Dans sa leçon inaugurale à Cambridge M. M. Postan notait que «the penalty of being sufficiently concrète to be real is the impossibility of being sufficiently abstract to be exact » . Entre la description de chaque arbre, voire de chaque feuille, et l'explication de la forêt, E. A. Wrigley, qui fait cette citation, a délibérément choisi la seconde. Les années 1960 avaient vu l'éclosion de plusieurs synthèses, qui se voulaient alternatives à la seule interprétation véritablement structurée, celle de Marx, mais qui, avec d'autres mots, posaient le problème du développement aux mêmes niveaux de l'analyse économique: le plan macro-économique, l'approche en termes de facteurs de production — capital et travail — et de genèse du progrès technologique. Les travaux de Rostow, Bairoch, Landes, logiques et structurés, apportaient aux historiens la satisfaction de croire avoir compris ce qu'avait été la révolution industrielle. Dans l'optimisme suscité par l'atmosphère de croissance économique de cette décennie, correspondant avec un siècle d'écart à celle de la période de gestation du Capital, qui théorisait les mécanismes d'un accroissement illimité des forces productives, ces approches se fixaient comme but de définir les préalables nécessaires à l'industrialisation; une fois le processus démarré, sa continuation paraissait tellement évidente qu'il n'était pas besoin de l'analyser. Sans que soient ici évoqués les problèmes de l'industrialisation continentale et extra-européenne, indissociables pourtant de l'étude du cas britannique, mais qui ne sont pas l'objet de l'ouvrage de E. A. Wrigley, la multiplication des recherches depuis une vingtaine d'années a conduit à une totale remise en cause des belles évidences d'antan; et l'ambiance plus morose des années de dépression économique ne pouvait que faire naître des questions sur le processus de croissance et faire perdre au schéma de référence keynésien, voire marxiste, sa séduction.