Published online by Cambridge University Press: 28 April 2020
L’individualisation nosographique au sein des états délirants aigus des bouffées délirantes aiguës, des schizophrénies chroniques avec troubles thymiques, psychoses maniaco-dépressives bipolaires et des états schizophreniques aigus, est, depuis les travaux de Magnan, une particularité de la psychiatrie française ; elle n’a été étayée, jusqu’à présent, que par des appréciations anamnestiques, symptomatiques et évolutives subjectives.
La revue de la littérature a mis en évidence la multiplicité des appellations diagnostiques et le polymorphisme des tableaux cliniques correspondant à ces états délirants aigus. Si la symptomatologie dans un premier temps a permis d’établir cette classification diagnostique, il semble actuellement que ce soit, pour beaucoup d’autres, l’étude de l’anamnèse et du mode évolutif de la maladie, qui pourrait permettre de fixer le diagnostic.
Afin de caractériser ces éléments anamnestiques, socio-démographiques et symptomatiques, une étude statistique a été effectuée à partir d’une population de 471 patients hospitalisés à la Clinique des Maladies Mentales et de l’Encàphale entre 1979 et 1985 se ràpartissant, selon la classification INSERM, de la façon suivante :
Groupe 1 : bouffées délirantes aiguës (BDA) : 53 sujets catégories 041, 042 et 049.
Groupe 2 : schizophrénies avec troubles thymiques (Sch. T) : 109 sujets, états de dépression ou d’excitation atypiques, catégorie 024.
Groupe 3 : psychoses maniaco-dépressives bipolaires (PMD) accès mélancolique et maniaque : 290 sujets, catégories 010, 011, 012, 019.
Groupe 4 : schizophrénies aiguës ou états délirants aigus, probablement schizophréniques (Sch. A), catégorie 040, 19 sujets.
L’ensemble de cette population a été systématiquement évalué à partir de deux instruments d’évaluation quantifiée : l’échelle abrégée d’antécédents psychiatriques (BPHF/F69) et une échelle de psychopathologie générale (BPRS, forme à 18 items, Pichot P., Overall J. E. 1967). 3 types d’analyse ont été réalisés :
• une analyse descriptive, unidimensionnelle des caractéristiques socio-démographiques et des antécédents pathologiques de chacun des 4 groupes diagnostiques (BPHF).
• une analyse en composantes principales avant et après rotation varimax de la BPRS, permettant d’établir la structure factorielle de chacune des catégories diagnostiques et de les comparer entre elles.
• une analyse discriminante de la BPRS (analyses discriminante et canonique) destinée à mettre en évidence les items différenciant le mieux ces 4 groupes diagnostiques et à comparer le classement théorique des sujets sur chacune des fonctions discriminantes avec le classement réel initial.
Il ne semble pas exister de profil anamnestique et socio-démographique particulier dans les quatre catégories diagnostiques analysées (BDA, Sch. I , PMD, Sch. A) : en particulier, l’absence de facteurs déclenchants de type d’antécédents familiaux propres à l’un ou l’autre des groupes diagnostiques, de corrélation significative entre une pathologie donnée et le lien de parenté avec le ou les membres de la famille atteints d’une affection psychiatrique. Par contre, l’installation des troubles survient significativement plus tôt chez les Sch. T et Sch. A que chez les DBA et PMD ; seules les BDA et Sch. A ont des accès inférieurs à 6 mois, et des hospitalisations antérieures deux fois moins nombreuses (tableaux 1 et 2).
L’analyse factorielle de la BPRS après rotation varimax permet de retrouver un profil factoriel proche pour les BDA et Sch. A. Le premier facteur est en effet composé de nombreux items communs (désorientation, désorganisation, retrait affectif, émoussement affectif), mais l’item comportement hallucinatoire n’est retrouvé que dans les BDA (avec la saturation la plus élevée des items). Le deuxième facteur comporte aussi des items communs (tension, excitation). Le troisième facteur est de nature thymique dépressive dans les deux groupes (tableau 4).
L’analyse factorielle des Sch. T et des PMD après rotation individualise une structure factorielle propre à ces deux catégories diagnostiques. Néanmoins, le profil factoriel du sousgroupe PMD accès maniaque est assez proche de celui des Sch. T. Chez les Sch. T, le premier facteur est de nature psychotique (méfiance, hostilité, désorganisation conceptuelle, non coopération, pensées inhabituelles, maniérisme). Le deuxième facteur bipolaire est de nature thymique. Le troisième facteur regroupe des items de type négatif (retrait et émoussement affectifs). Il n’apparaît donc pas clairement de facteur général thymique chez les Sch. T. Les PMD se caractérisent par un premier facteur de nature psychotique, un deuxième facteur bipolaire thymique pur dans le sous-groupe accès mélancolique, et de type “négatif” dans le sous-groupe accès maniaque. Le troisième facteur est commun aux deux sous-groupes : il est de nature thymique dépressive (tableau 4).
L’analyse discriminante a permis de définir une première fonction discriminante centrée sur un axe psychotique, une deuxième fonction centrée sur un axe “retrait bizarrerie”, et une troisième centrée sur un axe “anergie”. Le reclassement des sujets par rapport à leur groupe d’origine après analyse discriminante confirme l’autonomie du groupe des PMD puisque 92.4 % des sujets sont bien classés ; les Sch. T sont classés à part égale soit dans le groupe des Sch. T, soit dans celui des PMD. Quant aux BDA, si plus de la moitié des sujets (56.6 %) est correctement classée, le reste de l’effectif est éclaté entre les trois autres groupes diagnostiques restant.
