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Quatenus (de la contradiction en philosophie)

Published online by Cambridge University Press:  05 May 2010

Jean-Paul Brodeur
Affiliation:
Université du Québec à Montréal

Extract

Le principe de non-contradiction a depuis très longtemps étéreconnu comme le principe le plus fondamental de la pensée rationnelle. II est facile de l'énoncer sous sa forme symbolique: – (P.–P). Ce principe pose que quelqu'un ne saurait affirmer en même temps une proposition et sa négation. Pour que ce principe ne demeure pas une exigence vide, il faut en outre que l'on puisse déterminer avec précision quelles sont les conditions de son application. Cette détermination des conditions d'application d'un principe commence par la recherche des moyens par lesquels il est possible de démarquer, dans le champ de son application, ce qui en respecte l'énoncé de ce qui n'en respecte pas l'énoncé. Or si rien n'est plus facile que de formuler un précepte, rien, appa-remment, n'est plus difficile que de tracer une ligne nette entre ce qui se conforme au précepte et ce qui le transgresse. Bien qu'il soit l'assise la plus profonde de nos raisonnements, le principe de non-contradiction ne fait pas exception à ce constat. Son énoncé fait sans doute l'unanimité mais il est assez rare que l'on s'accorde, en dehors des disciplines formelles, sur ce qui constitue l'occurrence d'une contradiction. Cet accord sur ce qui constitue ou non l'exemple d'une contradiction m'apparaît faire défaut d'une façon particulièrement marquée en philosophic Cette situation pose un double problème.

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Articles
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Copyright © Canadian Philosophical Association 1977

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References

1 J'entendrai dans la suite de cet article par « discours de la philosophic » les textes connus de la métaphysique occidentale. Le vocable grandiloquent d'oc-cidental n'est employé ici qu'en un sens restrictif pour désigner 1'une des limi-tes les plus voyantes de mon exp'erience des textes. Ne connaissant que par oui-dire les textes produits en dehors de la tradition occidentale, je me retiendrai de croire que mes conclusions puissent êetre étendues à ces textes. Quant au terme de métaphysique, il réfère à ces discours qui ont pour objet Dieu. l'être posé com-me une totalité à laquelle on se réfère sous divers noms et I'esprit considéré en lui-méme, sous ses diverses désignations, ou en ce que l'on a appelé ses facultés. On aurait tort de croire que Hegel est le dernier penseur occidental à avoir tenu ce type de discours.

2 Par exemple, Stuart Hampshire dans son Spinoza (Pelican Books, Har-mondsworth, 1951, p. 101.). L'école de M. Guéroult pratique dans ses travaux une telle définition de la vérité.

3 Pour une définition non formelle de l'efficience (effectiveness), voir Church (1956). Introduction to Mathematical Logic, Princeton. Princeton University Press, pp. 50–51. Nous ne reproduisons pas la définition de Church, le sens de l'expres-sion « une procédure efficiente » étant assez clair pour notre propos.

4 sûr, Bien. cette reconnaissance d'un aspect contradictoire de théses énon-cées peut s'effectuer dans une oeuvre subséquente. où le penseur devient son propre commentateur.Google Scholar

5 II n'est pas de discours qui n'obéisse aux règies d'une logique qui, à dé-faut d'être explicitement formulée. peut être extraite de la pratique d6un auteur.

6 Ceci est loin d'impliquer que les philosophies de notre siècle utilisent toutes une logique formelle ou formalisée. Pensons à la phénoménologie ou à Wittgenstein. J'ajouterai en outre que je ne m'estimerai pas réfuté si l'on ajoute un ou deux noms à ceux de Leibniz et d'Aristote (le Descartes des Regulae7 Cela n'est pas sûr.).

