Au fond, ce à quoi je suis convié, c’est a faire un pont entre deux évènements, la parution, en 1989, de mon livre « La rigueur de l’intuition » (A.M. Métailié), et sa suite logique qui vient de paraître (les vertus de l’oubli. Albin Michel), entre la réflexion et la pratique, la pratique et l’organisation. L’intuition, on peut la définir comme un objet scientifique invisible. Mais force est de constater qu’elle vole constamment au secours du médecin, du soignant, pour lui permettre de faire des choix thérapeutiques à la fois rapide et qui ne soient pas programmés anonymement à l’avance. Il faut, bien entendu, différencier l’intuition de l’expérience, qui elle favorise les trucs répétitifs. Les rapports de l’intuition et de la clinique sont à envisager sous trois angles :
– l’intuition, à savoir l’implication inconsciente de l’observateur, lui permet de prendre en compte des signes et signaux multiples. Elle, et elle seule, favorise les liens intellectuels rapides, quasi immédiat entre ce qui est perçu du malade, ce qui est retenu de ce qui est perçu, et l’efficacité de la réaction du soignant à ce qui n’est apparemment pas « objectif ». On est donc là dans l’INTERPRETATION simultanée des symptômes ET du contre transfert. C’est un exercice difficile, aléatoire, auquel cependant on peut se former ;
– sur le plan théorique, c’est grâce à W.R. Bion que l’intuition a fait son entrée dans la théorie psychanalytique. Il a même du, parce que tout cela est lié à la pratique, inventer des termes comme INTUIT, et comme le verbe INTUITER ;
– cela implique deux choses sur le plan de l’organisation des soins, une formation adaptée, des classifications cliniques qui tiennent compte de l’implication affective et intellectuelle de l’observateur à l’observation.
On remarquera que ces deux dimensions sont absolument contemporaines de l’invention de la psychanalyse, dont Freud voulait faire une science à part entière. Ce que je développais à l’époque dans la rigueur de l’intuition, et que je démontre, je crois dans l’OUBLI ET SES VERTUS. Entre temps, nous avons pu étendre ces amorces de réflexion à l’ensemble de la médecine, dont, faut-il le rappeler, la psychiatrie fait partie en mettant en place un OBSERVATOIRE DE LA MEDECINE DE LA PERSONNE, dont le premier congrès à justement pour thème : de la pratique à la théorie, de la théorie à l’organisation.