« L'histoire de l'outil est l'histoire même de la civilisation » (F. Benoit).
Au moment où la technologie connaît un regain d'intérêt dans les disciplines historiques, où l'archéologie industrielle s'investit dans la connaissance des structures matérielles de production qui ont profondément bouleversé le paysage économique des 18e et 19e siècles, à un moment aussi où la mécanisation agraire qui en est l'héritière s'essouffle et s'épuise en cette fin de 20e siècle à créer des engins toujours plus spectaculaires, il nous paraît opportun de rechercher dans la longue durée les prémices de ce que l'on a parfois appelé la « révolution du machinisme agricole » car la mise au point, dans le monde rural, d'outillages complexes ou de systèmes techniques particuliers qui dénotent une application — ou une volonté d'application — de données mécaniques ou d'assemblages originaux n'est pas l'apanage des temps modernes. On peut percevoir dès l'Antiquité dans l'agriculture des tentatives d'innovations ou des réalisations techniques qui sont loin d'être stériles ou marginales, même si leur évaluation en termes de « progrès technologique » ou la quantification de leur apport économique sont difficiles à mesurer. Étant donné le point de vue choisi d'une histoire diachronique, la tentation est forte — et l'historiographie y succombe volontiers — d'inscrire dans des schémas linéaires d'évolution, d'enchaînement ou de rupture ces modifications significatives alors que celles-ci, loin d'être des contraintes ou des présupposés, peuvent au mieux, à nos yeux, servir de révélateurs de systèmes ruraux dont l'éventuelle pertinence sera appréciée seulement par le contexte.