7 Voir les remarques de Church (1956), p. 47.

8 Ladriere, Voir (1957), Les limitations internes des formalismes, Louvain, Nauwelaerts, p. 59. Nous reprenons sa définition de la saturation.Google Scholar

9 Nous disons « coïncide de facon trés éloignee » pour laisser ouverte la possibilitéde poursuivre des études sur le modèle de celle de Benveniste dans « Catégories de langue et catégories de pensée » (in Problèmes de linguistique générate, Paris, Gallimard, 1966, pp. 63–74). Les homologies découvertes par Benveniste sont loin du degré de coïncidence que l'on constate entre un système formel et le langage qu'il constitue.

10 Nous n'entrerons pas dans les questions soulevées par la complétude des systèmes formels. Un tel développement est extrinsèque à notre propos et n'affecterait pas le poids de notre argument. Qu'il suffise de dire qu'il est des systèmes qui jouissent de la complétude et d'autres dont il est à tout le moins possible de démontrer qu'ils ne possèdent pas cette propriété.

11 II s'agit en ce cas, bien entendu, d'une axiomatique intuitive à la manière des Éléments d'Euclide et non d'une axiomatique formelle.

12 En plus de ce que nous avons déjà dit. pensons ici aux innombrables pro-blèmes que pose 1'établissement matériel du texte dans le cas de textes philoso-phiques anciens.

13 La traduction dont nous nous servons est celle de Roland Caillois. pu-blieé dans la Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard. Paris, 1954). Le texte latin que nous reproduisons en note est celui de I'édition C.J. Gebhardt des oeuvres de Spinoza (Heidelberg. 1924). Voici dans I'ordre le texte latin de nos citations: « Den.s expers est passiomtm nee ullo Lcwtitiue, ant Tristitine afficitur » (Eth. V, 17). « Deus proprie loquendo neminem amat, neque odio habet » (Eth. V. 17. coroll.). « Deux se ipsum Amore intelleetnali infinito amat » (Eth. V. 35). « Hinc seqiiitiir, quod Dens, quatetuis seipsum amat, homines amat et consequenter quod amor Dei erga homines et Mentis erga Deum Amor intelleetualis imum et idem sit. » (Eth. V, 36, coroll.)

14 Par exemple Taylor (A.E.) dans « Some incoherencies in Spinozism. ». Cet article de 1937 est reproduit dans Kashap, Paul, S., (1972);, Studies in Spinoza, Berkeley, Los Angeles. London, University of California Press. A.E. Taylor reprend certaines des critiques de Guzzo dans son ouvfSge en italien sur la pen-see de Spinoza.Google Scholar

15 Surtout Victor Brochard dans « Le Dieu de Spinoza » (voir ses Études de philosophie ancienne et de philosophie moderne, Paris, Vrin, 1951). Delbos semble aussi sympathique à cette thèse. Voir Delbos, Victor. (1964), Le spinozisme, Paris, Vrin. Ce livre est la réédition d'un cours professé en 1912–1913.

16 Dans Le Christ et le saint des ignorants (Paris, Aubier, 1971), à la p. 149. Cette proposition est affirmée relativement à des postulats de méthode qu'il faudrait suivre dans l'interpretation d'un point du Tractatus Théologico-politique. Elle vaudrait a fortiori de l'Ethique où le souci de rigueur est encore plus apparent que dans le Tractatus.Google Scholar

17 lls apparaissent dans Rousset de la p. 151 à la p. 155.

18 « …: l'amour doit done être nié en Dieu « à proprement parler », considér! een tant que substance distincte de ses modes, mais il peut toujours être affirmé de Dieu considéré en ses modes et les dernieres pages de l'Éthique montrent qu'il doit l'être » (Rousset. p. 154)

19 « Quant à l'attribution d'un amour à Dieu. elle ne nous fait pas revenir sur les négations antérieures, car l'amour affirmé n'est pas celui qui avait été critiqué. » (Rousset. p. 153)

20 « Du troisième genre de connaissance naît nécessairement 1'Amour intel-lectuel de Dieu. Car de ce genre de connaissance naît lajoie (Laetitiu) avec I'idee de Dieu comme cause…. et c'est ce que j'appelle l'Amour intellectuel de Dieu » (Eth. V, 32, coroll.) II s'agit ici de la définition de l'amour intellectuel de l'homme

