Bien que le prestige de Versailles soit actuellement au plus haut point, les études relatives à son histoire n'ont pas fait de progrès substantiel depuis de longues années. La publication de documents, tirés principalement des archives suédoises, nous a apporté, depuis trente ans, la solution de quelques difficultés et des précisions d'ordre chronologique importantes, mais on se meut toujours dans le cadre déterminé par les admirables travaux de Pierre de Nolhac au début de ce siècle. Ce n'est certes pas manquer à sa mémoire que de le constater et de souhaiter en même temps que, suivant son exemple, un nouveau pas soit fait pour interpréter plus complètement une œuvre dont il a été le premier à comprendre la signification véritablement exemplaire.

Des travaux récents ont mis en lumière ce trait fondamental de la France du XVIIIe siècle qu'elle est le pays de l'argent, entendons de l'argent abondant et de l'or rare. Avec comme aboutissement logique, au lendemain de l'accident des assignats, la définition du franc de germinal et le « lancement » de la Banque de France par le métal blanc. Tout ceci étant la résultante normale d'une politique obstinément tournée vers l'Espagne, distributrice de l'argent d'Amérique, de l'orientation des courants commerciaux, et aussi, sans doute, d'une certaine attitude psychologique — à la fois cause et conséquence du comportement économique : méfiance à l'égard de l'or, préférence pour l'argent considéré comme le signe-type de la richesse, au point d'en devenir synonyme dans la langue courante.

L'histoire bancaire d'une petite place, voire d'une région française, est difficile à retracer. La plupart des archives ont disparu ; ce qui en reste est difficilement utilisable. Bien des mouvements de capitaux ne laissent aucune trace écrite : prêts sur serment, voire avances en compte courant d'usine à usine. D'où l'intérêt d'une étude départementale, propre à suggérer d'autres enquêtes.

Le Nivernais, que nous avons choisi, présente certains caractères constants : numéraire rare, à la suite d'une forte thésaurisation ; élévation brutale des taux d'intérêts ; peu de banqueroutes importantes et de crises graves, faute de grandes fortunes commerciales. La fin de la Restauration voit l'essor de petites banques locales, leur nombre triplant en dix ans. Mais jusqu'en 1850 l'argent demeure rare et cher ; il manque une succursale de la Banque de France.

« La révolution des prix », voilà la fabuleuse étiquette qui a été appliquée à l'histoire des prix du XVIe siècle. Il faut bien le dire : c'est une étiquette qui a fait fortune. Il n'y a pas de livre d'histoire économique qui ne l'accepte et ne s'en serve pour expliquer, au moyen de ce merveilleux « Sésame, ouvretoi », toute l'histoire économique du commencement des temps modernes.

La réussite de cette formule est due en partie à l'extraordinaire simplicité de conception qu'elle représente. Lorsqu'on parle de « révolution des prix », on sous-entend toujours deux choses très simples : entre début du XVIe siècle et début du XVIIe, une hausse « révolutionnaire » des prix s'est produite ; cette hausse a été causée par les arrivées massives d'or et d'argent américains.

Sous la direction d'Ernest Labrousse, Marc Venard a récemment soutenu un solide diplôme d'études supérieures, consacré à la propriété foncière bourgeoise dans le Sud de la région parisienne, aux confins du Hurepoix et de la Beauce. Son intérêt vient de ce qu'il reprend et prolonge les problèmes qu’ Yvonne Bezard avait signalés, pour le XVIe siècle, à peu près dans la même région, l'archidiaconé de Josas…. Prochainement cette étude importante d'un jeune historien sera publiée par les soins de la VIe section de l'École des Hautes Études. Mais, sans plus attendre, il nous a paru opportun de livrer à nos lecteurs le chapitre traitant de la classe des laboureurs, intermédiaires essentiels entre « maîtres » - bourgeois, propriétaires et non résidants d'une part, et les petits paysans, manouvriers, journaliers, bergers de l'autre. Voilà signalée à notre attention une classe curieuse et puissante, disposant d'un riche capital mobilier, prenant à ferme terres, dîmes, droits seigneuriaux, et se solidarisant ainsi avec la bourgeoisie parisienne.

Il y a beaucoup à retenir de l'ouvrage érudit et pénétrant que M. J. Defradas intitule les Thèmes de la propagande delphique. Le sujet est assez intéressant, et assez valable, pour qu'on en considère ici certains aspects : il s'agit des conditions où se définit une pensée religieuse, des modes de cette pensée, de ce qu'elle a pu signifier pour une humanité particulière.

Le sanctuaire d'Apollon à Delphes, siège d'un oracle fameux, a joui d'une autorité, variable sans doute suivant les États ou les milieux, mais somme toute assez générale en Grèce. En quoi consiste-t-elle et quel en est l'organe? A quels domaines s'applique-t-elle, quelle en est la portée? Et d'abord, à quel moment s'est-elle exercée?

