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La révolte frumentaire, forme de conflit politique en France*

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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Ce n'est pas dans la formule économique simpliste : disette = faim = émeute qu'il faut chercher l'explication de la révolte frumentaire en France depuis le XVIIe siècle. Elle réside, plutôt dans un contexte politique — une évolution de la politique gouvernementale — et dans une transformation à long terme du marché des grains.

Type
Les Domaines de L'Histoire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1972

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Footnotes

*

Article paru en anglais dans The Journal of Interdisciplinary History, vol. I, n° 1 (Été 1971). Nous en publions la traduction avec l'aimable autorisation de cette revue.

References

1. Nicolas Delamare, Traité de la Police, 3e édition (Paris, 1729).

2. R. B. Rose, « Eighteen Century Price Riots, The French Révolution and Jacobin Maximum », International Review of Social History, IV (1959), pp. 435, 438.

3. George Rude, « La taxation populaire de mai 1775 à Paris et dans la région parisienne », Annales historiques de la Révolution française, XXVIII (1956), p. 177.

4. Abbott Payson Usher, The History of the Grain Trade in France, 1400-1710 (Cambridge, Mass, 1913). Ce n'est pas une analyse quantitative, longitudinale, des révoltes frumentaires qui me fait dire que leur nombre s'est accru, mais des impressions suggérées par la lecture des ouvrages qui précèdent et de ceux qui suivent : Ernest LA Visse, Histoire de France depuis les origines jusqu'à la Révolution (Paris, 1910-1911); Hippolyte Tadoe, Les origines de la France contemporaine. Études sur le xvne siècle par région ; Emmanuel LE Roy Ladurie, Les Paysans de Languedoc (Paris, 1964); Pierre Goubert, Béarnais et le Beauvaisis de 1600 à 1730 (Paris, 1960); Marc VÉNard, Bourgeois et paysans du XVII” siècle (Paris, 1957); Gaston Roupnel, La ville et la campagne au XVII’ siècle (Paris, 1955) ; Pierre de Saint Jacob, Les paysans de la Bourgogne du Nord au dernier siècle de l'Ancien Régime (Paris, 1960); Pierre Deyon, Amiens, capitale provinciale, étude sur la société urbaine au XVIIe siècle ; René Baehrel, Une croissance. La Basse-Provence rurale (fin du XV siècle, 1789) (Paris, 1961). Ouvrages portant sur la fin du siècle : A. M. de Boislisle, éd., Correspondance des contrôleurs généraux des finances avec les intendants des provinces, vol. I-III (Paris, 1879); René Lehoreau, Cérémonial de l'église d'Angers, 1672-1727 ; François Lebrun, éd. (Paris, 1967); Guy Lemarchand, « Crises économiques et atmosphère sociale en milieu urbain sous Louis XIV », Revue d'histoire moderne et contemporaine, XIV (1967), pp. 244-265. Sur le xvnie siècle, George Rude, « La taxation populaire de mai 1775 en Normandie et dans le Beauvaisis », Annales historiques de la Révolution française, XXXIII (1961), pp. 305-326; Guy Lemarchand, « Les troubles de subsistances dans la généralité de Rouen (seconde moitié du XVIII* siècle) », Annales historiques de la Révolution française, XXXV (1963), pp. 401-427; Jean Letaconnoux, Les subsistances et le commerce des grains en Bretagne au XVIII” siècle (Paris, 1894) ; Henri Hours, « Émeutes et émotions populaires dans les campagnes lyonnaises au xvme siècle », Cahiers d'histoire, IX (1964), pp. 137- 153; R. B. Rose, « The French Révolution and the Grain Supply : Nationalization Pamphlets », The John Rylands Library, Bulletin, vol. 39 (1956-1957); Georges Afanassiev, Le commerce des céréales en France au XVIII” siècle (Paris, 1894); Richard Cobb, Terreur et subsistances, 1793-1795 (Paris, 1964). Sur le XJXe siècle, Robert Marjolin, « Troubles provoqués en France par la disette de 1816-1817 », Revue d'histoire moderne, VIII (1933), pp. 423-460; Albert Chabert, Essai sur les mouvements des prix en France de 1798 à 1820 (Paris, 1945); Paul Gonnet, « Esquisse de la crise économique en France de 1827 à 1832 », Revue d'histoire économique et sociale, XXXIII (1955), pp. 249-291 ; Maurice LÉVY-Leboyer, Les banques européennes dans la première moitié du XIX’ siècle (Paris, 1964); Rémy Gossez, « Carte des troubles en 1846-1847 (cherté des grains) », Aspects de la dépression de Véconomie française au milieu du XIXe siècle, 1846-1851 (La Roche-sur-Yon, 1956). Jean Letaconnoux a écrit, il y a plus de soixante ans, un bon article sur ce sujet : « La question des subsistances et du commerce des grains en France au xvme siècle », Revue d'histoire moderne et contemporaine, VIII (1906-1907), pp. 409-445.

