Il semble que, surtout dans les pays de langue anglaise influencés par un idéal industriel, un assez grand nombre de phi-losophes, nouveaux Pygmalions sans le savoir, aient caressé le rêve pourtant glacial d'une logique toute mécanique, qui organiserait le savoir en se substituant à la pensée. Le désir de transporter en philosophie les victotres sans réplique du calcul et de la technicité, où le génie humain se dissimule mais se sent sûr de soi comme un dieu, le culte de l'objectivité rationnelle joint au scepticisme sur l'Esprit et à ce genre d'aversion qu'on pourrait appeler misopsychie, car il s'y mêle la crainte de l'erreur et l'antipathie pour les royaumes du coeur ou de l'imaginaire, ont contribué à enfanter et à répandre, entre autres choses, ce nouveau « rêve de pierre » hélas sans beauté! Que serait une « science sans conscience »? N'est-ce pas là une notion aussi contradictoire, et même dont 1'objet s'avère plus radicalement impossible, que celle d'un carré-rond? Néan-moins quand on parcourt la litterature contemporaine sur le sujet, on serait en droit de conclure qu'un assez grand nombre de philosophies, qui cependant passent leurs journées ou leurs veilles à s'in-terroger sur les conditions de la science, ont cessé de se le demander.