Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
La rareté de la documentation écrite tient les sociétés rurales du Haut Moyen Age dans une obscurité qu'il est difficile de percer. Les sources littéraires n'en donnent qu'une vision très particulière, celle des clercs dont les textes nous renseignent surtout sur leurs propres représentations. Puisque le monde paysan n'a pas laissé de textes, la culture matérielle offre un terrain d'enquête privilégié sur lequel l'historien du Haut Moyen Age doit concentrer ses efforts. Ce dernier est placé dans une situation analogue à celle de qui étudie les sociétés proto-historiques pour lesquelles la rareté ou l'absence des sources écrites rend indispensable l'analyse des vestiges matériels qu'elles ont abandonnés. Ces traces matérielles de l'existence et du fonctionnement d'une société sont constituées principalement des vestiges de l'habitat, objet depuis longtemps de l'investigation archéologique.
As the archives of the Cluny abbey have been preserved, southern Burgundy represents a favoured region for the study of the rural world at the end of the early Middle Ages. A fine analysis of the material organization of the population is made possible by the great number of sources and their specific concentration in a small area, the region of Mâconnais. A serial analysis of more than 2000 private deeds between the years 900 and 1050 provide both the basis for a description of the physical characteristics of the soil (nature and morphology of the land, road networks) and demonstrate the clear division of space into basic units called the villae grouped together within agri.
These two territorial structures, whose origin and character are open to discussion, represent the basis of man's spatial perception at the beginning of the 10th century. The abundance of available documents permits a limited reconstruction of their make-up. Finally, their decline can be observed throughout the 10th century when they were progressively to be replaced by a new form of settlement organization based on the village and the parish of the Later Middle Ages.
1. Goff, J. Le, « Les paysans et le monde rural dans la littérature du Haut Moyen Age », dans SettimanedelcentradistudidiSpoleto, XIII (1965), 1966, pp. 723–744.Google Scholar
2. J.-M. Pesez, « Histoire de la culture matérielle », dans La Nouvelle histoire (ouvrage collectif) sous la direction de J. Le Goff, R. Chartier et J. Revel, Paris, 1978, pp. 98-130. Cet article dresse un état de la recherche et présente les perspectives dans le domaine de la culture matérielle en liaison avec les autres domaines de la recherche historique.
3. Ce vaste champ de recherches est considérablement plus exploité chez certains de nos voisins européens que chez nous, cf. J. Chapelot, « L'étude des terroirs fossiles », Caesarodunum, 1977, pp. 396-414. Les méthodes de l'archéologie agraire sont assez bien définies, celles de l'histoire du paysage sont encore dans l'enfance.
4. Trois grandes études d'histoire régionale embrassent le monde rural pour l'ensemble du Haut Moyen Age, dans l'espace français. Deleaoe, A., La Vie économique et sociale de la Bourgogne dans le Haut Moyen Age, Mâcon, 1941, 3 vols.Google Scholar Fossoer, R., La Terre et les hommes en Picardie jusqu'à la fin du XIIIe siècle, Paris-Louvain, 1968, 2 vols.Google Scholar Fournier, G., Le Peuplement rural en Basse Auvergne durant le Haut Moyen Age, Paris, 1962.Google Scholar
5. Bloch, M., Les Caractères originaux de l'histoire rurale française, Paris, 1952 Google Scholar, 2e édition. Dion, R., Essai sur la formation du paysage rural français, Tours, 1934.Google Scholar Roupnel, G., Histoire de la campagne française, Paris, 1932.Google Scholar Les apports de ces grands travaux sont suffisamment connus pour que nous n'y revenions pas ici ; cependant quelques remarques s'imposent. L'extrême rareté des sources écrites concernant le paysage du Haut Moyen Age fait que ces ouvrages effectuent un saut de la fin de l'Antiquité au Moyen Age classique, voire à l'époque moderne. Ainsi R. Dion qui s'appuie, pour l'essentiel, sur les écrits du xvne siècle (rapports d'intendants, etc.) et sur les auteurs latins (Caton, Varron, Columelle et Tacite) postule une longue stabilité du paysage depuis la fin de l'époque romaine jusqu'au xvme siècle : opposition classique entre France du Nord et France du Midi correspondant, avec des nuances, à l'opposition de deux grandes civilisations agraires, latine et germanique. L'historien est tributaire de ses sources, c'est une affirmation banale mais force est de constater qu'il n'a guère su entrevoir le profit que l'on pouvait tirer de l'enquête archéologique dans le domaine de l'histoire du paysage. La synthèse des résultats acquis par l'archéologie britannique dans le domaine de l'étude des champs et de leur forme, dès avant 1935, présentée par L. Aufrere, « Les systèmes agraires dans les Iles britanniques », Annales de Géographie, 1935, pp. 395-409, n'a pas, à l'époque, déterminé, en France, la mise en chantier de travaux comparables.
6. L'Histoire de la France rurale, Paris, 1975-1977, 4 vols, dans sa partie sur le Haut Moyen Age, dans le tome I, accuse nettement le retard de la recherche française dans le domaine de l'archéologie de l'habitat et du terroir. Cf. l'article de J. Chapelot, op. cit., dans lequel il brosse un rapide tableau de l'avancement de l'archéologie médiévale dans l'Europe du Nord-Ouest. On trouve un aperçu de l'archéologie médiévale dans les pays d'Europe de l'Est, dans l'article de J.-M. Pesez, op. cit. Voir aussi l'ouvrage de synthèse, Chapelot, J., Fossier, R., Le Village et la maison au Moyen Age, Paris, 1980.Google Scholar
7. Cf. notamment Agache, R., La Somme préromaine et romaine, Amiens, 1978 Google Scholar et Leday, A., « La campagne à l'époque romaine dans le centre de la Gaule », B.A.R. International Séries, 73 (1 et 2) 1980.Google Scholar Sur les problèmes que pose la recherche des cadastrations romaines dans Chouquer, G., Favory, F., « Contribution à la recherche des cadastres antiques », Annales littéraires de l'Université de Besançon, 236, 1980 Google Scholar, cf. également Annales E.S.C, n° 6, 1982, pp. 847-882.