21 Voir Eth. III. 13. scolie et Eth. Ill, déf. des sent. 6.

22 Voir Eth. III. 11. scolie et Eth. Ill, déf. de s sent. 2.

23 Voir les textes cités dans la note 20.

24 « II es t facile de reprendre ici la solution donnée à la même difficulté dans l e chapitre précédent, à propos de l'amour de I'esprit pour Dieu: I'éternité spino-ziste n'exclut pas le devenir lorsque celui-ci est pure activité immanente et 1'im-manence n'exclut pas une certaine extériorité limite. suffisante pour qu'on nomine amour le contentement de soi-même. » (Rousset, p. 152)

25 « L'amour intellectuel de Dieu. qui naît du troisième genre de connaissance. est éternel. » (Eth. V, 33)

26 Notons que cette solution de Rousset ne serait pas acceptée par Alexan-dre Matheron. « Mais tel n'est pas le cas de I'amor Defintellectualis. Sa permanence ne consiste plus en une perpétuelle résurrection: il lui est éternel au sens rigoureux du terme. Naissance et devenir lui sont done également étrangers. » (Individu et communauté ehez Spinoza, Paris, Éditions de Minuit, 1969, p. 588)

27 « Par éternité, j'entends l'existence elle-même, en tant qu'elle est concue comme suivant nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle. Une telle existence, en effet, est conçue comme vérité éternelle, de même que l'essen-ce de la chose, et c'est pourquoi êlle ne peut etre expiiquée par la durée ou le temps… » (Eth. I, déf. 8 et son explication, nous soulignons). La relation d'im-plication entre l'essence et l'existence est d'ordre essentiellement logique et elle est rigoureusement intemporelle.

28 « Dira-t-on que le passage du fini à l'infini nous interdit une application simpliste au second de ce qui valait pour le premier? Mais Spinoza ne vient-il pas justement de montrer que les deux étaient identiques. » (Rousset. p. 152. nous soulignons) Rousset se fonde ici sur le corollaire de Eth. V, 36, sur lequel nous reviendrons plus tard.

29 Nous avons déjà cité dans la note 17 un texte où cet argument de Roussets'énonce avec clarté. En voici un second: « …: en définitive, il suffit d'etablir. d'une part, que le fini est une partie de l'infini. et de constater. d'autre part, que nous, choses finies. nous sommes affectés. pour découvrir ce que nous ne pou-vions ignorer que par manque de réflexion, à savoir que l'infini est aussi amour. » (Rousset p. 154)

30 Voir Rousset p. 148.

31 Cf. le Court Traité. partie I. chap. II (p. 24 dans la trad, de la Pléiade et p. 24. tome I, dans 1'édition Gebhardt). chap. II, Premier Dialogue (Pléiade. p. 28 et Gebhardt, p. 30) et chap. II, Second Dialogue (Pléiade, p. 29 et Gebhardt pp. 32–33).

32 Les textes sont formels à cet égard: voir Eth. I, 12 et le scolie de I, 15. C'est aussi I'avis de M. Guéroult. qui reprend la doctrine du Court Traité lors-qu'il commente I'indivisibilité de la substance. Voir son Spinoza (Dieu. Éthique I). Paris. Aubier 1968. p. 212. note 17.

33 Les textes de I'Éthique sont: Eth. I, 28; II, 9 et 11 coroll.; III, 51, scolie, la note; IV, 4 et V, 36.

34 « …c'est pourquoi. ainsi. je pose que l'esprit humain est une partie de I'entendement infini. » (Lettre 32. p. 1181 dans la trad, de la Pléiade.) L'enten-dement absolument infini est désigné comme exemple d'un mode immédiatement infini dans la Lettre 64 à Schuller. Voir Pléiade. p. 1263.

