En 1947, les Annales publiaient un article pionnier de Renée Doehaerd : « Au temps de Charlemagne et des Normands. Ce qu'on vendait et comment on le vendait dans le Bassin parisien » . Sous ce titre se cachait l'une des premières et des plus radicales contestations des théories d'Henri Pirenne sur l'économie domaniale fermée. En liminaire, on lisait une de ces lumineuses introductions dont Lucien Febvre avait le secret. Ces phrases, écrites il y a plus de trente-cinq ans, ont gardé tout leur sel et toute leur efficacité :
... voici que Mme Doehaerd... bouscule bien tranquillement tout un petit Panthéon de vieilles idoles. Et d'abord, achève de mettre en déroute, de son point de vue qui est le point de vue de l'histoire, la vieille théorie de l'économie domaniale fermée qu'un homme de ma génération a vue conquérir le monde... comme une grande et séduisante nouveauté, et puis qu'il a vu contester, battre en brèche, circonscrire, démolir ; mais elle est si frappante, si séduisante, elle fournit, aux hommes qui veulent pouvoir substituer à l'infinie variété des faits la simplicité simpliste de la doctrine, de telles facilités, que, pendant bien longtemps encore, les économistes refuseront sans doute de l'abandonner ou ne le feront que du bout des lèvres, à regret.