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Entre le mythe et la parole : l'action. Naissance de la conception politique du pouvoir en Russie1

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Claudio Sergio Ingerflom*
Affiliation:
CNRS

Extract

Le propos de cet article est de reconstituer, à travers l'insurrection dirigée par Stéphane Razine, les modalités étranges selon lesquelles s'ébauche une représentation populaire autonome sur le pouvoir, qui fissure une culture jusque-là commune, fondée sur l'assimilation du politique au surnaturel. Réexaminer cette insurrection qui fit l'objet de nombreuses études, suppose que l'on précise en quoi la conception traditionnelle n'est plus satisfaisante, pour ensuite proposer un récit explicitant le va-et-vient entre la lecture des sources et ses prémisses théoriques. On repère deux grandes approches dans l'historiographie qui divergent dans l'évaluation de leur objet au demeurant identique. Dans un cas, l'insurrection est saluée comme une expression de la « lutte de classes », quoiqu'elle soit jugée limitée par son « incapacité à élaborer une idéologie scientifique », étant restée prisonnière « du monarchisme naïf et des illusions sur le tsar » des insurgés qui ont pu croire, comme pendant le Temps des troubles, que le tsarévitch se trouvait parmi eux.

The hypothesis which is put forward here is that the Cossacks and Serfs’ Revolt, led by Razine (1669-1671) was, in fact, the first collective political action in Russian history. A significant section of the society sketches out a representation where the holder of the supreme power in the country proceeds itself, at the expense of the traditional conception which was viewing the divine choice as the only seat of legitimity. This hypothesis contradicts the dominant historiography of the Russian popular movements: we consider here seriously the concepts whereby the actors have represented themselves and have conceptualized their world; we do not begin from a general historical context which precedes the Revolt but we build from shared elements, which are external and internal to it; we choose either the collective or the individual places to observe the Insurrection; we distinguish between the physical time and the social time of the event; lastly, we consider the collective actors, who are also able to take new initiatives including such dimensions as the representation of power. Hence, we try to show that the beliefs in a transcendent area close to Man, which are namely put to use magic, are part and parcel of the political conception of power in Modern Russia.

Type
L'Invention Du Politique
Copyright
Copyright © École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris 1996

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Footnotes

1

Ce texte est aux antipodes de la conception faisant du mythe (mythos) un mode de penser qui serait dépassable par un autre mode, la parole (logos), plus correct. Le mythos est entendu comme « ce qui est réel et de l'ordre du fait (en parole s'entend !) […] parole qui renseigne sur la réalité, ou qui constate quelque chose qui, une fois déclaré, ne peut que devenir réel : c'est donc la parole qui renseigne objectivement ou qui fait autorité […] parole vraie de ce qui s'est révélé » tandis que le logos renvoie à « la parole en tant qu'elle est pesée, mûrement réfléchie, en tant qu'elle vise à convaincre », W. F. Otto, Essais sur le mythe, Ed. TER bilingue, Mauze-vin, 1987, pp. 26-27. Le titre de mon article vise à souligner le rôle créateur de l'action dans la possibilité qu'ont les humains de passer de l'un à l'autre, dans un déplacement qui n'exclut pas la contemporanéité des deux ni la réversibilité.

References

2. Commencée en septembre 1669, cette révolte contre le servage se répand d'Astrakhan au sud, à Nijni Novgorod au nord, à l'ouest jusqu'à Tambov et Kharkov, à Kazan à l'est. Les rebelles arrivent aux portes de Nijni Novgorod et Pavlovo, soit à deux ou trois jours de la capitale. Entre septembre et décembre 1670 l'armée de Moscou gagne les batailles décisives. On translittèrera les noms et prénoms russes sauf ceux qui ont déjà acquis une orthographe connue en français.

3. Période de crise dynastique, de guerre civile et d'invasions étrangères, ouverte par le décès de Féodor en 1598, précédée par la mort de son demi-frère, Dimitri, en 1591, tous deux fils d'Ivan IV le Terrible et fermée par l'intronisation du premier Romanov, en 1613. Pendant ces années, une vingtaine de faux tsarévitchs s'attribuent qui le nom de Dimitri, qui celui de ses « neveux ». L'un d'eux fut couronné sous le nom de Dimitri Ier.

