Dans un texte superbe, intitulé « Le sexe ni vrai ni faux », Louis Marin commente le mythe d'Hermaphrodite tel que le conte Ovide au quatrième livre des Métamorphoses. Pour lui, c'est la sphère immobile et éternelle de l'Être, unissant de manière indéfectible le masculin et le féminin, « que, sur le mode de la prière et du votum, la Naïade du mythe ovidien désire constituer à jamais, mais dans le temps : “ Tu te débats, en vain, cruel, s'écrie-t-elle, tu ne m'échapperas pas. Dieux, ordonnez que nul jour ne le voit séparé de moi ni moi séparée de lui ”. Bisexualité originaire dont le mythe d'Hermaphrodite donnerait le récit. Et cependant, il n'est que de relire le voeu de Salmacis, nymphe à la violence masculine à l'égard du trop féminin Hermaphrodite, pour découvrir, dans le langage du poème, l'autre face de la bisexualité : le travail de la différence, la puissance du neutre ; non pas “ Faites, ô Dieux, que nous soyons à jamais unis en un seul corps ”, mais “ Ordonnez, ô Dieux, qu'il ne soit jamais séparé de moi ni moi de lui ”. Tel est le geste du neutre que l'affirmation de l'union ne puisse se dire que par la négation de l'impossible désir de la non-différence »