au prix d'une dérogation flagrante à une règle universellement respectée. Car, demandé par nous, il ne nous a pas été adressé, et je ne le tiens, à titre de prêt, que de l'obligeance d'un ami étranger.

Qu'oeuvre d'un débutant, le livre de Mr P. C. Boeren témoigne de certaines inexpériences, nul ne songera à s'en étonner. On regrettera que plusieurs textes, lus trop vite, aient été visiblement interprétés à faux. Le lecteur ordinaire, qui ne saurait tout vérifier, vit sur la foi des traités. C'est au critique à signaler que les aciers ne sont pas sans paille. Aussi bien, si elles ne devaient rencontrer qu'une bonasse indifférence, de pareilles étourderies — dont j'ai le sentiment que, dans les travaux de ce type, elles sont, depuis quelques années, de moins en moins rares — deviendraient rapidement mortelles au bon ordre de nos études.

En mai 1937, par les soins de l'Institut des Hautes Études Marocaines, un Congrès consacré à l'étude de la montagne marocaine aura lieu. Il vise à définir, par la convergence de toute une série d'efforts sollicités et par la collaboration de toute une série de disciplines scientifiques, un trait essentiel de la personnalité du Maroc. Et, d'abord, à définir la montagne tout court. Plaisanterie ? Eh non ! Je me suis heurté, il y a longtemps déjà, personnellement, à cette difficulté. Et j'ai bien peur que certains géographes ne m'aient qualifié en 1922 de coupeur de cheveux en quatre, ou de fantaisiste, parce que je notais l'imprécision absolue des définitions de la montagne, de la plaine et du plateau données couramment par les livres et les manuels.

L'Académie des Sciences Morales a publié, en 1902, le tomel d'un Recueil d'ordonnances de François Ier. La grande Collection des Ordonnances des rois de France de Laurière, dont le tome I date de 1723, et qui fut reprise par l'Académie des Inscriptions au début du XIXe siècle, ne dépassait pas 1515. L'Académie des Sciences Morales décida de continuer cette vaste entreprise, fit procéder à une grande enquête préalable qui aboutit à la rédaction du précieux Catalogue des Actes de François Ier (10 volumes, avec le Supplément et la Table) — et lança enfin un premier volume de Textes que les historiens économistes connaissent bien — puisqu'il contient, en tête, un solide mémoire descriptif de Levasseur sur les monnaies du règne de François Ier, qui n'occupe pas moins de 240 pages in-4°, avec tables et planches. Après quoi des années passèrent, et rien ne venait. Enfin, en 1916, un second volume parut.