8. Sur cette notion, R. Fossier, Enfance de l'Europe (Xe-XIIe siècles). Aspects économiques et sociaux, Paris, 1982, 2 vols, chap. n, pp. 288-570. Cet encellulement se concrétise dans la réalité, de multiples manières. Nous en retenons, ici, l'aspect qui nous intéresse au premier chef, sa traduction dans les structures territoriales et de l'habitat, à savoir la genèse de la paroisse et du village tels qu'on les connaît dans la seconde moitié du Moyen Age.
9. Les archives clunisiennes antérieures au xrve siècle ont été éditées, Bruel, A., Recueil des chartes de l'abbaye de Cluny, Paris, 1876-1903.Google Scholar Pour la datation de ces actes, Chaume, M., « Observations sur la chronologie des chartes de Cluny », RevueMabillon, XVI, 1926, pp. 44–48 Google Scholar ; XXIX, 1939, pp. 81-89 et 133-142 ; XXXI, 1941, pp. 14-19, 42-45 et 77-82 ; XXXII, 1942, pp. 15- 20 et 133-136 ; XXXVIII, 1948, pp. 1-6 ; XXXIX, 1949, pp. 41-43 (les deux dernières livraisons ont été publiées par J. Marilier). Bibliotheca Cluniacensis, compilée par dom A. Marrier et D. Duchesne, Paris, 1614. Bullarium sacri ordinis Cluniacensis, établi par P. Simon, Lyon, 1680. Les actes de Saint-Vincent de Mâcon concernent notre domaine d'étude, Cartulaire de Saint- Vincent de Mâcon, publié par C. Ragut, Mâcon, 1864.
10. C 76, nous désignerons les actes de Cluny par la lettre C suivie du n° de l'acte dans l'édition de A. Bruel et ceux de Saint-Vincent de Mâcon par la lettre M suivie du n° de l'acte dans l'édition de C. Ragut.
11. Un tel lieu-dit n'est mentionné que dans un nombre d'actes très minoritaire, cf. infra, n. 43.
12. On trouvera des hypothèses expliquant les bizarreries d'un tel découpage dans la monumentale étude, Chaume, M., Les Origines du duché de Bourgogne, Dijon, 1925-1937Google Scholar, dans le 3e fascicule de la seconde partie, p. 1014.
13. Une étude des sources diplomatiques de la Bourgogne méridionale dans l'Introduction, par Deleaoe, A. du Recueil des actes du prieuré de Saint-Symphorien d'Autun (696-1300), Autun, 1936.Google Scholar A partir du xie siècle, le courant de donations se ralentit dans notre région. Les cartulaires de Cluny et de Mâcon sont moins bien tenus. Enfin, la nature des actes se modifie : les notices d'arbitrages ou de restitution, rédigées beaucoup plus librement, se multiplient. Les informations livrées se prêtent donc moins facilement au traitement en série.
14. A. Bruel avait entrepris un index des noms de lieux et de personnes, mais la mort l'a arrêté dans ce travail. Voir J. Richard, « La publication des chartes de Cluny », dans A Cluny. Congrès scientifique, publié par la Société des Amis de Cluny, 1949. Depuis, on n'envisage toujours pas la publication de cet index dans un délai rapproché, M. Oursel-quarre, « A propos du chartrier de Cluny », Annales de Bourgogne, L, 1978. Pour pallier l'absence de dictionnaire topographique, on peut recourir à diverses tables d'identification de toponymes médiévaux dont aucune n'est vraiment complète. Citons L. Chavot, Le Maçonnais historique, Mâcon, 1884. M. Chaume, Les Origines…, op. cit., n. 12. A. Deleage, La Vie économique…, op. cit., n. 4. Ainsi que les index publiés dans Bernard, A., Cartulaire de l'abbaye de Savigny et petit cartulaire d'Ainay, Lyon, 1853 Google Scholar et dans le cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon publié par C. Ragut (ouvrage cité n. 9). On peut identifier encore de nombreux toponymes des chartes en dépouillant les tableaux indicatifs du cadastre napoléonien.
15. Ceci, selon une formule du type res proprietatis meae sitas in pago illo, in vicaria illa, in villa illa ou bien res meas in pago illo, in centena illa, in villis illis et illis ; Zeumer, K., Formulae meromngici et karolini aevi, Hanovre, 1882-1886.Google Scholar Une seule formule de ce recueil cite le terme ager dans un usage voisin de celui dans lequel nous le rencontrons dans les sources bourguignonnes, in ipso pago, in agro illo, portione mea, tam terris, mansis… (Cartae Senonicae, p. 203).
16. Synthèse et bibliographie sur le « régime domanial classique », dans Duby, G., L'Économie rurale et la vie des campagnes dans l'Occident médiéval, Paris, 1962, 2 volsGoogle Scholar, livre I, chap. 2. Ce « régime » est remis en cause dans F. Fossoer, Enfance, op. cit., n. 8, p. 142 : « Le système domanial carolingien ou mérovingien n'existe pas (…). Après les premiers assauts de P. de Saint-Jacob dans les années quarante, puis ceux de G. Duby, d'A. Verhulst et de K. Bosl, ce ballon est crevé ; il n'y a pas de chercheur régional depuis quinze ans qui, tout en saluant cette illustre dépouille, n'affirme qu'on ne la rencontre pas là où il a travaillé. »
17. Deleage, op. cit., pp. 511-517. Duby, G., La Société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, Paris, 1971 Google Scholar, 2e édition, remarque (p. 82) qu'au Xe siècle, la plupart des tenures sont exemptes de tout service. Le manse dominical (mansus indominicatus) est exploité par des servi qui y résident. Par exemple, C 1756 (987-996) emegistre le don à Cluny par Ubertus, de aliquid de rébus meis que sunt site in pago Matisconense, in villa Curtilis, videlicet mansum indominicatum cum omnibus apenditiis suis, et servum, nomine Seirannum, cum uxore et infantibus suis. Malgré l'ambiguïté du terme indominicatus, G. Duby pense qu'il s'agit souvent de centres domaniaux exploités au seul profit du maître par les serfs qui y sont installés, mais qui ne le tiennent pas.