L'importance de l'histoire de Byzance ne vient pas seulement de sa longue durée, plus d'un millénaire, de l'étendue de l'Empire, de son rôle économique, de l'originalité de ses institutions, de l'éclat de sa civilisation. Elle vient tout autant, et peut-être davantage, de ce qu'elle est par excellence une histoire « ouverte » : synthèse à son départ de traditions venant de l'Orient asiatique, de la Grèce et de Rome, enrichie par l'apport du christianisme, Byzance est pour l'historien du moyen âge, en dehors de son intérêt propre, le pivot autour duquel tourne longtemps l'histoire du bassin méditerranéen et des pays qui s'y rattachent, le monde musulman, une partie de l'Occident, le monde slave et même à ses débuts l'Empire turc. En outre, par leur nombre et leur qualité, les sources byzantines ont pour tout le moyen âge une importance qu'on méconnaît encore.

On a dit de la presse, il y a plus de cent ans, qu'elle constituait le « quatrième pouvoir ». Aujourd'hui, certains prétendent qu'avec la radio, la télévision et le cinéma, elle est, en fait, le pouvoir prépondérant. On a dit aussi de l'information (qui groupe la presse, la radio, la télévision et le cinéma) qu'elle était l'un des prolongements de l'enseignement, comme lui obligatoire — mais pour les adultes. Excessifs ou non, ces jugements contiennent assurément une part de vérité ; ce qui impose d'explorer et de connaître le domaine de l'information, d'expliquer et de comprendre ses manifestations, d'entreprendre des études sur le passé et sur le présent, pour notre pays et pour d'autres pays.

Les historiens ont déjà cherché à connaître la place du journal dans la vie politique et d'une manière plus générale dans la vie intellectuelle ; c'est en effet un domaine important de l'histoire contemporaine. Le journal est un facteur de civilisation et peut-être les recherches n'ont-elles guère été poussées pour connaître la place dans ce domaine. S'est-on préoccupé, par exemple, de suivre dans nos régions rurales françaises les développements parallèles, ou presque, de l'instruction publique et de la lecture des journaux? Nous parlions dernièrement dans les Annales des possibilités d'une géographie sociologique de l'éducation nationale ; ne peut-elle être doublée d'une géographie du journal? Avec l'instruction élémentaire vient la pratique quotidienne de la lecture, bonne ou mauvaise, que représente le journal. Les historiens ont dans la géographie du journal un domaine neuf et riche à prospecter, avec l'aide des géographes et des sociologues.

La blibliographie hispano-américaniste s'est enrichie d'un livre de prix, dont la portée dépasse le cadre nécessairement étroit de sa spécialisation. On s'en réjouit d'autant plus qu'il nous vient de ce tout jeune Institut ibero-américaniste de Stockolm dont Magnus Mörner assure la direction avec dynamisme et efficacité. Ce livre, et c'est pourquoi il doit retenir notre attention, outre ses qualités propres et l'originalité de son aspect, signifie l'entrée brillante de l'historiographie suédoise dans un champ à peu près neuf pour elle. On n'en sera pas outre mesure surpris. L'Amérique latine n'est-elle pas une des grandes réserves du monde occidental d'aujourd'hui? L'intérêt qui, de tous les points de l'Amérique du Nord et d'Europe, s'affirme toujours plus vigoureusement pour le continent du XXIe siècle en est la conséquence. La connaissance d'un passé relativement accessible mais étonnamment contraignant, est un mode d'approche rentable.

Historien bien connu des activités portugaises d'Outre-Mer, attentif à suivre les progrès de l'histoire économique et à contribuer de la meilleure façon à en accélérer le rythme, M. VITORINO MAGALHAES GODINHO, collaborateur très apprécié des Annales, nous offre un nouvel ouvrage. Ayant eu l'occasion de réunir des séries de prix portugais, il a été encouragé par le Centre de Recherches historiques de la 6e section à « introduire le cas portugais dans le grand débat d'histoire des prix » qui préoccupe toujours si fort historiens et économistes. Présenter des sources, poser des problèmes : il se défend d'avoir eu pour l'instant d'autres ambitions.

Les bureaux arabes ont été l'un des rouages essentiels et peut-être le plus caractéristique du régime militaire en Algérie. Si la conquête a été l'œuvre de l'armée, le maintien et l'affermissement de la domination française a été celle des bureaux arabes. « Émanation de l'armée, machine militaire arabe », selon l'expression d'un de ses représentants les plus remarquables, Lapasset, l'institution elle-même a donné lieu à des appréciations contradictoires inspirées plus souvent par des préventions politiques que par l'examen impartial des faits que, d'ailleurs, la rareté des documents rendait fort malaisé. Il n'en va plus de même aujourd'hui. Les passions sont apaisées, les archives ouvertes aux travailleurs. Il devient donc possible d'aborder le sujet en connaissance de cause. Une étude d'ensemble devra toutefois être précédée de nombreuses études de détail.