De tous les peuples d'Europe, la France, est un de ceux qui émigrent le moins. Raisons sentimentales sans doute, certainement aussi raisons matérielles. Le Français trouve chez lui des ressources suffisantes pour assurer sa subsistance. S'il est obligé de gagner sa vie hors de son lieu d'origine, son choix se porte sur des régions françaises plus favorisées, ou, le plus souvent encore, sur les grandes agglomérations urbaines et les zones industrielles ; de là, le grand exode des campagnes vers les villes. Ces migrations intérieures importantes n'ont pas encore été étudiées dans leur ensemble ; elles méritent pourtant qu'on s'y arrête et qu'on en fasse un jour la synthèse, après avoir entrepris recherches et enquêtes démogéographiques assez complètes. Dans la présente analyse, nous nous en tiendrons à un sujet moins complexe, mais pour lequel encore beaucoup de problèmes se posent : l'émigration vers l'Amérique.

Il n'y a pas qu'en France qu'on parle de réforme. L'Université de Chicago nous envoie, elle aussi, un beau projet dont elle espère une amélioration appréciable du sort de l'humanité, non pas sur le plan américain du bonheur matériel et de la santé, du Health and Wealth pragmatiste, maïs sur le plan éternel des idées générales. Ce n'est pas parce que les difficultés actuelles de la France nous rendent peut-être un peu trop matérialistes, au sens américain du mot, que nous devons négliger d'écouter cette vaix, qui nous revient, comme un écho, d'Extrême-Occident. Nous souhaitons bonne chance aux initiateurs de la réforme, et en particulier à John U. Nef, ami de la France, qui n'est pas un inconnu pour les gens de cette maison.

Tous ceux qui ont voyagé soit en Espagne, soit dans les pays de vieille colonisation de l'Amérique espagnole comme le Mexique ou le Pérou, savent ce qu'est la plaza mayor dans la plupart des villes et des gros villages. Cependant, cet organe urbain n'a fait jusqu'ici l'objet d'aucune étude générale. Nous n'avons pas, à ma connaissance, un simple inventaire des plazas mayores d'Espagne. Les monographies même sont très rares, et les plazas mayores, lorsqu'elles forment un bloc, ne sont pas souvent datées avec exactitude. On ne pourra donc entreprendre une étude sérieuse de la plaza mayor espagnole et hispano-américaine qu'après une longue et minutieuse enquête préliminaire. Les pages qui suivent n'ont pour but que d'exposer certaines remarques, de poser certains problèmes, de défricher sommairement le terrain. Je dois des renseignements et des suggestions utiles à M. François Chevalier, avec qui il est possible que je poursuive ces recherches eri vue d'un ouvrage d'ensemble.

La présence d'un gisement d'hydrocarbures dans la région de Saint- Gaudens a été reconnue dès le mois de juillet 1939. Son exploitation, commencée en 1942, apporte un appoint notable à nos ressources en énergie et est susceptible de stimuler, voire de transformer l'industrie du Sud-Ouest. La suite des recherches qui se poursuivent dans le bassin d'Aquitaine montrera si le gisement actuellement exploité .est isolé ou constitue un simple élément dans un ensemblfe susceptible d'influencer l'économie entière de notre pays.

Rien d'étonnant à une telle découverte. Le bassin d'Aquitaine présente les caractèrs de régions pétrolières inscrites parmi les plus riches du monde : Caucase, Garpathes Orientales, Californie, Andes Orientales, Irak.

En Italie, le grand domaine ecclésiastique ou le grand monastère, centres d'exploitation agricole, n'ont jamais eu la même importance que dans les pays transalpins. Aussi bien, l'historiographie italienne n'a consacré que peu d'études, et le plus souvent insignifiantes, à l'évolution de la propriété ecclésiastique. Une enquête approfondie sur les vicissitudes de la propriété foncière ecclésiastique en Italie n'en apporterait pas moins des éléments de grande valeur historique et des points de vue assez neufs.

Mais une telle recherche est difficile, compliquée aussi à cause de ce très vif contraste qui, ici, sépare une fois de plus l'évolution historique du Nord de celle du Sud de l'Italie. Il suffit d'en juger d'après les résultats : dans le Nord, dès le milieu du XVIe siècle, l'Église ne possédait plus que de 10 à 15 pour 100 des terres ; dans le Sud, au contraire, et jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, elle en possédera de 65 à 70 p. 100.