18. Duby, op. cit., p. 80.
19. Fournier, op. cit., cf. des résultats comparables dans le Latium, Toubert, P., Les Structures du Latium médiéval : le Latium méridional et la Sabine du IX’ siècle à la fin du XIIe siècle, Rome, 1973, 2 vols, p. 450 ss.Google Scholar
20. Dès lors que le modèle du « régime domanial classique » se révèle inopérant, il y a risque d'ambiguïté à utiliser les concepts de « réserve » et de « tenure » qui, pour le Haut Moyen Age, lui sont étroitement attachés et entraînent, par conséquent, avec eux, un cortège de notions fortement dépendantes de ce modèle. Ainsi, si l'on en revient à l'exemple de C 1756 (cf. supra n. 17), évoquer la réserve à propos du mansus indominicatus en question, mis en valeur par un seul couple de servi, c'est rentrer immédiatement en conflit avec la notion, classique dans le modèle cité, d'une réserve de grande taille exploitée par toute une familia. Et à l'évidence, le concept de tenure ne s'adapte pas non plus à ce mansus indominicatus.
21. « Propriétaire » est un terme usuel, mais pas nécessairement très adapté à la réalité du Haut Moyen Age. La notion de propriétaire suppose l'existence d'un état de droit, ce qui est un problème de cette époque. Guerreau, A., Le Féodalisme, un horizon théorique, Paris, 1980, pp. 179–184 Google Scholar, suggère que dans le cadre de l'Europe féodale, on raisonne en terme de pouvoir et non de droit. Il insiste en outre sur la nécessité de rechercher « les termes adéquats aux concepts spécifiques que nécessite la théorie du système féodal ». Dans le souci de clarifier les concepts que nous utilisons ici, précisons donc que nous entendons par « propriétaire », en cette fin du Haut Moyen Age, un individu, ou un groupe, qui dispose d'une maîtrise suffisante sur un bien foncier et, éventuellement sur les servi qui le mettent en valeur, pour pouvoir aliéner ce bien et ces serfs. Ajoutons que le terme « alleu » est rare dans nos sources et que l'on rencontre souvent le terme hereditas, sans préjuger des pratiques réelles que peut désigner ce dernier terme emprunté au vocabulaire juridique romain.
22. A. De Charmasse l'avait déjà montré dans son Essai sur la propriété en Bourgogne au Moyen Age, qui constitue l'introduction du second volume de son édition du Cartulaire de l'église d'Autun, Paris, 1865-1900, 2 vols ; G. Duby cite d'autres exemples du même phénomène, op. cit., p. 75, n. 115.
23. Cf. l'acte cité en exemple supra p. 530, où l'on apprend que la vigne en question est confinée par des terres appartenant à Saint-Pierre (abbaye de Cluny), Saint-Vincent (cathédrale de Mâcon) et l'acheteur de cette vigne. A. Deleaoe, op. cit., pp. 1064-1084, a relevé l'ensemble des propriétaires cités dans un petit groupe de villae de l'ager Ibgiacensis et de Vager Maciensis entre 900 et 1050, soit 5 générations. Le nombre de ces propriétaires connus augmente évidemment avec le nombre d'actes qui concernent ces villae et atteint fréquemment plusieurs dizaines (70 pour la villaBesorniacus, l'actuel Bésornay).
24. Les propriétaires dont nos sources éclairent le mieux la position sociale sont évidemment les puissants : le roi, le comte, les membres des principaux lignages. Mais la foule des personnages cités dans nos actes reste plongée dans une parfaite obscurité quant à l'état de leur richesse. Rares sont les actes qui nous permettent d'évaluer l'état d'une petite fortune foncière comme c'est le cas de C 1721 (986). Cet acte enregistre la donation à Cluny, faite par Adalgerius pour sa sépulture et pour son salut, d'un curtil, d'une vigne et de terres dans la Villa Noglas, de prés, de terres et d'une portion de bois dans la villa Calmeriacus et enfin d'un manse dominical avec ses dépendances et deux couples de serfs avec leurs enfants dans la villa Curciacus. Adalgerius est sans enfant puisqu'une clause indique que si un héritier lui vient, legali conjugio procreatus, tous ces biens lui reviendraient au lieu d'aller à Cluny, à l'exception de la vigne. Il n'est d'ailleurs probablement pas marié, sinon sa femme apparaîtrait comme bénéficiaire de cette donation, pour son salut. Enfin Adalgerius se réserve jusqu'à son décès la vigne qui reviendra dans tous les cas à Cluny (quamdium advixero teneam). Tout indique qu'il s'agit là de l'essentiel de ses biens, qu'il abandonne à Cluny, faute d'une descendance légitime. Plus généralement, la majorité des donations faites à Cluny consiste en parcelles, souvent de petites dimensions.
25. Par exemple, C 1535 situe un champ in alio loco ubi a Moyson dicitur, sans citer de villa, en précisant que ce champ est au bord de la Grosne. On possède une longue série d'actes qui indiquent qu'il s'agit de la villa Muyson ou Moyson qui est bien située le long de la Petite Grosne : C 702, C 1532, C 3028, M 43, M 44, M 70, M 75, M 80, M 112, M 114, M 115, M 121, M 122, M 123, M 124, M 125, etc.
26. Par exemple, les grandes forêts de la vallée de la Saône : M 69 (948-955) nemoris juxta Ararim fluvium ab amne Vêle usque ad Osanni lacum.
27. C 1317 villa Longus Exartus ; villa Exartis M 40, M 70, M 85, M 86, M 153, M 192, M 421, M 485 ; villaEscartellis C 1243, C 1420, C 1601, C 2934, etc. Lieux-dits : Exarto dans la villa Mont C 1677 ; Issart Granno dans la villa Bugdono C 2060 ; Exarto Marcello dans la villa Bu/erias C 2308, etc.