5. Jean Meuvret, « Les crises de subsistances et la démographie de la France d'Ancien Régime », Population, I (1946), pp. 643-650. Voir aussi P. Goubert, Beauvais…, et LE Roy Ladurie, Languedoc…

6. Dans un article récent : « Les oscillations des prix des céréales au xvne siècle en Angleterre et dans les pays du Bassin parisien », Revue d'histoire moderne et contemporaine, XVI (1969), p. 543, Jean Meuvret, écrit : « Les populations menacées feront d'autant plus de bruit qu'elles ne seront pas complètement épuisées. »

7. André RéMond, Études sur la circulation marchande en France aux XVIIIe et XIX’ siècles (Paris, 1956), p. 26. Il considère que la fréquence des crises au xvm” siècle et le problème social qui en découle obligent à faire une politique nationale de construction des routes et de suppression des entraves au commerce intérieur.

8. Jean Meuvret insiste sur le rôle des villes pour attirer les zones rurales dans l'économie nationale. Voir « Circuits d'échanges et travail rural dans la France du xvne siècle », in Studi in onore di Armando Sapori (Milan, s. d.) II, pp. 1129-1142.

9. Goubert, Béarnais…, passim, et aussi « The French Peasantry of the Seventeenth Century : A Régional Example », Crisis in Europe, 1560-1770, éd. Trevor Aston (New York, 1967), pp. 164-171 en particulier.

10. E. P. Thompson, « The Moral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century », Past and Présent, L (1971), pp. 71-136 et The Making ofthe English Working Class (London, 1964), pp. 63-64.

11. La description des contrôles de marché est tirée de R. B. Rose, « French Révolution and Grain Supply…», p. 175; Usher, Raymond de Roover, « The Concept of the Just Price : Theory and Economie Policy », Journal of Economie history, XVIII (1958), pp. 418-434,438-439; Jean Meuvret, « Le commerce des grains et des farines à Paris et les marchands parisiens à l'époque de Louis XIV », Revue d'histoire moderne et contemporaine, III (1956), pp. 169-203.

12. La politique en matière de pain, « Les prix des grains à Paris au xv° siècle et les origines de la mercuriale », Société historique et archéologique de Paris et de VIle-de-France, Mémoires, XI (1960), p. 286; Micheline Baulant-Duchaiixat et Jean Meuvret, Prix des céréales extraits de la mercuriale de Paris (1520-1698) (Paris, 1960), pp. 2-8; Letaconnoux, Bretagne…, pp. 105-106, sur la fixation du prix du pain en Bretagne. Pour le xvm” s., v. L. Cahen, « L'approvisionnement en pain de Paris au xvnie siècle et la question de la boulangerie », Revue d'histoire économique et sociale, XIV (1963), pp. 458-472 et J. Godechot, La Prise de la Bastille (Paris, 1965, pp. 87-91). On trouve des exemples d'une application souple des règlements dans : Jacques Saint-Germain, La Reynie et la police au Grand Siècle d'après de nombreux documents inédits (Paris, 1962), pp. 278-279; Boislisle, II, n° 145, ibid., n° 549; Lemarchand, « Troubles de subsistance…», p. 411. 735

13. Rothkrug, Lionel, The Opposition to Louis XIV. The Political and Social Origins of the Origins of the French Enlightenment (Princeton, 1965), p. 217 Google Scholar; Gustav Schmoller, The Mercantile System (1896), cité par C. H. Wilson, dans : « Trade, Society and the State », Ch. VIII de The Cambridge Economie History of Europe, vol. IV, The Economy ofExpanding Europe in the Sixteenth and Seventeenth Centuries (Cambridge, 1967), p. 573.

