De tous les appareils enregistreurs, capables de révéler à l'historien les mouvements profonds de l'économie, les phénomènes monétaires sont sans doute le plus sensible. Mais ne leur reconnaître que cette valeur de symptôme serait manquer à leur rendre pleine justice ; ils ont été et sont, à leur tour, des causes : quelque chose comme un sismographe qui, non content de signaler les tremblements de terre, parfois les provoquerait. C'est dire que le jour où nous connaîtrons véritablement l'histoire de l'or — ou, plus exactement, de l'or comme instrument d'échanges — durant le moyen âge, bien des courants cachés, bien des liaisons, qui aujourd'hui nous échappent, apparaîtront en pleine lumière. Malheureusement, les faits sont obscurs ; ils ont été, par surcroît, insuffisamment étudiés et, souvent, d'un point de vue qui n'est pas ici le nôtre : la numismatique a peine à sortir des cabinets de curiosités.

La crise économique mondiale, qui se développe irrésistiblement sous nos yeux depuis trois ans, est entrée depuis environ dix-huit mois dans une phase aiguë, où le mécanisme du crédit, spécialement du crédit bancaire, s'est montré gravement atteint.

Dans ce domaine comme dans les autres, les maux actuels sont la conséquence des excès commis pendant la période de prospérité. Il est entendu d'ailleurs que les abus de crédit, que l'on reconnaît aujourd'hui rétroactivement, ont été liés étroitement à des erreurs de direction économique ; est-ce à dire qu'ils n'en ont été que la simple traduction financière ? Ce serait exagérer. Si l'activité économique est le véritable moteur du mécanisme bancaire, celui-ci doit avoir sur celle-là un rôle régulateur de direction et de modération où réside sa propre responsabilité.

« Il n'existe, sur cette période, que des livres de détail » : combien de fois, naguère, nos étudiants n'ont-ils pas entendu de nous ce propos, amer [aux plus pressés 1 Ils l'entendront, désormais, de moins en moins. Depuis quelques années, les ouvrages synthétiques, ou qui veulent l'être, se sont accumulés sur les rayons de nos bibliothèques. Nous signalions, voici quelque temps déjà, toute une floraison de précis d'histoire économique, auxquels d'autres, depuis lors, sont venus se joindre. Diverses collections parallèles — dont plusieurs en langue française — poursuivent semblablement, dans le vaste champ de l'histoire « générale » , une courtoise lutte de vitesse. C'est ainsi qu'on a pu voir encore tout récemment, et presque à la même date, la Cambridge Medieval History, don’t le remarquable élan ne se laisse pas arrêter par les coups du destin, nous donner un nouveau volume et, dans la collection « Peuples et Civilisations », Mr Louis Halphen, qui en est un des directeurs, faire paraître un important Essor de l'Europe (XIe-XIIIe siècles).

Trois livres concernant l'histoire du commerce dans l'ancienne Pologne ont paru au cours de ces dernières années ; ils élargissent sensiblement nos connaissances dans ce domaine. On doit citer en premier lieu l’ œuvre de Mr Roman Rybarski, Le commerce et la politique commerciale dans la Pologne du XVIe siècl. . Le texte même, traitant de l'évolution du commerce et de la politique commerciale se trouve dans le premier volume ; le second est consacré aux tables et matériel statistiques. Les registres des douanes royales ainsi que les autres actes de l'administration fiscale conservés dans les Archives de Varsovie forment la source principale. Les archives des villes qui contiennent nombre d'actes importants pour l'étude de l'histoire du commerce ont été laissées de côté. Le grand-duché de Lithuanie qui formait la seconde partie de l'État des Jagellons n'a pu être étudié que très sommairement, les Archives de Varsovie ne contenant que les actes du fisc concernant le royaume de Pologne.

L'étude de Mr Franz Bastian sur les marchands de l'Allemagne du Sud cités dans les plus anciens livres de comptes tiroliens est assez décevante. Que les échanges commerciaux qu'entretenait le Tirol au moyen âge avec les pays voisins méritent d'être étudiés, nous l'accordons volontiers ; qu'il y ait même intérêt à déterminer la part qui revient dans ce trafic à l'Allemagne du Sud, nous n'y contredisons point, mais restreindre l'enquête aux seuls livres de comptes (Raitbücher. tenus par les agents de l'autorité comtale en Tirol constitue une véritable gageure ; il va de soi qu'une documentation aussi étroitement limitée ne peut donner qu'une image incomplète et provisoire de la réalité.

Mr Bastian édite toutes les mentions de marchands originaires de l'Allemagne du Sud qu'il a relevées dans les livres de comptes ; cette édition, qui occupe la majeure partie de l'ouvrage, paraît faite avec un grand soin et un répertoire des noms de marchands avec l'indication de leur ville d'origine pourra rendre quelques services.

C'est par un livre consacré au Rhin que la Société Générale Alsacienne de Banque a eu l'heureuse idée de commémorer le cinquantième anniversaire de sa naissance. Entendons-nous bien : il ne s'agit ni d'une simple publication de luxe — encore que le volume soit un plaisir pour les yeux — ni d'une entreprise de propagande. Les noms mêmes des auteurs garantissent l'impartialité et le sérieux de l'ouvrage. Deux études se le partagent : le Rhin à travers l'histoire ; le Rhin dans l'économie. La première a été confiée à Lucien Febvre. Qui veut écrire sur le Rhin, en historien, doit d'abord exorciser des fantômes : cette légion de mythes qu'engendra une historiographie passionnée, images menteuses des réalités du passé, mais non pas incapables hélas ! de susciter celles de l'avenir.

Dans un ouvrage publié à Breslau en 1926, sur « Le commerce allemand à longue distance au moyen âge », Mr Günther Bens mentionne — sans donner de références — des importations d'huile venant de la baie de Noirmoutie. En l'absence de preuves, cette affirmation ne pouvait qu'inspirer des doutes à la presque unanimité des lecteurs. La baie dite de Noirmoutier ou de Bourgneuf est, en effet, connue dans l'histoire économique par ses exportations de sel, uniquement. Pourtant, il se peut fort bien que l'assertion de Mr Bens soit étayée sur des textes probants, et il conviendrait de s'en assurer. Un fait est certain dès à présent, autant qu'ignoré : quelquefois, de 1679 à 1789, des caboteurs malouins, venant charger du sel dans la Baie, y prenaient simultanément d'autres marchandises ; quelquefois aussi, en la même période, des caboteurs de Saint-Malo, retour d'Espagne ou de la Méditerranée, s'arrêtaient à Bourgneuf ou Noirmoutier, pour y déposer une part de leur cargaison.

Aucune crise économique n'aura été mieux étudiée que la crise dont souffre actuellement l'agriculture du monde. Cela ne veut pas dire, du reste, que ces études permettront à l'avenir de prévenir et de conjurer pareilles crises ; car, en dehors des causes matérielles et en quelque sorte visibles de ces malaises généraux, on en perçoit d'autres de nature psychologique qui procèdent du libre arbitre des hommes et qui jusqu'à nouvel ordre demeurent imprévisibles. Quoi qu'il en soit, si nous avons fait des progrès dans l'analyse des crises économiques, nous le devons certainement à l'existence de certains « médecins consultants » internationaux qui ne cessent pas durant la maladie d'ausculter le malade. C'est d'abord la vénérable Société des Nations dont le Comité économique vient de publier un gros volume sur la Crise agricole ; c‘est ensuite l'Institut International d'Agriculture de Rome qui consacre une importante brochure au commentaire des conditions de l'agriculture en 1929-1930.