28. On ne connaît que 14 chartes dans notrepagus qui mentionnent 10 vici différents (cf. liste dans Chaume, op. cit.). 8 de ces vici sont en fait couramment dénommés villae dans nos sources. Seuls deux d'entre eux sont chefs-lieux de vicaria (Castellum et Merziacus), un autre, chef-lieu d'ager (Galoniacus) et un dernier chef-lieu de paroisse dès la fin du ixe siècle (Soloniacus). L'énorme majorité des chefs d'ager et de vicaria ne sont jamais dénommés que par le terme villa. L'usage du terme vicus apparaît donc parfaitement secondaire dans nos sources et n'obéit à aucune règle apparente. Mâcon que nos sources dénomment civitas est évidemment un cas particulier. Il en va de même de Cluny qu'un acte de 994, unique, de son espèce, dénomme burgus (C 2255).
29. George, P., Dictionnaire de la géographie, Paris, 1974 Google Scholar, 2’ édition, art. « finage », p. 183.
30. Quelques exemples de chartes où ces locutions sont citées, toujours dans la description des confins d'un autre bien foncier : terra consortorum C 24, C 201, C 667, etc. ; terra communis C 109, C 337, etc. ; communi pasturale C 1506 ; pratum commune C 2340 ; terra communalis C 158, C 365, C 1372, et silva communale C 912, C 1144 ; terra vulgaris M 342, M 372, M 417 ; increpitum communale C 1602, C 1688 ; terra francorum C 132, C 461, C 552, C 580, C 691, etc.
31. Sur le rôle de la parenté comme ciment des communautés médiévales, voir les réflexions de Guerreau, op. cit., pp. 184-191. Deleage, op. cit., p. 383 a bien exprimé l'importance des liens de parenté : « la vraie, la seule communauté de l'époque franque, ce n'est pas le village, qui n'est pas encore une unité organisée, c'est la famille. » Nous souscrivons à cette affirmation pourvu que l'on entende par famille, toute une parentèle, ce que ne faisait probablement pas A. Deleage. G. Duby sous-estime largement l'importance des biens laissés dans l'indivision entre les membres d'une même parentèle (pp. cit., pp. 64-65). Nos observations concordent avec celles de Deleage : « Les héritiers procèdent le moins possible au partage des terres » (op. cit., p. 383).
32. Par exemple C 492 (938) enregistre la vente à Cluny d'un curtil, effectuée par Ingeltrudis et ses enfants Sigevert, Aranbal, Atalgis et Euvard. Il est très fréquent dans nos sources que les enfants soient associés à leurs parents dans une transaction foncière ; il est souvent précisé que ces enfants consentent à la vente ou à la donation. Ces biens indivis ne se limitent pas au patrimoine hérité. En effet, treize ans après l'acte que nous venons de citer, deux des enfants d'Ingeltrudis, Aranbal et Sigevert (ce dernier s'est marié entre-temps avec Valberga) sont associés dans l'achat d'un curtil (C 809).
33. M 142, M 147, M 148, M 167, M 276, M 284, M 308, etc. B. Blumenkranz, « Cultivateurs et vignerons juifs en Bourgogne du IXe siècle au XIe siècle », Bulletin philologique et historique du Comité des Travaux historiques et scientifiques, 1959.
34. Le grand inventeur de cette théorie est N. D. Fustel De Coulanges, au xixe siècle. Il l'expose dans le tome 4 de sa monumentale Histoire des institutions politiques de l'ancienne France, Paris, 1888-1892, 6 vols, consacré à l'alleu et au domaine rural à l'époque mérovingienne. Cette théorie a connu un grand développement dans l'oeuvre de C. Jullian, son élève, et spécialement dans l'article qu'il a consacré au Maçonnais : « L'analyse des terroirs ruraux », Revue des Études anciennes, 1926 ; cet article est lui-même fondé sur le répertoire archéologique publié par Jeanton, G., Le Maçonnais gallo-romain, Mâcon, 1926.Google Scholar
35. Cf. à ce sujet Roblin, M., Le Terroir de Paris aux époques gallo-romaine et franque, Paris, 1971 Google Scholar, 2e édition.
36. Jeanton, op. cit.
37. Par souci de ne pas remonter au déluge, nous n'avons pas mentionné la possibilité d'un legs préromain. Celui-ci ne peut cependant être exclu puisqu'il existe un important héritage celtique dans la toponymie du xe siècle (cf., par exemple, les villae Bugdunum, Brancedunum, Mediolanum, etc.). On connaît, dans les pays anglo-saxons surtout, de beaux parcellaires fossiles de l'âge du fer (celticfields).
38. L'archéologie mérovingienne de la région mâconnaise bénéficie d'une synthèse récente : Semainville, H. Gaillard De, Les Cimetières mérovingiens de la côte chalonnaise et mâconnaise, Dijon, 1980 Google Scholar, suppl. n° 3 de la Revue archéologique de l'Est et du Centre-Est. Le titre dit assez qu'on ignore tout de l'habitat des vivants. Deux remarques concernant notre sujet ressortent de la lecture de cet ouvrage. D'une part, on observe une installation assez fréquente des nécropoles à l'intérieur des vestiges d'un établissement rural gallo-romain, ce qui est un phénomène maintes fois observé en d'autres régions. D'autre part, il existe une dispersion flagrante des nécropoles ; on en connaît fréquemment plusieurs par commune, ce qui est aussi le cas des villae du xe siècle. Seule l'archéologie pourra démontrer s'il existait une nécropole par villa.
39. Dans l'ordre où nous allons” les citer dans le texte : C 362, C 1556, C 1629, C 2260, C 2296.
40. Le curtil est très fréquemment associé, dans nos actes, à une vigne avec laquelle il forme une parcelle d ‘ un seul tenant.
41. Parmi les parcelles données à Cluny et situées dans Yager Galoniacensis auquel appartient la villa Castellum, 20 °?o sont des vignes. On ne peut en déduire avec certitude que 20 % du sol est en vigne, mais plutôt que les moines se font donner de préférence des vignes.