14. Turgot, OEuvres, cité par Afanassiev, p. 146; Léon Biollay, Le Pacte de Famine et les opérations sur les grains au XVIII’ siècle (Paris, 1885), pp. 267-274 passim, estime que l'opposition du Parlement en Bourgogne est due au fait que les parlementaires avaient compris qu'ils seraient parmi les premières victimes de la colère populaire.

15. Saint-Germain, La Reynie, p. 274.

16. Traité de la Police, III, p. 828.

17. R. DE Roover, pp. 429-430.

18. Traité de la Police, IU, pp. 922-934, citation du contrôleur général dans Boislisle, III, n° 402.

19. Albert Mathiez, « Les restrictions alimentaires en l'an II », Revue d'histoire économique et sociale, XIV (1926), p. 42; Chabert, pp. 390-391. Napoléon était extrêmement conscient de l'importance politique du prix du pain à Paris; il écrit : « Le gouvernement est là et les soldats n'aiment pas à tirer sur les femmes qui, avec des enfants sur le dos, viennent crier dans les boulangeries »; cité dans J. Tulard, La préfecture de police sous la Monarchie de Juillet suivi d'un inventaire sommaire et d'extraits des rapports de la Préfecture de police conservés aux Archives nationales (Paris, 1964), p. 97. Tulard décrit aussi des taxations de pain en fonction du coüt des céréales sous la Monarchie de Juillet, p. 98.

20. Mme Cubells, « Le Parlement de Paris pendant la Fronde », xvne siècle, n° 35 (1957), pp. 139-194; Goubert, p. 368; Letaconnoux, Bretagne…, p. 63.

21. Ibid., p. 113; voir aussi Robert Darnton, « Le Lieutenant de Police J.-P. Lenoir, la Guerre des Farines et l'approvisionnement de Paris à la veille de la Révolution », Revue d'histoire moderne et contemporaine, XVI (1969). Dans ce mémoire, Lenoir dit (p. 622) qu'après 1775, même après la chute de Turgot et sa réintégration dans la charge de lieutenant de police, le prix du pain suivait des réglementations « naturelles » et n'était plus fixé par ordonnance de police.

22. J. F. Rivière, Précis historique et critique de la législation française sur le commerce des céréales et des mesures d'administration dans les temps de cherté (Paris, 1859), est la source essentielle de cette chronologie; voir aussi Delamare, III, p. 615 et suivantes.

23. Victor Emion, Législation, jurisprudence et usages du commerce des céréales (Paris, sans date, mais la préface est datée de 1854), p. 13. Voir aussi Rivière qui met cette citation de Turgot en exergue : « C'est par le commerce seul, et par le commerce libre, que l'inégalité des récoltes peut être corrigée ».

24. Delamare, III, p. 870.

25. 1662 dans Paul Bondois, «La misère sous Louis XIV, la disette de 1662», Revue d'histoire économique et sociale, XII (1924), pp. 61-62; pour la période postérieure voir Bioixay, pp. 36-37; voir aussi Gustav Bord, Le Pacte de Famine, Histoire-Légende (Paris, 1887), pp. 36-37.

26. Baehrel, p. 61.

27. Biollay, pp. 67-68. A propos du Pacte de Famine, voir Afanassiev, Bord et Bioixay, op. cit., et Léon Cahen, « Le Pacte de Famine et les spéculations sur les blés », Revue historique, CL II (1926), pp. 32-43.

