Published online by Cambridge University Press: 05 February 2009
Les mss. grecs, dont nous allons examiner les variantes pour Jacques, sont tous médiévaux, donc tardifs. Plusieurs d'entre eux ont des états de texte apparentés: il s'agit d'un groupe de minuscules apparu lors d'un classement antérieur, fait à partir d'une collation de 498 états de texte sur 25 lieux variants de Jacques, et complété par des témoins absents de la collation ou sans parenté évidente avec le groupe. Au départ, l'intérêt de ce groupe est d'occuper une place originale par rapport aux deux types de texte admis, le lsquo;syro-byzantin’ et l'‘alexandrin’. Nous avons disposé, pour collationner 239 lieux variants, de l'apparat de Von Soden et des collations de Scrivener et de K. Clark. Dans la mesure o< ces sources sont fiables – et nous le supposerons pour cette étude –, nous tâcherons de répondre à deux questions: ce groupe est-il homogéne? Quelle est l'ancienneté possible de ses leçons les plus caractéristiques? Accessoirement, nous reviendrons sur le classement de Von Soden, pour juger de son bien-fondé en ce qui concerne notre Epître.
[1] Il s'agit d'un document de travail inédit, élaboré en 1972 par l'Institut für nt Textforschung de Münster, avec la collaboration du Docteur W. Ott, à Tübingen, pour le compte du projet ‘NTG’ (Novi Testamenti Graeci Editio Maior Critica), co-dirigé par K. Aland, de Münster, J. Duplacy, professeur à Lyon et Louvain, et Fischer, B., de, Beuron. Nous avons examiné ce document dans une perspective taxinomique, et en rendons compte dans une autre publication: ‘Les mss grecs de l'Epître de Jacques d'après une collation de 25 lieux variants’, R.H.T. 8 (1978), 247–76.Google Scholar
[2] Rappelons que les noms de syro-byzantin et d'alexandrin, donnés aux deux principaux types de texte du Nouveau Testament, proviennent d'observations faites surtout sur les Evangiles. Le texte des Epîtres Catholiques est moins étudié et, si l'on y retrouve bien deux types de texte ayant beaucoup de points communs avec ceux des Evangiles, cela n'est pas suffisant pour nous permettre d'affirmer qu'ils sont ‘syro-byzantin’ et ‘alexandrin’. Nous étendrons donc l'appellation utilisée dans les Evangiles en mettant des guillemets pour indiquer le caractère conventionnel de ces noms.
[3] Von Soden, H., Die Schriften des neuen Testaments II (Göttingen, 1913).Google Scholar
[4] Scrivener, F. H., An Exact Transcript of the Codex Augiensis (Cambridge, 1859), pp. 454–7.Google Scholar
[5] Clark, K. W., Eight American Praxapostoloi (Chicago, 1941), pp. 97–103.Google Scholar
[6] Cette précaution n'est pas une clause de style: l'apparat de Von Soden n'est pas toujours sûr; nous avons relevé plusieurs contradictions entre Scrivener et Von Soden pour le ms. 206; le cas du 1245 est plus préoccupant encore: le nombre de contradictions entre Von Soden et la collation de Münster (cf. note 1) amène à se demander si 1245 à bien été collationné par Von Soden, ou s'il ne le cite qu'à l'occasion. Nous n'avons pas eu la possibilité de faire les contrôles nécessaires sur les mss.; nous avons donc pris comme régle de nous fier à nos sources (de deuxième main); et nous pensons que les résultats que nous obtenons, qui portent sur le groupe plutôt que sur les témoins, individuellement, seraient malgré tout peu différents.
[7] Le ms. 614 est le plus connu de ce groupe; dans l'étude citée à la note 1, nous avions donné son nom au groupe, et le rappelons entre parenthèses dans notre titre; mais la présente étude nous a amené à modifier ce nom et à lui préférer celui de groupe 2138, du nom du témoin à la fois le plus ancien (Xlème siècle) et le plus représentatif du groupe (cf., en particulier p. 101Google Scholar). Le ms. 2138 n'est pas un inconnu: il est par exemple cité par Duplacy, J. (‘Le texte “occidental” des Epîtres Catholiques (Francfort, 12–14 août 1969)’, N.T.S. 16 (1969–1970), 397–9Google Scholar), comme l'un des mss. qui a marqué la préparation du Séminaire de Francfort sur le texte ‘occidental’ des Epîtres Catholiques. Signalons d'autre part que Thiele, W., à qui l'on doit l'excellente édition des textes vieux latins des Epîtres Catholiques dans Vetus Latina, a consacré un livre aux textes latins de I Pierre (Die lateinischen Text des 1. Petrusbriefes, Freiburg, 1965), dans lequel il signale (pp. 32–3Google Scholar) quelques leçons communes au plus vieux texte latin, le vieux texte africain (ou Text K) et aux groupes Ib1 Ic1 Ic2 de Von Soden. Tout récemment enfin, Richards, W. L. a publié le résultat d'un traitement par ordinateur des mss. grecs des trois épîtres johanniques, où le même groupe est bien en évidence (The Classification of the Greek Manuscripts of the Johannine Epistles, Missoula (Montana), 1977);Google Scholaraussi, cf. notre ‘Note sur le classement des mss grecs de 1 Jean’, R.H.P.R. 61 (1981), 125–35.Google Scholar
[8] Ces témoins sont: 206 429 614 1611 2138 2412; il faut y ajouter 1518 qui n'est pas dans la collation, mais que nous avons ajouté dans notre étude de celle-ci.