4. Buganov, V. I., « Ob ideologii uéastnikov krest'janskih vojn v Rossii » (Sur l'idéologie des participants aux guerres paysannes en Russie), Voprosy Istorii (Questions d'histoire), 1, 1974, pp. 54, 56Google Scholar ; L. V. Čerepnin, « Vvedenie. Ob izučenii krest'janskih vojn v Rossii XVII-XVIII vv. K teorii problemy » (Introduction. Sur l'étude des guerres paysannes dans la Russie des xvne-xvnie siècles. La théorie du problème), et Mavrodin, V. V., « Po povodu haraktera i istorièeskogo značenija krest'janskih vojn v Rossii » (A propos du caractère et de la signification historique des guerres paysannes en Russie), dans Krest'janskie vojny v Rossii XVII-XVIII vekov (Les guerres paysannes en Russie xviie-xviiie siècles) (recueil collectif devenu une référence pour l'historiographie soviétique), Moscou, 1974, pp. 11, 40.Google Scholar

5. Malia, M., Comprendre la Révolution russe, Paris, Éditions du Seuil, 1980, pp. 4344.Google Scholar

6. Gosudar' est le terme officiel le plus courant, suffisant à lui seul pour désigner le monarque (mais on le trouve également, pour désigner le destinataire de l'adresse, dans la correspondance privée entre nobles et boïards, entre chefs cosaques, etc.). Devant la difficulté de trouver un concept qui rendrait compte de la représentation tsar/maître que le mot gosudar' véhiculait, nous ne le traduirons pas, pour rappeler au lecteur la connotation d'appartenance qu'il impliquait dans les rapports entre les sujets et le tsar. Pour l'étymologie du mot (v. ir. *wis « clan, maison », *wis-pati « chef du clan » et *wis-ypura « fils du clan ou de la maison royale, prince » — gr. despótes — lat. dominas), voir Benveniste, E., Le vocabulaire des institutions indo-européennes, t. 1, Paris, Éditions de Minuit, 1969, pp. 8891 Google Scholar ; Cornillot, F., « L'aube scy-thique du monde slave », Slovo, n° 14, Paris, INALCO, 1994 Google Scholar, András, Z., Fejezetek az orosz szōkincs tōrténetébōl (texte en russe : Iz istorii russkoj leksiki, De l'histoire du lexique russe), Budapest, 1987, pp. 1450 Google Scholar. Dans la langue courante, gosudar' signifiait maître (par exemple « maître de l'esclave »). Vers le dernier tiers du 15e siècle le Grand prince moscovite commence à traiter l'ensemble de ses sujets comme ses esclaves (holopy) et dans sa correspondance avec les autres princes russes, il remplace les termes habituels (« frère aîné », « père ») par gospodar'. Les Novgorodiens lui rappellent la sémantique du terme et refusent de lui reconnaître ce titre, Kobrin, V. B., Vlast' i sobstvennost' v srednevekovoj Rossii (Le pouvoir et la propriété dans la Russie médiévale), Moscou, 1985, p. 51 Google Scholar. L'autre titre du monarque, samoderzavec (autocrate) était, lui aussi, contaminé par la dimension « domestique » de son pouvoir ; ainsi en 1775, le paysan Pierre Féodorovitch Kaverzin répondit à un garde qui lui demandait son identité dans un débit de boissons en Sibérie : « Je suis Pierre Féodorovitch » (Pougatchev, le faux empereur Pierre Féodorovitch III, venait d'être exécuté) ; non sans sarcasme le policier insiste : « Ne serais-tu Pougatchev ?” — « Non, je ne suis pas Pougatchev, je suis Pierre Féodorovitch et chezmoi je suis l'autocrate » répondit Kaverzin ; il fut arrêté sous l'accusation d'autonomination ; au bout de plusieurs mois, lorsqu'il vit que l'instruction risquait de mal finir pour lui, Kaverzin consentit à lever l'ambiguïté, déclarant qu'il avait dit au garde « dans ma maison je suis celui qui a le pouvoir (derzavec : il a enlevé le samo [auto]), j'ai une femme, cinq fils et deux filles » ; il fut libéré après quelques coups de verges et la promesse de ne plus recommencer ; Bykonja, G. F., « Boguéanskoe delo » (L'Affaire de Bogoutchansk), Izvestija sibirskogo otdetenija Akademii nauk SSSR (Bulletin de la Section sibérienne de l'Académie des Sciences de l'URSS), n° 6, vyp. 2, Serija obšcestvennyh nauk, 1978, pp. 113117.Google Scholar

7. Le mot russe qu'on traduit par « État » est gosudarstvo. Or, au 17e siècle, le gosudarstvo est conçu comme le domaine privé du tsar. Le problème posé par la traduction courante de gosudar' et gosudarstvo n'a pas échappé aux historiens : « Although we translate gosudarstvo as “state” a more accurate équivalent would be “domain” », Pipes, R., Russia under the Old Régime, Londres, 1974, p. 78 Google Scholar. Sur les difficultés à concevoir la Russie comme un État aux 19e et 20e siècles, voir les articles qu'A. BLUM et moi-même avons publiés sous le titre commun «Oublier l'État pour comprendre la Russie», Revue des Études slaves, t. LXVI, 1994, n°l, pp. 125-145.