Les Sch. A se répartissent principalement après reclassement, à la fois dans leur groupe d’origine (42.1 %) et dans celui des BDA (36.8 %) ; ceci confirme l’absence d’autonomie de ces deux dernières catégories diagnostiques et la nécessité de compléter cette étude par une analyse portant sur une population plus importante, et comportant un sous-groupe de schizophrénies paranoïdes (analyse en cours) (tableaux 6 et 7).
Since the works carried out by Magnan, nosographic individualization within the acute delusional States of acute bouffées délirantes, chronic schizophrenia with thymic disorders, bipolar manic-depressive psychoses and acute schizophrenic states constitutes a specific characteristic of French psyciatry.
Study of the literature has shown the multiplicity of the diagnostic appellations and the polymorphism of the clinical pictures corresponding to these acute delusional States. While symptomatology has allowed the initial establishment of this diagnostic classification, current trends indicate that many consider diagnostic establishment possible by anamnestic study and evaluation of the pathological evolution.
So as to characterize these sociodemographic and anamnestic symptomatic elements, a statistical study was conducted in a population of 471 patients hospitalized between 1979 and 1985 at the Clinic of Nervous and Mental Diseases, and distributed into the following groups according to the INSERM classification:
Group 1: acute “bouffées délirantes” (ABD): 53 subjects, categories 041, 042 and 049.
Group 2: schizophrenia with thymie disorders (T. Sch.): 109 subjects, States of atypical depression or excitement, category 024.
Group 3: bipolar manic-depressive psychoses (MDP) with melancholic and manic episodes: 290 subjects, categories 010, 011, 012 and 019.
Group 4: acute schizophrenia or acute delusional States, probably schizophrenie (A. Sch.), category 040, 19 subjects.
The entire population was evaluated systematically by way of two quantified instruments: the brief scale of psychiatric history (BPHF/F69) and a general psychopathology Scale (BPRS, 18-item form, P. Pichot, J.E. Overall).
Three types of analysis were performed:
•
• Descriptive, one-dimensional analysis of the sociodemographic characteristics and pathological history of each of the 4 diagnostic groups (BPHF).
•• Principal component analysis before and after Varimax rotation of the BPRS, allowing establisment of the factorial structure of each of the diagnostic categories, and comparison between the said categories.
•• Discriminant analysis of the BPRS (discriminant and canonic analyses), designed to reveal the items best differentiating the 4 diagnostic groups, and to compare the theoretical classification of subjects with the real initial classification, for each of the discriminant functions.
The four diagnostic categories analyzed (ABD, T. Sch., MDP, A. Sch.) do not seem to present any specific anamnestic and sociodemographic profile. In particular, this study revealed the absence of triggering factors of the family history type specifie for one or other of the diagnostic groups, and the lack of significant correlation between a given pathology and kinship with the member/s of the family presenting psychiatric pathology. On the other hand, disorders were of significantly earlier onset in the T. Sch. and A. Sch. subjects than in the ADB and MDP groups; only ABD and A. Sch. subjects presented episodes lasting less than 6 months, and half the number of previous hospitalisations (Tables 1 and 2).
Factorial analysis of the BPRS after Varimax rotation revealed a similar factorial profile for ABD and A. Sch. Indeed, the first factor is comprised of numerous common items (disorientation, disorganization, emotional withdrawal, blunted affect), but the hallucinatory behavior item occurred in the ABD group only (wilh the highest saturation of the items). The second factor likewise consisted of common items (tension - excitement). The third factor was of a depressive thymic type in bolh groups (Table 4).
Factorial analysis of the T. Sch. and MDP groups after rotation allowed individualization of specific factorial structures for each of these diagnostic categories. Nevertheless, the factorial profile of the MDP subgroup with manic episodes was fairly similar to that of the Sch. T. subjects. In the latter, the first factor was of a psychotic kind (suspiciousness, conceptual disorganization, uncooperativeness, unusual thought content, mannerisms). The second bipolar factor was of a thymic kind. The third factor grouped negative-type items (emotional withdrawal and blunted affect). Thus, no general thymic factor was clearly apparent in the T. Sch. group. The MDP group was characterized by a first psychotic-type factor, a second pure thymic bipolar factor in the subgroup with melancholic episodes, and a “negative”-type factor in the subgroup with manic episodes. The third factor, comrnon to both groups, was of a thymic depressive kind (Table 4).
Discriminant analysis allowed the definition of a first discriminant function centered on a psychotic axis, a second function centered on a “withdrawal - unusual behavior” axis, and a third function centered on an “anergia” axis.
Reclassification of subjects by comparison with their original group after discriminant analysis confirmed the autonomy of the MDP group, 92.4% of subjects were attributed to the T. Sch. and the MDP groups. While more than half of the ABD subjects were correctly classified (56.6%), the remaining fraction was distributed amongst the other three diagnostic groups.
Subsequent to reclassification, the A. Sch. subjects were distributed both in their original group (42.1%) and in the ABD group (36.8%); this confirms the lack of autonomy in the two latter diagnostic categories, and the necessity for completion of this study by analysis of a larger population, including a subgroup of paranoid schizophrenics (analysis underway) (Tables 6 and 7).
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