28. Saint-Germain discute les greniers publics, dans La Reynie…, p. 264; E. V. Hamilton, « Origin and Growth of the National Debt in France and England », in Studi in onore di Gino Luzzatto, vol. II (Milan 1950), p. 249; Rivière, p. 130; Biollay, p. 40; Apanassiev, p. 392.

29. Norman Scott Gras, The Evolution of the English Corn Market from the Twelfth to the Eighteenth Century (New York, 1967, 1 “ édition, 1915), p. VIII, aussi pp. 95-99.

30. Meuvret, « Circuits d'échanges… », p. 1141.

31. LE Roy Ladurie, pp. 448-449.

32. On utilise les prix du blé, bien que le pain de seigle ou de blé mélangés füt la nourriture habituelle du peuple pendant la plus grande partie de la période étudiée ici. Les historiens en général se sont surtout intéressés aux prix du blé, et l'on ne possède pas de longues séries de prix du seigle comparables à celles de prix du blé. C'est ainsi que C. E. Labrousse, Esquisse du mouvement des prix et des revenus en France au XVIII” siècle (Paris, 1933), I, p. 5, se justifie d'insister sur le prix du blé : « La place considérable qui lui (le prix de blé) est faite dans ce travail correspond à son importance sur le marché national comme produit d'échange, comme indice des fluctuations du groupe des céréales auxquelles l'unit une corrélation étroite, beaucoup plus qu'à son rôle dans la consommation populaire… ». J'ai suivi son point de vue. Des études plus récentes, comme celle de Goubert, ont confirmé la corrélation entre les prix du blé et du seigle. Dans un article récent, Meuvret (” Oscillations des prix des céréales… », pp. 540-541, 552), démontre que les augmentations du prix du seigle étaient proportionnellement plus importantes que celles du blé, ce qui reflète une consommation accrue de la céréale la moins chère en réponse à l'augmentation des prix du blé.

33. Je remercie Charles Tilly et Emmanuel LE Roy Ladurie pour leurs conseils sur la méthode à suivre. Sur les prix, à Paris, Micheline Baulant, « Les prix des grains à Paris de 1431 à 1788 », Annales E.S.C., 1968, pp. 520-540; à Toulouse, Georges et Geneviève Freche, Les Prix des grains, des vins et des légumes à Toulouse (1486-1868) ; Extraits des mercuriales suivis d'une bibliographie d'histoire des prix. (Travaux et Recherches de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Paris. Série, « Sciences historiques, n° 10) (Paris, 1967); à Beauvais, Goubert, I, 404-405. Les prix annuels à Beauvais correspondent aux années récoltes plutôt qu'aux années légales. Ce qui est le cas de ceux de Paris et de Toulouse, mais le graphique de la comparaison des prix par année de récolte et année légale, établi par Goubert, montre que les différences sont infimes lorsqu'on étudie de longs cycles, p. 372. Voir aussi René Baehrel, « L'exemple d'un exemple », Annales È.S.C., 1954, pp. 213- 214. La courbe de Beauvais est d'autant plus intéressante que, comme l'a montré Deyon, pp. 45-47, cette ville sert de relais à Amiens pour la production et la vente des céréales de la zone de Picardie. La comparaison des courbes de prix à Amiens et à Beauvais (il ne donne malheureusement pas les chiffres qui lui ont permis d'établir la courbe d'Amiens) montre bien que Beauvais n'était pas un centre commercial aussi important qu'Amiens, les deux villes pratiquaient des prix semblables qui varièrent ensemble au cours du xvne siècle. De cela je conclus qu'il est possible d'affirmer que la Picardie, comme le Beauvaisis, suivaient les prix de Paris, depuis 1600 au moins.

34. Baulant, pp. 521-522. Labrousse, I, pp. 106-113, table des prix dans 14 généralités et Paris, les prix moyens de la généralité de Paris, donnés par Labrousse, sont plus élevés pour cette période que ceux de la ville de Paris. La généralité d'Amiens a aussi eu des prix supérieurs à ceux de Paris pendant 10 des 35 années de 1756 à 1790.