Les pages qu'on va lire sont tirées d'un ouvrage intitulé La Paix calomniée, tout récemment paru aux éditions de la N. R. F. : ce livre a déjà eu un grand retentissement en Angleterre et en Amérique, sous le titre de The Carthaginian Peace or The Economic Consequences of Mr Keynes. Son auteur, Etienne Mantoux, jeune économiste de grande promesse, a été tué dans les derniers jours de la guerre, pendant la marche de la division Leclerc sur Berchtesgaden. Ce qu'il a voulu, —. en soumettant à une critique méthodique impitoyable l'ouvrage célèbre de Keynes sur Les Conséquences Economiques de la Paix dont l'influence a été si considérable et reste fortement marquée dans les esprits en Angleterre et en Amérique, — c'est barrer la route à des erreurs et à des malentendus qui n'ont pas peu contribué, entre les deux guerres, à rendre possible une nouvelle catastrophe.

Je viens de prendre connaissance de l'article de M. Gaston Zeller - Procès à reviser. Louis XI, la noblesse et la marchandise, paru dans le numéro IV (octobredécembre 1946) des Annales, dont je ne puis admettre les conclusions. M. G. Zeller, reprenant uniquement les textes signales dans mon travail, et d'ailleurs mis en oeuvre dans les chapitres I et II, affirme au lecteur que je n'ai nullement traité Ta question sociale, ce qui est entièrement inexact. Que, sur les conclusions mêmes de ma thèse M. Zeller ne soit pas d'accord, c'est son droit absolu ; mais, par contre, je ne saurais laisser écrire dés faits contraires à la vérité. C'est pourquoi, faisant appel à votre esprit d'équité, j'ai l'honneur de vous adresser la mise au point cijointe, en vous priant de l'insérer dans votre prochain numéro, les lecteurs restant juges du débat.

Le Ier mai 1847, la première salle assyrienne, remplie des sculptures découvertes à Khorsabad par le consul de France à Mossoul, Paul-Émile Botta, était inaugurée au Louvre. A la même date, Layard commençait l'envoi vers Londres de ses trouvailles de Nimroud. Une civilisation inconnue était ainsi révélée à l'Europe et l'on a célébré plus d'un centenaire qui n'avait pas l'importance de celui-là, demeuré inaperçu, pourtant, malgré l'occasion propice qu'eussent pu offrir la réouverture et la nouvelle organisation des salles orientales du Louvre. Mais, depuis un siècle, dans le seul domaine mésopotamien, combien d'autres révélations, dont certaines ont même dépassé en intérêt celles de l'art assyrien ! L'histoire de ce» découvertes, de leur progressive extension, géographique et chronologique, des Parthes de Doura-Europos à la préhistoire de Suse et d'Our, est passionnante à suivre dans le livre que lui consacre André Parrot, fouilleur bien connu de Tello, Lagash et Mari.

Nous n'avons jamais manqué une occasion de dire et d'écrire qu'il fallait à tout prix dégager l'économie publique du fatras théorique où elle s'embourbe. Des exemples récents et multipliés ne nous permettront que trop aisément de montrer l'urgence de cetta réforme.

On aurait pu espérer que les travaux de Marc Bloch suffiraient, la célébrité de son action, les efforts conjugués des directeurs d'Etudes à l'Ecole des Hautes-Etudes, où M. Landry attire les juristes et ne leur donne que de bons exemples (je pense à telle critique d'Adam Smith, et surtout à toute son activité de démographe), où M. Labrousse renouvelle la méthode de François Simiand, où s'enseignent l'histoire du travail, l'économie méditerranéenne, etc.. Je né prolonge pas la liste.

Hélas ! les savants, les chercheurs peuvent bien travailler, découvrir, proposer : l'enseignement des facultés de droit n'en a cure et déroule son imperturbable philosophie pour le plus, grand engourdissement possible des étudiants juristes.

Les agitations urbaines qui, du XIIIe à la fin du XVe siècle, jalonnent 1’ « automne du moyen âge », ont retenu l'attention des historiens. Ceux-ci n'ont pas eu de peine à en déterminer les principales zones d'extension : Pays-Bas, bords du Rhin, Italie. C'est là que l'essor économique médiéval a créé de grandes -villes industrielles, concentré dans leurs ateliers les premiers prolétariats urbains de l'Europe, tisserands et foulons de Florence, « ongles bleus » de Gand; là aussi qu'au cours du xiv” siècle les révolutions municipales ont jeté à bas les gouvernements oligarchiques. De ce grand drame social Henri Pirenne a tracé un tableau resté classique: Plus récemment, une étude minutieuse des sociétés urbaines a conduit à mieux distinguer des types d'évolution, opposer par exemple au destin d'un grand centre industriel comme Gand celui d'une ville avant tout commerciale comme Liège. Par ailleurs, les documents ont permis de préciser les formes d'exploitation sociale et de reconstituer, entre autres, l'inoubliable figure d'un Jehan Boinebroke, drapier de Douai.

