La chronique de Jacques Ier d’Aragon, connue d’après la tradition manuscrite comme le Llibre dels fets, est élaborée pendant la seconde moitié du XIIIe siècle à la cour aragonaise. Il s’agit d’un récit à la première personne et en langue catalane, que signe le roi lui-même. Jacques Ier relate ainsi par le menu, à l’aide d’un langage narratif fortement dramatisé, ses propres gestes et ceux de ses chevaliers dans leur lutte contre les musulmans. L’importance du texte dans la mémoire collective des Catalans, tout comme son originalité historiographique et littéraire, poussent l’auteur de l’article à proposer une analyse d’ensemble de son « contenu »et de sa « forme». Jusqu’à quel point le Llibre dels fetsprésente-il une dimension autobiographique au sens actuel de ce « genre littéraire », ou s’agit-il plutôt d’une « fiction autobiographique », dans laquelle le monarque dilue sa paternité littéraire, tout en conservant une autorité plénière en tant qu’auteur. L’analyse interne du processus d’écriture de l’oeuvre nuance sa véritable paternité, que le roi partage avec ses collaborateurs les plus proches. Le roi en est donc l’auctor, le garant, au sens médiéval, mais il n’en est pas l’« auteur »au sens contemporain, ou du moins pas le seul, puisque ce texte a été mis en forme par un ou plusieurs scribes, et qu’il incorpore des textes plus anciens.