On se souvient du bruit que firent, dans l’immédiate après-guerre, les théories du Professeur G. Cassel sur la parité de pouvoir d’achat. A une Europe à la recherche d’un nouveau statut monétaire, il offrait, en un langage simple et direct, une solution claire, d’application aisée. Ces avantages, cependant si précieux au point de vue pratique ou, si l’on veut, politique, étaient chèrement achetés par l’insuffisance et les imprécisions des aspects proprement théoriques de la doctrine. On a pu affirmer que les polémiques qui suivirent restèrent, dans leur ensemble, inférieures aux discussions que des circonstances semblables avaient soulevées, un siècle plus tôt, dans la correspondance entre Malthus et Ricardo.
Cette confusion théorique était loin d’être éclaircie lorsqu’en 1935, la dévaluation du belga remit à la mode la terminologie de Cassel. L’opinion semble s’être assez largement accréditée que la dévaluation belge et les calculs théoriques qui la précédèrent se fondent simplement sur la doctrine de Cassel. Je voudrais, dans l’article qui suit, montrer que cette opinion ne correspond guère à la réalité et qu’au contraire, les calculs de la dévaluation se basent sur les éléments même dont Cassel faisait expressément abstraction dans une explication des phénomènes simplifiée à outrance. Il suffirait, pour s’en convaincre, de considérer les indices employés pour ces calculs: alors que Cassel insiste sur l’emploi d’indices généraux des prix et que ceux de ses interprètes qui se séparent de lui sur ce point recommandent l’emploi d’indices n’englobant que les marchandises entrant dans le commerce international, les calculs belges utilisent précisément des indices reflétant les prix les plus purement domestiques: les indices du coût de la vie. L’analyse rigoureuse du pourquoi de cette divergence conduit à admettre une distinction fondamentale entre la théorie Cassélienne de la surévaluation monétaire et la théorie défendue en Belgique à l’occasion de la dévaluation de 1935.