35. Le Roy Ladurie, I, pp. 449-450.

36. Gras, pp. 198-199, et F. J. Fisher, « The Development of the London Food Market, 1540- 1640, in Essays in Economie History ; E. M. Carus-Wilson, éd. (London, 1954), I, p. 146.

37. Martin, 161 (” Cet intermédiaire devenait l'ennemi »). Voir aussi Meuvret, « Commerce des grains… », cité note 9.

38. Robert Latouche, « Le prix du blé à Grenoble », Revue d'histoire économique (1932), p. 347. Lemarchand, « Troubles de subsistances… », p. 410, écrit que pour le peuple l'accapareur était le « gros négociant en grains ».

39. Delamare, III, pp. 829-830.

40. Fisher, p. 150. Selon le Dictionnaire de la langue française de Littré, l'usage de spéculer dans le sens de profiter des changements de prix pour acheter et vendre des denrées, est apparu au xvme siècle; au xvne, « spéculer, c'était méditer sur la métaphysique. »

41. Labrousse, I, pp. 5-9. Voir aussi Jean Meuvret, « La géographie des céréales et les anciennes économies européennes : prix méditerranéens, prix continentaux, prix atlantiques à la fin du xvne siècle », Revista de Economia, 4 (1951), pp. 63-69. Meuvret démontre l'existence de zones de marché déterminées géographiquement, mais restreint ses comparaisons de prix régionaux au dernier quart du xvne siècle, parce que, explique-t-il : « A faire porter l'effort sur une période trop tardive, on risquerait de voir s'évanouir quelques-uns des caractères spécifiques des mécanismes qu'on prétend analyser », p. 64. Il veut dire par là que les marchés régionaux se définissaient moins clairement après 1700, ce qui correspond à mes conclusions.

42. Labrousse, I, p. 124. « La faiblesse de l'exportation et, plus généralement, de la circulation des grains, s'explique par la difficulté et la cherté des transports ». Pour comparer avec l'Angleterre, voir C. W. J. Granger and C. M. Elliott, « A fresh look at Wheat Priées in the Eighteenth Century », Economie History Review, Second Séries, vol. XX, n° A (August, 1967), pp. 257-262. Granger et Elliott emploient une analyse spectrale des séries de prix des céréales au cours d'une longue période pour montrer que les marchés régionaux avaient largement disparu au xvme siècle. T. S. Ashton soutient dans son : Economie History ofEngland: the Eighteenth Century (London, 1955), p. 86, que même avant l'amélioration des transports, le blé parcourait fréquemment de longues distances, et que l'autonomie des marchés avait disparu.

43. Labrousse, I, pp. 123-124. Suivant Labrousse, Chabert, op. cit., I, pp. 21-22, insiste sur les limitations du commerce venant des difficultés de transport, et le grand étalement des différentiels pour la période de 1798 à 1820. Voir aussi Octave Festy, VAgriculture pendant la Révolution française : les conditions de production et de récolte des céréales (Paris, 1947), pp. 88-89; Meuvret, « Oscillations des prix des céréales… », p. 548, reconnaît le rôle de l'évolution à long terme du marché lorsqu'il montre que, bien que de longs cycles d'augmentation de prix aient été accompagnés de moins sévères fluctuations de prix que les périodes de baisse, ceci ne vaut pas pour le xvie siècle; il écrit : «que d'autres facteurs opéraient de siècle en siècle, facteurs qu'on peut provisoirement résumer dans la formule d'un développement progressif des commerces céréaliers. »

44. Baehrel, p. 78 and passim.

45. Yves Lemoigne, « Population and Provisions in Strasbourg in the Eighteenth Century », in New Perspectives on the French Révolution: Readings in Historical Sociology, éd. Jeffrey Kaplow (New York, 1965),p p. 61-62.