42. S'il ne fait aucun doute que le manse est en principe un lieu habité, le curtil pose un problème à cet égard. En vieux français, « cortil » désigne nettement un jardin (cf. Tobler, A., Lommatzsch, E., Altfranzôsisches Wôrterbuch, Berlin puis Wiesbaden, 1925-1975Google Scholar, qui donne comme traduction de cortil, Gemùsegarten, jardin potager). Niermeyer (Mediae latinitatis lexicon minus, Leyde, 1976) indique que le terme curtile et ses variantes désigne 1) l'enclos qui comprend le jardin et la maison ; 2) la cour, le jardin, l'espace clôturé attenant à la maison ; 3) une tenure domaniale généralement moins importante que le manse ; 4) le centre d'exploitation d'un domaine d'importance médiocre. Il existe donc une certaine hésitation de l'un à l'autre de ces dictionnaires pour savoir si le curtil comprend ou non une partie habitée. G. Duby, dans sa thèse (op. cit., p. 39, note 31) pense que le curtil est un centre d'exploitation agricole de petites dimensions que les contemporains auraient distingué du manse par une étendue et un rendement moindres mais qu'ils ont souvent confondu avec ce dernier. En fait, un certain nombre de chartes indiquent clairement que le curtil peut être une parcelle bâtie et habitée, par exemple C 195 : curtilus indominicatus cum casa et vinea et prato insimul tenente, ou bien C 747 : curtilium ubi Martinus mansit cum omnibus apendiciis et pertinentiis suis, cum vineis, pratis… ; s'il demeure que le terme curtilus peut ne désigner dans certains actes qu'un jardin enclos, le nombre d'actes semblables aux deux exemples cités est assez important pour que l'on puisse avancer que ce terme renvoie fréquemment à un lieu habité.
43. Deux lieux-dits du xe siècle ont laissé un descendant au début du xixe siècle : Roclena et Buiat (C 1479, 979) : voir la carte. Les autres lieux-dits sont : Fons Leoni (C 290, 927-928 et C 2843, 1030), Filgeriolas(C 311, 927-942 et C 3152, 1049-1109), Genesio(C 1734,987), Virdegarium (C 2443, 997-1031) et Trembleia (C 2443, 997-1031). Il n'y a que Belucia dont on ne soit pas certain qu'il existe encore après 902 (C 311, 902).
44. Voir la carte. Nous avons obtenu ce chiffre en traçant un cercle d'un rayon d'un kilomètre, grosso modo, autour du centre de la villa.
45. Via publica se rencontre presque dans chaque acte où les confins d'un bien sont décrits ; via vicinabilis : C 414, C 700, C 866, etc. ; strata : M 208 ; senterius vicinabilis : M 387, C 2114 ; semita vicinabilis : C 1747, C 1815. On ne peut dans nos sources distinguer une hiérarchie entre les voies de communication comme le fait P. Toubert, dans Les Structures du Latium médiéval, op. cit., p. 273 ss.
46. Afin de raisonner sur l'échantillon le plus vaste possible et tenant compte qu'un certain nombre d'actes de ce cartulaire ne sont datés que dans une fourchette, nous avons retenu, pour ce décompte, tous les actes jusqu'à la fin du xie siècle, en éliminant ceux qui ne concernent pas le pagus de Mâcon. Cela représente environ 500 des 633 actes du cartulaire. En outre, pour que les chiffres que nous présentons dans ce tableau soient comparables avec ceux qui suivront, nous n'avons retenu parmi toutes les parcelles dont les confins sont décrits que les manses, les curtils, les vignes, les prés et les champs. Ils constituent de très loin l'essentiel de notre documentation puisqu'ils rassemblent à eux seuls 407 des 430 parcelles dont les confins sont décrits.
47. Le nombre relativement plus faible de manses et de prés qui apparaissent dans ce tableau ne tient pas à ce que leurs confins seraient moins souvent décrits dans les actes, mais à leur nombre moins important dans nos sources. Huit sur dix des biens qui font l'objet des actes sont des vignes des champs et des curtils.
48. Deleaqe, op. cit., p. 133 ss, estime que les mentions de périmètre, assez rares au demeurant, concernent des parcelles circulaires. Peu importe, puisque nous ne nous intéressons ici qu'aux parcelles polygonales qui sont assimilées dans nos sources à des rectangles (in longo nperticas, in latere n perticas), ou à des trapèzes (in longo n perticas, in unafronte n perticas, in altéra n perticas) ; ces deux cas sont de très loin les plus nombreux. Sur notre graphe, lorsque les deux largeurs d'une même parcelle sont différentes, nous avons retenu la valeur moyenne. Les mesures sont évaluées en perches et en pieds, nous ignorons en principe le nombre de pieds de la perche mâconnaise au xe siècle. On observe cependant que rares sont les mesures qui comportent une fraction de perche supérieure à 9 pieds. Le relevé et le traitement statistique de toutes les mentions de fractions de perches, indiquent que cette dernière valait vraisemblablement 12 pieds (cf. notre article, à paraître sur ce thème). Nous avons donc pris le parti, sur notre graphe, d'arrondir les fractions de perche inférieures à six pieds à la perche inférieure et les fractions supérieures, à la perche supérieure. Nous ignorons la longueur du pied, en Maçonnais, au xe siècle, mais on peut admettre qu'une valeur moyenne de 30 cm avec une incertitude de + ou - 5 cm, ce qui donne une perche comprise entre 3 m et 4,2 m avec une valeur moyenne de 3,6 m et une perche carrée moyenne de l'ordre de 13 m2.
49. Le nuage de points représentant les curtils est suffisamment groupé pour que la moyenne arithmétique des surfaces des curtils soit assez représentative de la réalité. Elle est de l'ordre de 180 perches carrées, ce qui donne un curtil dont la taille varie autour du quart d'hectare (formulation volontairement vague, toute précision supplémentaire est illusoire). Les nuages de points représentant les vignes et les champs sont trop dispersés pour que le calcul de la taille moyenne de chacun de ces types de bien ait un quelconque intérêt. D'autres instruments statistiques que le banal calcul de la moyenne, sont utilisables pour décrire une telle réalité. La démonstration faite (par des moyens artisanaux !) que les vignes sont le plus souvent plus petites que les champs, suffit cependant amplement à notre propos présent.