Lé paludisme est la maladie la plus répandue dans le monde actuel. C'est celle qui fait, de loin, le plus de victimes. Elle pèse lourdement sur la vie économique et sociale de bien des régions du globe. En particulier dans les pays tropicaux et méditerranéens. Mais le paludisme sévit partout ; lors de son extension la plus grande il atteignit le 66° de latitude Nord (épidémie de Haparanda, 1861). Dans l'hémisphère Sud il ne dépasse guère le 40°. Cependant, dans cette vaste zone, sa répartition n'est pas uniforme. Et il faut ajouter que, s'il est dû à trois parasites différents, le plus dangereux, Plasmodium falciparum, est tropical et méditerranéen. Dans l'Europe tempérée, on a affaire à P. vivax, agent de la tierce bénigne, et plus rarement à P. malariae, agent de la fièvre quarte. C'est le cas delà France continentale.

Notre éminent collaborateur le professeur JOHN U. NEF, professeur de l'Université de Chicago, vient de publier une très importante étude, sur laquelle l'attention des historiens ne peut manquer de se porter. Elle le mérite parce qu'elle offre une mise au point d'une question dont l'importance n'échappe à personne. Elle le mérite encore parce que l'auteur a su aborder son sujet dans toute son ampleur, soucieux qu'il est d'examiner les grands problèmes de la vie économique, à la fois ceux des structures, des conjonctures et des mentalités. Elle le mérite, enfin, parce qu'elle apporte une vue d'ensemble d'un puissant intérêt sur l'évolution industrielle de monde occidental.

Entre les dernières années du XIIIe siècle et le milieu du XVe, le Pordelais représente un enjeu de marque dans l'interminable conflit qui oppose les Plantagenets puis les Lancastres aux Valois. Secteur vital de la Guyenne anglaise, il voit déferler à neuf reprises les troupes françaises sur une partie de son territoire et subit, à côté des épreuves apportées par la guerre, « maints autres grands tourments ». Sous la pression brutale des événements, sous l'influence aussi d'une évolution économique bien antérieure au XIVe siècle, de profondes transformations s'accomplissent dans le monde des possesseurs fonciers, qui, vivant essentiellement des droits sur la terre ou de la culture du sol, ont pour cadre principal la seigneurie. Ces transformations se retrouvent alors, avec des nuances multiples, dans toute la France.

Les géographes français, depuis Vidal de la Blache, ont très inégalement fouillé les divers domaines de la géographie humaine. Ils n'ignorent pas la géographie sociale, mais ils n'ont pas encore cherché à lui donner la place qui lui est due. Les analyses restent très superficielles; les limites sont à peine tracées et les méthodes propres de cette géographie sociale sont encore à préciser.

Parmi les derniers ouvrages sur les classes sociales et la vie sociale de notre pays, deux surtout doivent retenir l'attention des géographes : celui d'un historien, Charles Morazé, et celui d'un géographe, Pierre George. Tous deux, avec raison, montrent le lien étroit entre économie et société. Mais chacun traite de la société française en utilisant ses méthodes propres ; l'historien insiste sur l'évolution et le rôle de cette bourgeoisie depuis le XVIIIe siècle, tandis que le géographe fait un tableau de la situation sociale présente ; il s'agit en quelque sorte de deux analyses, menées sur des plans différents, mais qui possèdent leurs qualités respectives.

Quatre livres. C'est le russe qu'on lit le premier : Roubinstein, de la Frauda, trente-six pages seulement, mais quelle flamme ! Cela commence par une lutte de titans : Lénine et Staline d'un côté, Kautski et Hilferding de l'autre, et la nuée des doctrinaires bourgeois qu'on néglige. Non, les cartels ne donnent pas la possibilité d'organiser une société pacifique internationale en régime capitaliste. Et Hilferding a beau prétendre qu'en s'opposant au phénomène international des cartels les communistes se conduisent en antimarxistes. Non, les cartels ne sont pas un facteur de paix et d'équilibre, ils aggravent au contraire les contradictions du régime capitaliste dont la résolution ne peut être obtenue que par la force, ils jugulent par le contrôle des brevets et le système des quotas l'évolution progressive de l'économie, ils déjouent la démocratie en passant d'un pays à l'autre des conventions secrètes nuisibles aux intérêts des peuples, leur intérêt à eux, cartels, étant de pousser à la guerre génératrice de surprofits. Et voici des exemples, frappants et bien choisis.