46. Fisher, p. 150, à propos de l'Angleterre « il est curieux de voir que les difficultés des transports terrestres ne semblent pas avoir impressionné les contemporains. Ils les acceptaient à un point, que les historiens, gâtés par les exigences de confort de notre époque, ont tendance à oublier… » ; RÉMond, p. 38, écrit : « Les considérations de distance, de valeur intrinsèque de la marchandise transportée, de besoin pressant en telle ou telle denrée influaient certes, sur son cours (et surtout pour le transport des céréales), mais non d'une manière mathématique. » Il insiste aussi, p. 89, sur l'importance pour les prix de transport, des relations commerciales entre des villes éloignées.

47. Il y a des failles dans la logique de l'argument de Labrousse qui prétend qu'il n'y a pas de marché national et cependant s'appuie exclusivement sur des séries groupées de prix nationaux, qui sont la moyenne annuelle non pondérée, des prix de 14 généralités et de la ville de Paris. Voir vol. I, fn. 1, 102, 16-18, 63-85. Si les prix des céréales étaient à ce point régionaux, quelle peut donc être la signification de leur moyenne non pondérée? Dans son Esquisse sur le mouvement des prix, Labrousse explique son intérêt pour les prix du blé par l'importance du blé « sur le marché national comme produit d'échange ».

48. L'hypothèse de Thompson, que je résume ici, est tirée de la conférence, non publiée, citée plus haut note 10. Natalie Z. Davies, dans un article à paraître « Strikes and Salvation in Lyon », pose que l'on ressentait un « droit de rebeine » à Lyon au xvie siècle, qui bien que plus vague que « l'économie morale » de Thompson, jouait le même rôle pour justifier les révoltes. Il existait aussi au xvne siècle, et antérieurement, une justification semblable, assez vague, des émeutes de marché reposant sur l'idée que le roi, et par extension les municipalités, devaient veiller à ce que tous soient à même de se procurer de la nourriture à des prix raisonnables. Ceci n'était, au départ, qu'une vision populaire de la protection du consommateur, devenue déjà la politique gouvernementale officielle et la théorie sous-tendant les réglementations du marché. L'économie morale, avec son contenu idéologique très particulier sur la façon dont le gouvernement devrait agir en fonction du commerce des céréales et des prix alimentaires, n'apparut comme modèle de remplacement que lorsque les gouvernements ces sèrent d'agir selon les coutumes anciennes.

49. Boislisle, I, n° 1310, et n° 1829. J'ai trouvé la seule référence à une taxation populaire antérieure à cette période, dans Michel Cauxard, « Recherches sur les soulèvements populaires en Basse Normandie (1620-1640) et spécialement sur la Révolte des Nu-pieds », in A travers la Normandie des XVII’ et XVIII” siècles (Caen, 1964), pp. 38-39. Il y eut une protestation à Caen en 1630 contre l'exportation de grains et une autre en 1631 au cours de laquelle les émeutiers attaquèrent des boulangers et des marchands, prirent du grain « au prix qu'ils voulaient », et obligèrent les administrateurs à fixer un prix « normal », mais non rentable, aux céréales. Les débuts de la longue lutte des Normands sur les problèmes de conflit entre demande et distribution des grains ne faisaient, sans doute, qu'anticiper ceux de la fin du xvne siècle qui est l'objet de mon étude, et au cours duquel des problèmes identiques ont agité la France entière. Ces conflits étaient peut-être dus, d'une part à l'économie maritime de la Normandie, qui faisait peser les exigences de l'exportation, et d'autre part à la proximité de Paris et du Vexin Normand, producteur de céréales, limitrophe des régions fournisseurs habituels de la Région parisienne; R. B. Rose, « Eighteenth Century Price Riots and Public Policy in England », International Review of Social History, vol. VI, Part 2 (1961), p. 279, signale que la première émeute avec taxation qu'il a trouvée, eut lieu en avril 1693.

50. Saint-Germain, Jacques, La vie quotidienne en France à la fin du Grand Siècle (Paris, 1965), p. 216.Google Scholar

51. Deyon, p. 472.

52. Lehoreau, p. 194.

53. Bretagne, p. 56.

54. « Troubles de subsistances… », pp. 418-420.