50. P. Toubert, op. cit., p. 281 ss, observe dès la première moitié du xr= siècle, l'existence de mini-terroirs de parcelles en lanières correspondant aux terroirs céréaliers, dans le Latium et en Sabine. Nos sources nous montrent la présence de parcelles à très fort indice d'allongement (supérieur à 8) dès le Xe siècle. Rien ne permet cependant de montrer que ces parcelles s'organisent en terroirs homogènes, en Langstreifenfluren typiques de Vopenfield.
51. Ces trois espaces ne sont pas sans points communs avec les trois types de terroirs mis en lumière par P. Toubert, op. cit., p. 281 ss, vergers-jardins de dimensions assez réduites, vignes et terres arables de dimensions plus grandes et où les parcelles allongées sont plus nombreuses. P. Toubert ne fait pas d'observation sur le taux d'irrigation de ces trois types de terroir par le réseau des chemins.
52. Le concept d'exploitation agricole est un anachronisme ; il nous permet cependant de désigner ces ensembles composés d'un curtil ou d'un manse et de ses dépendances, par exemple dans M 324 (996-1018) : d'une part, mansum cum supraposito et curtilo qui forment un ensemble d'un seul tenant dont les confins sont cités, et d'autre part, quicquid ipse servus qui ibidem manet tenet : hocsuntprata, campi, silve…, ce que d'autres actes appellent les appendicia. Il n'y a pas de lien topographique entre le manse et ses dépendances ; l'unité de l'« exploitation agricole » est assurée dans cet exemple par le couple de serfs et leurs enfants qui tiennent l'ensemble dont il est dès lors aisé, au maître du sol et des serfs, de distraire une parcelle pour la vendre ou en faire don. Citons un autre exemple où la tête d'exploitation est appelée curtil, C 747 (949) curtilium ubiMartinus mansit cum omnibus apendiciis et pertinentiis suis, cum vineis, terris, pratis, silvis, pascuis (…).
53. C'est par exemple le cas des manses, dispersés à travers le paysage, du Sud-Ouest de la France. Cf. l'exemple du mas du Poujet actuel qui descend d'un manse qu'un acte du xme siècle décrit entouré de ses terres arables, de pacages et de bois (C. Higounet, « Observations sur la seigneurie rurale et l'habitat en Rouergue du ixe siècle au xrve siècle », Annales du Midi, 1950, pp. 121-134).
54. Guerard, B., Essai sur le système de divisions territoriales de la Gaule depuis l'âge romain jusqu'à la fin de la dynastie carolingienne, Paris, 1832 Google Scholar; Bernard, op. cit. (contient une « nomenclature des subdivisions territoriales des diocèses de Lyon et de Mâcon ») ; T. Chavot (préface du Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon), op. cit. ; Deloche, M., Études sur la géographie historique de la Gaule et spécialement sur les divisions territoriales du Limousin au Moyen Age, Paris, 1861 Google Scholar ; Charmasse, A., « Essai sur la géographie de l'ancien diocèse d'Autun », dans Cartulaire de l'évêché d'Autun, t. 1, Paris, 1880 Google Scholar ; Valous, G. de, Le Domaine de l'abbaye de Cluny aux Xe et XIe siècles, Paris, 1923 Google Scholar ; Chaume, op. cit. ; Deleage, op. cit. ; Duby, op. cit.
55. C 52, C 67, C 68, C 84, C 89 bis, C 93, C 182, C 202, C 275, C 495, C 951, C 1134, C 1704, C 2843, C 94, C 1479.
56. C275.
57. C386.
58. La villa Exartis appartient à Yager Fusciacensis (M 86, M 153) et la villa Exartellis à Vager Marciacensis (C 1243, C 1420, C 1601).
59. V. Bainas : C 185 ; v. Beiras : C 52, C 67, C 68, C 84, C 89 bis, C 93, C 94, C 202, C 495, C 951, C 1134, C 1479, C 2843 ; v. Buidon C 206, C 280, C 452, C 550, C 1065, C 1212, C 1558, C 1797, C 1847, C 2843, M 418 ; v. Calmeriacus C 434, C 473, C 985, C 1129, C 1564, C 1750, C 2766 ; v. Castellum C 75, C 76, C 77, C 82, C 100, C 1141, C 1479, C 1556, C 1629, C 1734, C 2260, C 2843, M 200 ; v. Curcheviso C 795 ; v. Galoniacus C 13, C 375, C 466, C 612, C 639, C 852, C 1086, C 1232, C 1797, C 1847 ; v. Lorniacus C 1520 ; v. Maletico C 1315 ; v. Montilio C 551, C 1340, C 1564, C 1946, C 2316, C 2618 ; v. Roseliacus C 35, C 434 ; v. Vallis C 54, C 376, C 389, C 492, C 744, C 809, C 2704, C 2708 ; v. Vêtis Curtis C 100, C 179, C 400, C 539, C 639, C 683, C 720, C 1354, C 2576, C 2606, C 2627, C 2633, C 2648, C 2671, C 3239. Les 7 villae citées dans le seul ager Galoniacensis sont Buidon, Calmeriacus, Curcheviso, Galoniacus, Maletico, Roseliacus, Vêtis Curtis.
60. Le réseau des voies romaines est à peu près clair dans la dépression de la Saône, mais beaucoup plus confus dans la partie occidentale au pagus (cf. Jeanton, op. cit.). V ager Briendonensis a laissé son nom à l'actuel village de Brandon qui domine un carrefour de voies naturelles vers le Beaujolais, au sud, par la haute vallée de la Grosne vers le Charollais, à l'ouest, et vers le Clunisois et la basse vallée de la Grosne, au nord-est.
61. Ce chef-lieu A'ager a laissé son nom au château de Brancion, fief d'une puissante famille au Moyen Age classique. Ce château qui succède à une forteresse gauloise surveille le col du même nom, importante voie de passage entre le Tournugeois et l'intérieur de la cité éduenne. Hormis cet exemple qui appartient au pagus de Chalon, et celui de Brandon dans le pagus de Mâcon, on ne relève pas de lien entre les forteresses celtiques et les chefs-lieux d'agri. Il en va de même pour les forteresses du Haut Moyen Age qui demeurent cependant mal connues. Les grandes forteresses du xc siècle, Brancion, Lourdon, Berzé ne sont pas, à l'exception de la première, des chefs-lieux d'agri ; de même, la villa Castellum dont le nom témoigne d'une fortification de l'Antiquité, n'est pas chef à'ager mais appartient à Vager Galoniacensis.
