L'existence, à l'époque de la décadence de l'empire abbaside, d'un courant migratoire de l'Irak vers la Syrie et vers l'Egypte et même au-delà de ce dernier pays est un fait bien connu des lecteurs des chroniques orientales et des annales de la littérature arabe. Qu'un grand nombre d'habitants aient quitté l'Irak lors des secousses, des crises politiques et économiques que subit ce pays dès la révolte des Zindj (868-883), ne fait aucun doute pour personne. Mais, malheureusement, les sources médiévales ne nous permettent pas de préciser les dimensions exactes de ce courant. Le chercheur qui veut mettre à profit les textes, nombreux, qui s'y réfèrent, doit se contenter d'en tirer des conclusions touchant uniquement le caractère de ce mouvement migratoire. S'agit-il là de ce type de migration caractéristique de l'histoire sociale de l'Occident médiéval, où les émigrants appartenaient, pour la plupart, aux couches supérieures de la société et imposaient leurs méthodes de production, leurs manières de vivre, ainsi que leur organisation sociale au nouveau milieu? Ou bien ce courant ressemblait-il plutôt aux émigrations modernes, mouvements se recrutant surtout parmi les masses populaires qui s'assimilent à leur nouveau milieu? Ce qui nous amène à poser cette question, c'est la différence entre les conditions sociales dans l'Occident chrétien et dans l'Orient musulman où l'on trouvait un peu partout des villes importantes et des industries relativement bien développées, où les corporations n'étaient pas assez fortes pour mettre obstacle à quiconque venait s'installer dans une ville, où une grande partie de la population disposait de moyens monétaires en espèces, donc de biens facilement transportables.