55. Rude, La taxation populaire… dans la région parisienne, p. 164. Voir aussi Darnton.

56. Rude, op. cit., p. 165.

57. Le Marchand, Troubles et subsistances, p. 413.

58. Robert Triger, VAnnée 1789 au Mans et dans le Haut-Maine (Mamers, 1889), p. 293; François Mourlot, La fin de VAncien Régime dans la généralité de Caen (1787-1790) (Paris, 1913), p. 312; Daniel Solasseau, Histoire de Baugé (Baugé, 1960), pp. 277-278.

59. René Gandilhon, La politique économique de Louis XI (Paris, 1941), pp. 150-151, p. 156.

60. Dans Lavisse, Histoire, VIII, 1” partie, p. 227.

61. Boislisle, III, n° 346 (incident de 1709).

62. Boislisle, Correspondance, I, n° 873 (1699).

63. Rivière, p. 79.

64. Letaconnoux, Bretagne, p. 332.

65. Daniel Mornet, Les Origines intellectuelles de la Révolution française, 1715-1787 (Paris, 1933), dénombre pp. 444-445, environ cent « émeutes de pain entre 1715 et 1787 ». J'en ai fait une carte correspondant aux trois périodes de Mornet, 1715-1747,1748-1770,1771-1787, et j'ai trouvé qu'elles ne se répartissent nullement au hasard. Pendant les deux premières périodes plus de 50 % des émeutes ont eu lieu en Bretagne et en Normandie. La participation de plus en plus grande de la Bretagne à l'exportation des grains est l'un des thèmes de Bretagne…, op. cit., de Letaconnoux. Pendant la troisième période, sept épisodes sur trente-cinq se produisirent en Bretagne, dix autres dans les régions de l'Ouest d'où l'on exportait le grain par La Rochelle et Bordeaux. Il n'y eut pratiquement aucune émeute dans le Centre, le Sud-Ouest et le Sud-Est de la France. Si nous ajoutons aux régions citées plus haut la ville de Lyon, le Lyonnais, la Champagne, le Languedoc et l'Alsace, nous y trouvons plus de 90 % des émeutes.

66. Germain Martin et Paul Martenot, La Côte d'Or (Étude d'économie rurale). Tiré à part de Revue Bourguignonne, XIX, 1909, p. 312 ; et Saint Jacob, Paysans de Bourgogne, p. 195.

67. Saint Jacob, p. 190 : « Je luy ay représenté qu'il n'était pas juste que l'on mourust de faim en Bourgogne pour mettre l'abondance dans la ville de Lyon », voir Usher, p. 187.

68. Hours, p. 139.

69. Delamare, pp. 915-916.

70. Pour une entrave à Saint-Brieuc, voir Lecatonnoux, Bretagne…, p. 328; à Paimpol, voir Usher, p. 35.

71. Lehoreau, pp. 191-193.

72. Lemarchand, « Crises économiques… », pp. 253, 263.

73. Germain Martin, « Les famines de 1693 et 1709 et la spéculation sur les blés », Comité des travaux historiques et scientifiques. Section des Sciences économiques et sociales, Bulletin, 1908, p. 68.

74. Chabert, pp. 406-416, Marjolin, pp. 426-427.

75. Gonnet donne, p. 251, une excellente description de taxation populaire (en 1829) qui illustre la ritualisation de ce type d'émeute.

76. Chabert, pp. 408-409. Voir aussi Marjolin, pp. 428, 431, 436.

77. Marjolin, p. 436.

78. Chabert, p. 414.

79. Lévy-Leboyer, pp. 528-532.

80. Carte des troubles, p. 533.

81. Barbara Herman, « Some reflections on the Grain Riots in France, 1839-1840 », Séminaire de l'Université de Harvard, janvier 1967, dactylographié.

82. L'auteur tient à remercier Natalie Davis, Julian Dent, Steven Kaplan, Orest Ranum, George Rude, Lawrence Stone pour leurs critiques, portant sur le texte provisoire de cet article.