Cet article relaie l’expérience de trois anciens responsables des Annales, Marc Ferro (1962-1969), Jacques Revel (1975-1979/1980) et Lucette Valensi (1979-1985). Ces témoignages ne visent pas à revenir sur l’histoire intellectuelle de l’« école des Annales », mais à jeter un regard sur la fabrication concrète de la revue et sur son fonctionnement matériel et humain, entre les années 1960 et l’époque du tournant critique, à la fin des années 1980. Ils cherchent à mettre au jour des réalités mal connues, restées dans l’ombre des coups d’éclat épistémologiques affichés dans les pages des Annales. Ils ont également une dimension mémorielle, en ce qu’ils permettent de restituer un univers d’expériences aujourd’hui largement disparu : c’est une façon de maintenir vivant ce qui fait, dans la durée, l’identité même d’une revue – non pas la répétition des pratiques des fondateurs, mais la prise en compte des écarts, subis ou assumés. Le résultat est assurément fragmentaire, ne serait-ce parce que n’a pas été intégré le témoignage des membres encore actifs du comité de rédaction, comme André Burguière, secrétaire de la rédaction entre 1969 et 1975. Ces textes ont cependant l’avantage de rassembler quelques matériaux d’une histoire des pratiques éditoriales qui reste encore largement à écrire.