35 Dans le cas de la notion de partie. le commentateur rétorquerait sans doute, en invoquant le texte de la Lettre 12 où Spinoza déclare que « ceux la… dérai-sonnent qui pensent que la substance etendue est composee de parties, c'est a dire (nous soulignons) de corps réellement distincts. » II ferait ensuite valoir que si Spinoza se serait opposé a une partition de la substance qui aurait produit des corps réellement distincts les uns des autres, il n'auraifr pas eu d'objection a une partition modale de la substance. Mais rien n'assure que Spinoza aurait reconnu adéquat le concept d'une partition modale de la substance. Ne déclare-t-il pas dans le scolie de Eth. I, 13, où il commente l'individisibilité de la substance, que par « partie d'une substance, on ne peut entendre rien d'antre qu'une substance finic (nous soulignons). » De plus, si I'on nie que ces parties modales sont réelle-ment distinctes, on affaiblit I'argument par lequel on veut résoudre la difficulté d'attribuer un sentiment d'amour a Dieu. Car si les parties ne se distinguent pas vraiment du tout, en quoi est-on avancé à dire qu'un prédicat qui ne peut être en propre attribué au tout ne lui est rapporté que par l'intermediaire de ses parties?

36 Cité et souligné par Rousset. p. 154

37 Rousset, p. 149.

38 Rousset n'affronte pas vraiment le problème qui est posé par Eth. V, 35. Son commentaire de l'amour dont Dieu s'aime lui-même glisse immédiatement vers la coïncidence de l'amour de Dieu pour les hommes avec l'amour intellectuel que lui portent les hommes. Voir son livre, p. 148.

39 Guéroult, , Martial, , Spinoza I: Dieu (Éthique I), Paris. Aubier, 1968 et Spi-noza II: L'âme (Éthique 11), Paris. Aubier, 1974.Google Scholar

40 D'aprés la théorie des distinctions esquissée dans les Pensees métaphysi-ques, partie Ii, chap. 5, Pléiade p. 274.

41 Cette intégration de tous les attributs-substances en Dieu est exigée par son infinie perfection. Perfection et réalité étant synonymes dans le spinozisme (Eth. II, déf. 6), l'absolue perfection de Dieu implique que sa souveraine réalité ne laisse rien en dehors d'elle. Delbos a bien mis en lumière ce rôle générateur de l'idee de Dieu dans I'intégration spinoziste de tous les attributs-substances à la substance absolument infinie de Dieu. II s'est cependant affirmé incapable de répondre à la question (ii): « Par quelle idée claire et distincte peut se représen-ter le lien des attributs-substances? Ici sans doute se trouve la limite qui s'oppose à l'effort fait par Spinoza pour égaler à son affirmation première de I'unité et de 1'infinité absolues de l'être le rationalisme… » (Delbos, op. cit., p. 52)

42 Les principaux passages qui, dans le Spinoza I, énoncent cette solution sont: pp. 162–63, pp. 183–85. p. 237, pp. 446–47.

43 M. Jean Bernhardt a, dans un article recemraent publié dans Dialogue (« Infini. substance et attributs », vol. XVI, no. 4, décembre 1975, pp. 551–583), très justement insisté sur la nécessité de concevoir l'union des attributs d'une facon claire et distincte.

44 Les interprétations idéalistes de l'attribut sont impitoyablement réfutées dans le troisiéme Appendice du Spinoza I.

45 Les textes sont à cet égard très clairs. Voir par exemple, Eth. I, 19 e t la Lettre IX à De Vries, où Spinoza explique que pa r substance et pa r attribut, il entend la même chose (Pléiade, pp. 1089–90)

46 La forme substantivée (Étendue. Pensée) exprime mieux la réalité de l'attri-but que la forme adjectivale (substance étendue, substance pensante).