[8bis] Nous avons pu, depuis la rédaction de cette étude, consulter à Münster les reproductions de ces mss et les situer dans le gr. 2138; cf., ‘La parenté textuelle de syh et du gr. 2138 dans Jc’, Biblica 62 (1981), 259–71 – le ms. 1245, également consulté (cf. n. 6, supra) a un texte de type ‘syrobyzantin’.Google Scholar
[9] Le texte majoritaire est une manière pratique de désigner le texte dominant au Moyen-Age, formé en mettant bout à bout toutes les leçons attestées par une majorité de témoins grecs; peu de témoins le contiennent exactement (cf., note 15), c'est donc un texte moyen, à l'intérieur du type de texte ‘syro-byzantin’ Von Soden le désigne par K (en caractére gras); précisions qua le texte majoritaire ne se confond pas avec le texte reçu, qui est le texte édité par R. Estienne (1550), puis les frères Elzevier (1624, le nom de ‘textus receptus’ apparaissant dans la préface de la second édition, de 1633), et que Von Soden distingue en le notant par K (en italique); par ex., en Jac. II 5.Google Scholar
[10] C'est du moins la conclusion à laquelle nous amène l'étude déjà citée (en note 1). A partir de 25 lieux variants de Jacques, on voit très nettement se constituer deux pôles principaux, attirant ainsi la plupart des témoins, avec une zone intermédiaire, pour ceux qui présentent un texte mélangé; ces pôles correspondent naturellement aux deux principaux types de texte, quoique dans chacune de ces deux grandes divisions on puisse distinguer, par une analyse plus fine, divers groupes; en particulier, autour du pôle ‘alexandrin”, à côté des témoins habituels, on trouve un groupe contenant notamment le ms. 1739 et d'autres témoins classés Ib2 par Von Soden, groupe apparenté aux nôtres pour les Actes, mais que Thiele ne cite pas pour I Pierre, et qui est bien distinct du groupe 2138 pour Jacques; B 03 et 1852, un peu à part des autres témoins, et proches l'un de l'autre, sont aussi attirés par ce pôle ‘alexandrin’. Un petit groupe de mss. n'est attiré ni par un pôle ni par l'autre, mais a son caractère propre, c'est le groupe 614, contenant des témoins de Ib1 Ic1 Ic2 de Von Soden, et qui correspond à notre groupe 2138.
[11] Nous avons bénéficié pendant ce stage de nombreuses collaborations, et en particulier de celles de MM. Jambu (charcheur au CNRS) et Gleizes, statisticiens. L'analyse des correspondances ne peut s'expliquer en quelques phrases: disons seulement que, faisant appel à des calculs complexes, elle nécessite le recours à un ordinateur; elle fait partie de la branche des Statistiques dites ‘multi-dimensionnelles’, que l'on oppose aujourd'hui aux Statistiques dites ‘classiques’ ou ‘probabilistes’, plus connues; ces méthodes d'analyse quantitative, d'exploitation récente, semblent très prometteuses; peut-être permettront-elles un jour d'apprendre quelque chose de nouveau; leur intérêt, aujourd'hui, est plutôt de confirmer le bien-fondé de certaines observations ou de certaines intuitions, en permettant un ‘autre regard’ (sinon un ‘regard plus neutre’) sur l'objet de l'étude; c'est ainsi que nous avons utilisé l'analyse des correspondances. Sur la méthode elle-même, appliquée au classement de mss., on consultera utilement l'article méthodologique de Duplacy, J., qui nous a entraîné dans cette voie: ‘Classification des états d'un texte, mathématique et informatique: repères historiques et recherches méthodologiques’,R.H.T. 5 1975),249–309.Google Scholar
[12] Sur le Séminaire de Francfort, cf. note 7 et particulièrement l'article de J. Duplacy qui y est cité.