62. Les deux plus anciennes mentions d'agri dans le pagus Matisconensis se trouvent dans le cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, chartes n° 74 et 360 datées entre 814 et 850. Pour \espagide Chalon-sur-Saône, Lyon, Autun et Vienne, voir le recueil clunisien, chartes n° 14 (datée de 870 [?]), 24 (881), 25 (881) et 3 (814). En Bourgogne, on trouve aussi des mentions d'agri dans les pagi d'Avallon, de Bar-sur-Aube et de Nevers mais aucune n'est antérieure au ixe siècle. Avant ce siècle, quelques actes citent le terme ager dans un sens peut-être équivalent à celui que nous étudions ici : cartulaire de Flavigny, n° 1 (début vme siècle) : in loco nuncupante Flaviniaco, in agro Burnacense, in pago Alsinse,… ; voir aussi la formule des Cartae Senonicae, citée dans la note 20, composée avant 775.
63. F. Lot, « Vicaria et Vicarius », Nouvelle Revue historique du Droit français et étranger, 1893 ; C.-E. Perrtn, « Sur le sens du mot centena dans les chartes lorraines du Moyen Age », Bulletin du Cange, 1929-1930.
64. M. Chaume (op. cit., p. 777 ss) tient Vager pour un territoire mal défini tantôt équivalent de la vicaria, tantôt subdivision de cette dernière. A. Deleage note (op. cit. p. 297) : « ager est le groupe de finages (c'est-à-dire de villae formant une viguerie, quelquefois une paroisse ». Dans l'étude du déclin de Vager, on verra pourquoi A. Deleage assimile, dans quelques cas, Vager à un ressort paroissial. G. Duby (op. cit., p. 99, note 45) indique « dans les textes de la fin du xe siècle, la coïncidence entre la vicaria et Vager ne s'observe pas toujours, mais elle est si fréquente que l'on peut tenir les deux institutions pour voisines ».
65. Les 16 vicairies sont : vicaria Baxiacensis C 1007 ; vie. Berciacensis C 556 ; vie. Buferias C 352, C 511, C 557, C 882, C 999, C 1257, C 2489 ; vie. Burgundionensis C 746 ; vie. CardoniacensisC 1055, C 1266 ; vie. Castellum C 1123 ; vie. Cavaniacensis C 1219 ; vie. EscurolasC 562 ; vie. Fusciacensis C 1507 ; vie. Ibgiacensis C 1442 ; vie. Lanciacensis C 445, 537 ; vie. Marciacensis C 1216 ; vie. Rufiacensis C 266 ; vie. Salomiacensis C 214 ; vie. Sancti Pontii C 581 ; vie. VerciacensisC 294, C 2739. Les cinq villae à la fois chefs d'ager et de vicairie sont Cardoniacus, Fusciacus, Ibgiacus, Marciacus et Rufiacus. Les six villae qui ne sont certainement pas chefs d'agri sont Baxiacus qui appartient à Vager Ciciacensis ; Buferias qui appartient à Vager Mediolanensis ; Burgundia qui appartient à Vager Ticiacensis ; Castellum qui appartient à Vager Galoniacensis ; Sanctus Pontius qui appartient à Vager Ticiacensis Verciacus qui appartient à Vager Ibgiacensis
66. C 1524 (980), C 2391 (997) et C 2591 (1004). C'est sur ces trois actes que s'appuie G. Duby dans son étude des juridictions inférieures au mail comtal dans « Recherche sur l'évolution des institutions judiciaires pendant le xe et le XIe siècle dans le Sud de la Bourgogne », Le Moyen Age, 52- 53,1946-1947. Seul l'acte de 980 précise la villa où s'est tenue l'assemblée vicariale : ante ecclesiam Sancti Pétri Prisciacensis ville. L'acte de 997 indique que les boni homines se sont réunis in atrium Sancti Martini, mais les églises portant cette dédicace ne manquent pas et rien ne permet de préciser la villa où elle se tient (le pré en litige est lui situé dans la villa de Nogent près de Balleure dans le pagus de Chalon). Enfin l'assemblée de 1004 s'est déroulée atrio Sanctae Mariae dont rien ne permet de situer la villa où cette église se tient (la villa Castellum située dans l'ager Galoniacensis, que suggère G. Duby, possède une église dédiée à saint Martin, cf. M 62, M 70, M 97, M 392).
67. Le vicarius est mentionné dans C 1524, C 2591. J. Richard estime que le viguier du xe siècle est essentiellement un juge, délégué du comte, cf. « Aux origines du Charolais, vicomte, vigueries et limites du comté en Autunois méridional (Xe-XIIIe siècles) », Annales de Bourgogne, 35.
68. Dans un rayon de 10 km autour de Pressy-sous-Dondin, on connaît les vicairies de Buffières (Buferias), Chevagny-sur-Guye (Cavaniacus) et Salornay-sur-Guye (Salorniacus), Dans le même rayon autour de Prisse, on connaît celles de Berzé (Berciacus), Fuisse (Fusciacus), Igé (Ibgiacus) et Verzé (Verciacus).
69. 13 des 16 chefs de vicairies du Xe siècle deviendront chefs de paroisses : Berciacus (Berzé), Buferias (Buffières), Cardoniacus (Chardonnay), Castellum (Château), Cavaniacus (Chevagnysur- Guye), Fusciacus (Fuisse), Ibgiacus (Igé), Lanciacus (Lancié), Marciacus (Merzé, chef de paroisse jusqu'au xvne siècle), Rufiacus (Ruffey, paroisse à la fin du xie siècle), Salorniacus (Salornay-sur-Guye), Sanctus Pontius (Saint-Point) et Verciacus (Verzé).