De nombreux travaux ont paru sur le poids des impôts à travers les âges : on les compte par centaines, depuis un siècle et demi, ces mémoires prouvant, par a + b, que les contribuables sont toujours écrasés d'impôts, et prouvant, non moins mathématiquement, que les impôts semblent s'alourdir ordinairement, à mesure que les revenus s'amenuisent. Taine a fait des calculs magnifiques sur le « pourcentage » des impôts. Depuis, on a souvent repris ou modifié ses conclusions, répétant que la dîme prend le dixième des récoltes, et que, la taille étant à l'avenant, le paysan « débourse », en impôts de toute sorte, 30 à 60 pour 100 de ses revenus, en 1789, et en général au XVIIIe siècle, en France.

Au plus fort des angoisses de l'année 1940, Arthur Bryant a voulu aider ses compatriotes à répondre à la question que se posaient des millions d'êtres : « Que se passera-t-il une fois la guerre finie ? » Et, jugeant que « la clef de l'avenir d'un peuple est dans le passé », il a entrepris de retracer le dernier siècle de l'histoire anglaise. Aucun propos ne peut davantage nous intéresser que celui-là. D'autant que English Saga (1840-1940) n'est pas une histoire ordinaire, mais, placé au premier plan du drame, le récit du triomphe puis du déclin de l'individualisme anglais — entendez de la doctrine du « laissez-faire » qui, sous l'influence des économistes et des hommes d'affaires, a pris la place de la vieille tradition anglaise, au mélange harmonieux d'aristocratie et de démocratie qui, selon Arthur Bryant, assurait à chacun, selon les principes chrétiens hérités du moyen âge, le respect de la dignité de l'homme, la sécurité dans l'emploi, le juste prix du travail accompli.

Il faudrait ici consacrer plus qu'un compte rendu, une étude détaillée, exhaustive, à un livré qui, outre sa valeur littéraire, constitue un des plus importants documents, sur la psychologie ouvrière et l'expérience des métiers, parus depuis longtemps en France. A vrai dire, Travaux, de Georges Navel, ne s'adapte à aucune des cases jusqu'ici ouvertes, où se rangent, par exemple, les ouvrages, intéressants à divers titres, de Pierre Hamp et d'Hyacinthe Dubreuil, les romans « prolétariens » ou « populistes », sur la vie industrielle et urbaine, d'Eugène Dabit, Henry Poulaille, André Philippe, Maurice Lime et Jean Pallu. Nous trouvons ici, à travers un récit plein d'art et de subtilité, une réflexion psychologique et technique sur les métiers, riche d'observation et d'expérience humaines.

Que la France soit divisée en deux blocs politiques à peu près d'égale force, ce n'est certes pas là une idée entièrement neuve. Mais M. François Goguel la développe avec une rigueur systématique rarement égalée en ces matières( si ce n'est par des polémistes partisans ; M. Goguel, lui, sans se cacher de prendre parti, fait toujours preuve d'objectivité et d'une grande hauteur de vues). Pour lui, non seulement ces blocs sont numériquement équivalents, mais la géographie électorale les montre immuables dans la répartition de leurs forces, d'un bout à l'autre de la troisième République. Il y a là une constatation décourageante pour l'historien politique de cette période; car l'immobilité est la négation même de l'histoire.

Au XVIe et au XVIIe siècle, l'Espagne se veut « européenne », « occidentale », chrétienne, libérée de son lourd héritage musulman. C'est là une des grandes ambitions de son effort de civilisation au Siècle d'Or, et si l'expulsion des Morisques en 1609-1614 en est l'aspect dramatique, il en est d'autres. Sur cette grande vie des civilisations, pas de meilleures lumières que de grands témoignages : ainsi celui de la plus puissante des villes de la Péninsule, Seville, metropole des riches pays du Sud et des fabuleuses ressources de l'Ultramar. François Chevalier essaie, d'après les sources littéraires, d'indiquer la valeur et la portée de ce témoignage sêvillan : première reconnaissance d'un sujet, qui recèle encore d'immenses richesses. — F. B.