[13] Le calcul factoriel utilise trois mesures: la coordonnée, la corrélation et la contribution, abrégées respectivement, au tableau 1, en coor, corr et ctr. La coordonnée d'un point M est la distance de l'origine des axes (ou centre de gravité du ‘nuage’) au point m, projection de M sur l'axe considéré. La corrélation d'un point M est la mesure du cosinus de l'angle formé par l'axe considéré et la droite OM qui passe par l'origine des axes et le point M. La contribution mesure la part d'un point pour déterminer l'axe considéré le calcul de la contribution est un peu compliqué, il fait intervenir le carré de la coordonnée, pondéré par la ‘masse’ du point, le tout rapporté à la ‘valeur propre’ de l'axe; cf., J. P. et Benzécri, F., L'analyse des correspondances, cours ronéoté (très accessible comme niveau), 2 §5, 47.Google Scholar
[14] C'est-à-dire le Vaticanus; sur la notation adoptée, cf. note 16. Nous rappelons in parenté observée entre les textes de B 03 et 1852 en note 10.
[15] L'estimation est tr`s approximative; en voici l'origine: clans Ia collation de 25 lieux variants de Jacques (cf. note 1), très peu de témoins présentent un état du texte identique au texte majoritaire: 2 parmi les 359 états complets, 9 sur les 402 états ayant moins de 6 lacunes; en revanche, prés de la moitié des témoins ont 1 désaccord avec le texte majoritaire: 163 sur 359 états complets (= 45%), 181 sur 402 (= 45% aussi). La rapprochement de ce nombre de 1 désaccord pour 25 lieux avec celui de 11 pour 239, qui est le plus faible de note étude, nous a paru intéressant: 1 pour 25 équivaut à 9,5 pour 239.
[16] Nous avons adopté la numérotation de Gregory pour les minuscules, nous l'utilisons aussi pour les Onciaux: 01 pour le Sinaïticus, 02 pour l'Alexandrinus, 03 pour le Vaticanus, 04 pour 1'Ephremi rescriptus, etc. Mais comme cet usage est encore peu répandu pour les premiers Onciaux, nous maintenons devant le chiffre la lettre qui les désignait dans la classification antérieure.
[17] Cf. note 1.
[18] Tischendorf, C., Novum Testamentum Graece, ed. octava maior, 2 vol. (Leipzig, 1869–1872). C'est la seule édition critique où les versions sont citées constamment; mais elle ne contient que quelques uns des témoins du groupe 2138, en particulier 206 et 1518, cités d'après Scrivener (aScr et cScr); de plus, la référence aux versions n'est pas toujours fiable, en raison de l'ancienneté des éditions utilisées. L'édition critique de Von Soden (note 3) cite peu les versions. Quant à Vetus Latina (Freiburg-Herder, depuis 1949; les Epîtres Catholiques sont le vol. 26/1, fasc. 1, Jacques (1956), fasc. 7, introduction (1969), les références aux versions sont plus fiables, mais elles ne sont données que pour les passages où un variante latine suppose un substrat grec différent du texte de Nestle. Nous avons donc relevé toutes les références aux versions dans l'apparat de Tischendorf et comparé le témoignage des versions, parfois corrigé d'après l'apparat de Vetus Latina, aux états de B 03* et S 01 *;le meilleur accord de itff arm et syh est avec B 03; le meilleur accord de vg et bo est avec S 01; sa s'accorde mieux avec B 03 qu'avec S 01, et syP avec S 01 qu'avec B 03; quant à B 03, il s'accorde mieux avec itff qu'avec S'01, et S 01 avec vg et bo plus qu'avec B 03. II y a des surprises dans cette enquête: si B 03 et S 01 n'ont pas constamment le même type de texte, sur quelle base peut-on parler d'un type de texte ‘alexandrin’? Mais actuellement, seules les versions latines possèdent une édition satisfaisante pour la critique textuelle; quant aux citations, elles ne se preêent guère, jusqu'ici, à ce genre de comparaison.Google Scholar
[19] Depuis la rèdaction de cet article, nous avons examiné ces deux versions, ainsi que d'autres, grâces, pour celles-ci, aux traductions latines qu'en propose Leloir, L. (Le Muséon 83 (1970): ‘Traduction latine des versions syriaques et arméniennes de l'Epître de Jacques’, 189–208); le rapprochement avec l'arménien n'est qu'occasionnel; en revanche, celui avec la syh révèle un pourcentage d'accords élevé (cf. n. 8bis).Google Scholar
[20] Nous remercions J.Duplacy d'avoir bien voulu, une fois encore, nous relire et nous conseiller.