70. En Auvergne, dans le Nivernais, le Gévaudan, le haut Rouergue, le Forez, le Velay et beaucoup plus rarement en Limousin et dans le Quercy, on rencontre le terme aicis, cf. Deloche, op. cit., pp. 11-12. Le même auteur présente une carte despagi et des vicairies du Limousin dans Pagi et vicairies du Limousin aux IXe, Xe et XIe siècles, Paris, 1899 ; sur cette carte ressort nettement la différence entre les régions moins bien servies par la documentation et où l'on ne connaît que de rares chefs-lieux de vicairies et celles mieux éclairées par les sources et où l'on rencontre des chefs de vicairies distants les uns des autres d'une dizaine de kilomètres, voire moins.
71. Cf. villa Curciacus C 1121, C 2398, C 2660, C 2853 bis, C 2900 ; v. Diona C 1270 ; v. Domanacus C 1791, C 1925, C 2589, C 2615, M 217 ; v. Gigniacus C 1466, M 432 ; v. Ibgiacus C 399, C 481, C 490, C 526, C 634, C 778, C 1085, C 1124, C 1301, C 1380, C 1412, C 1413, C 1442, C 1459, C 1483, C 1531, C 1706, C 1801, C 1802, C 1871, C 1923, C 1924, C 1932, C 2190, C 2286, C 2628, C 2666, C 2697, C 2714, M 105, M 214, M 248, M 250, M 251, M 264 ; v. ManiciacusC 2923, M 247 ;“v. MariniacusM 424 ; v. MinciacusM 198, M 495 ; v. Nusciacus M 253, M 263 ; v. Leorniacus M 212, M 213, M 245, M 246, M 426 ; v. Privisiacus C 874, C 252, C 2190 ; v. Vallis C 1415, C 1898 ; v. Verchisotum M 424, M 430, M 458 ; v. Verciacus C 823, C 942, C 1027, C 1099, C 1188, C 1339, C 1340, C 1342, C 1529, C 1530, C 1681, C 2190, C 2224, C 2365, C 2702, C 3156, M 199, M 201, M 205, M 207, M 211, M 215, M 221, M 228, M 229, M 232, M 233, M 424 ; v. VinceacusM 237.
72. Les quatre villae citées dans l'ager Verciacensis sont v. Maniciacus M 202 ; v. Domanacus M 222, C 2934 ;v. Ibgiacus M 259, C 2422 ; v. Privisiacus C 248, C 252. Cet ager est donc cité dans les chartes de Saint-Vincent de Mâcon et dans celles de Cluny ; il est exclu qu'un même moine ait recopié ces actes en inventant un ager Verciacensis comme nous en avons émis l'hypothèse pour Y ager Cluniensis.
73. La villa Sanciacus est citée dans l'ager Salorniacensis dans M 28, M 268, M 269, M 272, M 285, M 286, M 287, M 288, M 289, M 290, M 294, M 297, M 299, M 372, M 470, M 486, M 487, et dans l'ager Sanciacensis dans M 279, M 293, M 298, M 302, M 305.
74. C 1414, M 82, M 300, M 389 placent la villa Uriniacus dans l'ager Salorniacensis.
75. Les 13 villae placées à la tête à'agri fictifs et qui seront chefs de paroisses au Bas Moyen Age, sont : v. Amoniacus (qui appartient à l'ager Agenacensis), v. Buferias (a. Mediolanensis), v. Cluniensis (a. Rufiacensis), v. Cantriacus (a. Fusciacensis), v. Flagiacus (a. Agenacensis), v. Miliacus (ager inconnu), v. Masiliacus (a. Marciacensis), v. Sanciacensis (a. Salorniacensis), v. Sinitiacus (a. Salorniacensis), v. Plotensis (a. Cardoniacensis), v. Soloniacus (peut-être ager Laliacensis), v. Uriniacus (a. Salorniacensis) et v. Merciacus (a. Ibgiacensis).
76. M 403.
77. M 407.
78. La villa Miliacus se voit dotée d'un ager dans un acte (C 1287) ; celui-ci range dans Vager Miliacensis, la villa Privilingas. Cette dernière appartient à Vager Ticiacensis qui occupe la vallée du Valouzin comme le prouvent un acte (C 394) et la position géographique du hameau de Purlange (commune Sainte-Cécile) qui doit son nom à cette villa. Il y a peu de chance qu'un ager Miliacensis ait jamais existé puisqu'on ne connaît pas d'autre acte qui évoque son existence alors que cette zone du pagus est, redisons-le, bien documentée. Cependant, on ne sait à quel ager appartenait Miliacus car des sept actes qui mentionnent cette villa (M 70, M 235, M 239, M 403, M 433, M 473, M 494) aucun ne cite Vager. L'ager Soliniacensis n'est lui aussi connu que par un seul acte (C 1117) qui y localise la villa Seia ; or, cette dernière est rangée par 22 actes dans Vager Laliacensis qui est l'un de ceux fréquemment cités dans cette zone de la Petite Grosne (C 1767, C 1930, C 2183, C 2339, C 2417, C 2421, C 2706, C 180, C 200, C 620, C 636, C 638, C 1203, C 1234, C 1361, C 1369, C 1485, C 1486, C 1489, C 1625, C 3113). Vager Soliniacensis est donc lui aussi un ager fictif d'autant que deux actes placent la villa Soliniacus dans Vager Laliacensis (C 1350, C 1515).
79. Chaume, op. cit., p. 777 ss. Voir aussi M. Garaud, « Les circonscriptions administratives du comté de Poitou et les auxiliaires du comte au xe siècle », Le Moyen Age, 1953, pp. 11-61.
80. La chronologie des désertions d'habitats peut être établie par la prospection archéologique au sol. On trouvera un exemple d'étude de ce type, concernant le Haut Moyen Age et le Moyen Age classique dans une petite région d'un rayon de 20 km autour de l'abbaye de Corvey, dans l'ouvrage de H.-G. Stephan, Archàologische Studien zur Wustungsforschung im sudlichen Weserbergland, Hildesheim, 1979.
81. Janssen, W., Studien zur Wùstungsfrage im frànkischen Altsiederland zwischen Rhein, Mosel und Eifelnordrand, 2 vols, Bonn, 1975 Google Scholar, remet en cause la vision traditionnelle des désertions médiévales accompagnant les phases de crise, répandue communément depuis les travaux de W. Abel.