Le titre du gros livre de M. Robert Mauzi peut prêter à confusion. Mais dès les premières pages l'auteur précise son dessein : étudier l'idée que le XVIIIe siècle s'est faite du bonheur individuel, et non ses vues sur l'organisation du bonheur collectif. Appliquée à une époque qui a fait de la sociabilité naturelle un véritable dogme, la distinction surprendra par son caractère tranché. Disons tout de suite que l'ouvrage ne serait pas ce qu'il a voulu être, c'est-à-dire l'analyse d'un « certain état historique de la conscience humaine » (p. 12), si son sujet n'avait pas été circonscrit aussi étroitement. Nul doute en effet qu'on ne doive à cette limitation volontaire une bonne part des qualités les plus évidentes du livre. Aussi maître de son style que de sa matière, R. Mauzi réussit presque à faire oublier que nous avons affaire à une thèse de doctorat ; félicitons-nous de lui devoir cette chose insolite, un Essai sur le bonheur qui se lit avec plaisir.