47 Spinoza I, p. 238: » Ainsi l'identite de la causa sui en chacun est ce par quoi ils constituent une seule et même substance existant par soi. »

48 Le passage du Spinoza I où M. Guéroult fonde directement la solution qu'il nous propose sur des citations de I'Éthique se trouve non pas à la p. 238. où cette solution est d'abord proposée, mais à la p. 447 de I'Appendice trois. M. Guéroult cite alors 1'expression « eodem modo et eadetn necessitate » (de la même façon et selon une même nécessité). sans toutefois nous donner de référence. M. Guéroult se réfère peut-ètre alors au corollaire de Eth. II, 6: « …mais les choses objets des idées suivent (conseqiiuntur) et sont conclues (conclndiinlitur) de leurs propres attributs de la même façon et avec la même nécessité (eodem modo, eademque necessitate) que les idées suivent de l'attribut de la pensée » (Pléiade. p. 359). Cette expression « eodem modo et eadem necessitate » apparait aussi. mais dans un ordre inversé (eadem necessitate, eodem modo). dans le scolie de Eth. I. 16. Spinoza y affirme que toutes choses ont suivi de la nature infinie de Dieu. avec la même nécessité et de la même façon que de la nature du triangle, il suit que la somme de ses angles est égale à deux droits. Cette utilisation de « eadem necessitate (et) eodem modo » est extrêmement intéressante. Spinoza veut manifestement dire que le type de nécessité qui qualifie la production des choses à partir de la nature de Dieu est le même que celui qui qualifie la dérivation de l'égalité de la somme des angles d'un triangle à deux droits à partir de la définition du triangle (et d'au moins un axiome de la géométrie euclidienne). Mais I'usage de cette expression n'implique ici en rien que le processus de la dérivation soit dans sa spécifité même et dans chacune de ses etapes identique dans le cas de la déduction d'une propriété du triangle et dans le cas de la dérivation des choses à partir de la nature inlinie de Dieu. La différence entre une déduction qui s'effectue à partir d'une definition d'une chose réelle (la nature infinie de Dieu) et une déduction fondée sur la definition d'un être de raison (les figures de la géométrie) est expli-citement soulignee par Spinoza dans la Lettre 73. L'expression « eadem necessitate (et) eodem modo » peut done être employée d'une manière générate pour prédi-quer une même propriété (la nécessité logique) à des processus (des actes) diffé-rents. II serait. encore une fois. absurde de penser que la déduction de l'égalité des angles d'un triangle à deux droits est un processus en tous points identique à la production des choses á partir de la nature infinie de Dieu. Manifestement, la production des choses à partir de Dieu ne s'effectue pas. comme la démonstration de l'égalité des angles d'un triangle à deux droits. par le moyen de la construction d'une figure aux angles adjacents.

49 Par exemple. Brunschvicq, , Dans Spinoza ct ses contcmponiins. Paris. Presses universitaires de France. 1951. p. 44. Cet exemple s'autorise du vocabu-laire de I'expression (la substance s'exprime dans ses attributs) qui intervient fréquemment dans I'Étluqiie.Google Scholar

50 Le modèle spinoziste qui est obtenu en interprétant la variable « attribut » dans la définition de Dieu par les constantes « pensée » et « étendue » (les autres constantes nous sont inconnues) est précisément ce qui constitue notre problème (comment penser ce modèle?). M. Jean Bernhardt, dans un article précédemment cité, tente de nous fournir quelques modèles mathématiques. Ces modèles ne nous satisfont pas car il nous semble que pour les produire M. Bernhardt intro-duise dans la mathematique une métaphorie assez peu idoine à ses notions. Le triangle, pour prendre un exemple. est décrit à la p. 563 comme « unité du dynamisme même qui lie entre eux tous les éléments et tous les moments de cette (sa) construction. »

