L'histoire de la philosophie voit d'abord en Hobbes un spécialiste de la philosophie politique, au point qu'on en oublie souvent l'importance du reste de son oeuvre. Sans doute, il n'est pas faux d'insister sur la contribution hobbienne à la philosophie politique. Et de l'avis de Hobbes lui-même, c'est dans ce domaine qu'il avait été particulièrement novateur. Cependant, son ambition était plus large: il voulait construire un système entier de philosophie, dont la politique ne devait représenter que la dernière partie. En effet, selon l'ordre de sa grande oeuvre, les Eléments de la philosophie, l'exposé du système total se divisait en trois grands livres: Du corps, De l'homme et Du citoyen. Apparemment, le système devait donc se composer des trois parties suivantes: une physique, une anthropologie et une science politique. En fait, le premier volume, sur le corps, comporte également la méthodologie, la logique et la philosophie première. La division en trois a pourtant sa vérité, et même une vérité troublante si l'on prend au sérieux la volonté hobbienne de constituer un système rigoureux dans lequel les sciences de l'homme et de la politique résulteraient de celle des corps en général, en ce sens du moins que les dernières sciences supposeraient les principes des premières. Car il semble que Hobbes ait admis une certaine autonomie des trois grandes parties de son système, au point que, par exemple, la politique paraît pouvoir trouver son propre fondement en elle-même, sans référence particulière aux développements de la physique.