Le nouveau livre de Aldous Huxley, Eminence grise, est un livre d'histoire, un livre de politique, un livre de religion. Son personnage central, le Père Joseph, nous ramène aux temps troublés, de la guerre de Trente Ans. Mais l'histoire pure, l'histoire pour l'histoire, intéresse peu Aldous Huxley ; pas plus d'ailleurs que le roman pour le roman ; et s'il met en scène des personnages historiques : Richelieu, Wallenslein, Louis XIII, Marie de Médicis (pour rie citer que les plus notoires) ; s'il brosse un tableau de la guerre de Trente Ans et des misères du peuple (d'après Gallot) ; s'il plonge même dans les subtilités de la chicane diplomatique pour débrouiller le jeu du Père Joseph à la Diète de Ratisbonne, ce n'est pas dans l'intention de ressusciter le passé pour lui-même. Son dessein est d'abord psychologique. Il s'agit pour lui de démêler le drame d'une vocation mystique contrariée, d'un grand saint avorte, d'un visionnaire détourné de Dieu, tente par Satan, et vendant son âme pour l'amour non de l'or (il reste pauvre), non des femmes (il reste chaste), non même de la puissance (il reste l'aide, le second, l'ombre du puissant cardinal), mais pour l'amour de l'Eglise, de son Roi, et de la Providence divine dont l'Eglise et le Roi sont a ses yeux les instruments. Ainsi se damnent les grands saints.