51 Barker (dans « Notes on the second part of Spinoza's Ethics » qui est repro-duit dans Kashap (1972), pp. 101–168), par exemple, qui accepte la solution de L. Robinson au problème de l'unité des attributs (cette solution est sensiblement la même que celle proposée par M. Guéroult, comme M. Guéroult le reconnaît lui-même. Voir le Spinoza I, p. 238, note 36) n'estime pas que cette solution suffise à lever les difficultés propres au scolie de Eth. II, 7. Barker écrit en effet « I think that notwithstanding our scholium (nous soulignons, il s'agit, bien sûr, du scolie de Eth. II, 7), Robinson's interpretation of Spinoza's doctrine is the right one… (p. 126). En fait les affirmations contenues dans le scolie de Eth. II, 7 sont d'autant plus problématiques que I'on retient la solution de Robinson-Guéroult au problème de l'unité des attributs. Se démarquant de la thèse idéaliste sur la nature subjective des attributs, cette solution fait valoir que les attributs constituent des êtres physiquement rèels exprimant des essences incommensurables. D'oii le problème posé par les affirmations contenues dans le scolie de Eth. II, 7 selon lesquelles « substance étendue et substance pensée sont une seule et même substance. »

52 Voici le texte latin original: « quod quicquid ah infinito intellectu percipi potest tanquam substantiae essentiam constituens, id omne ad unicam tantum substantiam pertinet, et consequenter quod substantia cogitans et sttbstantia extensa una, eademque est substantia, quae jam sub hoc, jam sub illo attributo comprehenditur. Sic etiam modus extensionis, et idea illius modi una eademque est res, sed duobus modis expressa; … Ex. gr. circulus in natura existens, et idea circuli existentis, quae etiam in Deo est, una eademque res, quae per diversa attributa explicatur. »

53 « De I'identite des enchainements entre les choses dans les divers attributs, on est passé ici à I'identité des choses enchaîn ées. Et cette dernière identité fonde ontologiquement la première » (Spinoza II, p. 85, souligné dans le texte)

54 La différence entre I'usage de ces deux formes est considérable. L'usage des substantifs accrédite la théorie d'une substance bigarrée constituee d'ingrédients différents physiquement réels. Le recours aux formes adjectivales connote l'idée d'une substance-substrat qui serait diversement qualifiée. Spinoza utilise ces deux façons de s'exprimer dans I'Éthique.

55 Comparer Eth. II, déf. 7 (définition des choses singulières) et Eth. III, 2 scolie: « l'espri t et le corps sont un e seule et même chose (res)… »

56 « L'idée vraie (…) est distincte de son objet. En effet, le cercle est une chose, l'idée du cercle en est une autre. Car l'idée du cercle n'est pas quelque chose qui a une périphérie, un centre, comme le cercle, et l'idée du corps n'est pas le corps lui-même… » (Réforme de I'entendement, Pléiade, p. 112, section 33)

57 « …chose identique signifiant ici cause identique35 » (souligne dans le texte. Spinoza I, p. 237). Or la note 35 de M. Guéroult se lit: « Plus précisément acte causal identique » (souligné dans le texte, Spinoza I, p. 237. note 35).

58 « Les choses, objets des idées, suivent de leurs attributs respectifs avec la même nécessité (eadem necessitate) et de la même façon (eodem modo), e'est-à-dire avec la même spontanéité et autonomie que les idées de ces choses suivent de I'attribut pensée. » Spinoza II, p. 61. nous soulignons.

59 Voir le Spinoza II. p. 87.

60 « Vous me demandez si la diversité des choses peut être démontrée a priori en partant du seul concept d'étendue: je crois avoir montré assez claire-ment que c'est impossible; c'est pourquoi la définition cartésienne de la matière par l'étendue me semble mauvaise; il faut au contraire, I'expliquer nécessairement par un attribut qui exprime une essence éternelle et intinie. Mais je vous parlerai peut-être plus clairement de tout cela une autre fois, s'il m'est donné de vivre assez. Je n'ai pu jusqu'ici rien mettre en ordre sur ce sujet. » (Lettre 83 à Tschirn-haus, Pléiade p. 1301).

61 « …ce qui entraîne… la réduction, capitale pour la doctrine, du causé au conclu, … » (Spinoza I, p. 66, souligné dans le texte.)