Par l'analyse comparée de l'évolution, depuis le début du siècle, des deux plus grandes firmes d'import-export de l'Afrique francophone, l'article teste une méthode d'analyse des bilans visant à préciser l'histoire des investissements privés dans l'Empire colonial français, en privilégiant tour à tour les analyses de conjoncture et le trend à long terme.
Les firmes ont trouvé dès le milieu des années 20 leur extension géographique définitive. La C.F.A.O., représentative du commerce colonial marseillais, a toujours été plus timorée, mais aussi plus rentable dans le cadre restreint de ‘l'économie de traite’ coloniale. La S.C.O.A., plus dynamique et liée aux milieux bancaires, s'est montrée plus sensible à la conjoncture (crise de 1921 et grande Dépression), mais s'est reconvertie plus tôt aux méthodes financières contemporaines.
Dans le long terme, ce qui ressort le plus nettement, c'est une croissance régulière des profits jusqu'au tournant de l'année-charnière 1952, qui marquait l'apogée de la hausse des cours des produits tropicaux. Au-delà, la détérioration accélérée des termes de l'échange et l'accroissement des charges sociales ébranlèrent les profits coloniaux ‘classiques’. C'est surtout depuis l'indépendance que les firmes ont modernisé leurs structures, caractérisées par l'ampleur nouvelle des investissements d'équipement, la diversification des activités et l'internationalisation des investissements.
Néanmoins, l'investissement global reste médiocre, et le renversement tardif de la tendance confirme l'hypothèse d'un impérialisme colonial français archaïque et malthusien.