8. Krest'janskaja vojna pod predvoditel'stvom Stepana Razina (La guerre des paysans sous la direction de Stéphane Razine), Moscou, 1954-1962 (ce recueil de sources en 4 volumes est le plus complet), voir, t. III, doc. n° 81, 82,100. Dorénavant Krest'janskaja. Dans l'immense majorité des cas, Razine est accusé de trahir le gosudar', parfois on y ajoute le gosudarstvo de la Moscovie (Ibid., t. II, Ie p. doc. n° 119 ; t. III, doc. n° 81).

9. Soyons toutefois explicites : cette critique serait injuste si on ne rappelait pas notre dette à l'égard du capital de connaissances constitué avant tout par les chercheurs russes et soviétiques.

10. C. S. Ingerflom, « Les représentations collectives du pouvoir et l'“imposture” en Russie, 18e-20e siècle », dans Boureau, A. et Ingerflom, C. S. éds, La royauté sacrée dans le monde chrétien, Paris, Éditions de l'EHESS, 1992, p. 158 Google Scholar. Pour refuser la formule de « monarchisme naïf », ce texte s'appuyait sur les considérations théoriques implicites dans les notes de Wittgenstein, L., Remarques sur Le Rameau d'or de Frazer, Genève, L'Age d'Homme, 1982 Google Scholar, et à l'œuvre chez Favret-Saada, J., Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, 1977 Google Scholar, Guidieri, R., La route des morts, Paris, Le Seuil, 1980 Google Scholar, et Karnoouh, C., L'invention du peuple, Paris, Arcantère, 1990.Google Scholar

11. Pour les enjeux du concept de « compétence » en sociologie, voir Boltanski, L., L'amour et la justice comme compétences, Paris, Métailié, 1990 Google Scholar, Boltanski, L. et Thévenot, L., De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, 1991 Google Scholar. L'histoire à son tour y trouve un garde-fou contre les attitudes scientistes et les approches évolutionnistes, voir Lepetit, B., « Histoire des pratiques, pratique de l'histoire », dans Les formes de l'expérience, sous la direction de Lepetit, B., Paris, Albin Michel, 1995, p. 20 Google Scholar et passim.

12. La plupart des sources ont été perdues ; en outre, parmi les quatre volumes de sources publiés, sept documents seulement émanent des rebelles.

13. « Auto-nommés » (samozvancy) : des centaines d'individus qui prétendent être tsars, émissaires impériaux, dignitaires de l'Eglise… entre le 17e et le 20e siècle. La traduction courante — « imposteurs » — dénature le phénomène, car le terme russe désignait avant tout les prétendants à la couronne qui n'avaient pas été nommés par Dieu. Le terme était ancien mais il ne semble pas avoir été utilisé avant la fin du Temps des troubles. L'occurrence la plus ancienne que je connaisse du mot samozvanec, dans le sens qui nous intéresse, se trouve dans Timofeev, I., Vremennik (Chronographe), Moscou-Leningrad, 1951, p. 32 Google Scholar. Pour différents aspects du phénomène, voir Ingerflom, C. S., « Stratégies paysannes et mystifications intellectuelles », De Russie et d'ailleurs. Feux croisés sur l'histoire. Pour Marc Ferro, Paris, Institut d'Études slaves, 1995.Google Scholar

14. Les cosaques du Terek s'étaient mis en campagne après avoir élu leur compagnon Ilia « tsarévitch Pierre » ; malgré les efforts polonais et l'engagement d'un certain nombre de nobles russes, l'armée qui combattit le tsar Šujskij ne put être réunie avant l'apparition du deuxième faux Dimitri.

15. Krest'janskaja, t. 1, doc. n° 171, t. II, 1re p., doc. n° 53, 60, 63, 64, 78, 92, 277,121, 124 ; t. II, 2e p., doc. n° 92, 127, 143. Selon V. I. Buganov, op. cit., p. 54, « černye ljudi », littéralement « les gens noirs », désigne ici non seulement les paysans mais tous ceux qui étaient soumis à l'impôt. Avant son décès, Alexéï avait été proclamé héritier du trône et avait cosigné plusieurs chartes avec son père.

16. Soloviev estimait que le double était l'ataman Osipov, ibid., t. III, p. 419. Un témoin étranger suppose que le faux Alexéï était dans l'un des bateaux de la flottille rebelle et qu'il s'agissait du jeune prince caucasien Čerkasskij, fait prisonnier par Razine ; il écrit aussi : « A Smolensk on pendit un certain homme, qui dit en mourant qu'il mourait content après avoir vu le prince Tsarévitch avec Stenko (Razine) quoy qu'il n'eust vû que son Fantasme », Relation des particularités de la rébellion de Stenko Razine contre le grand duc de Moscovie, p. 30. L'original dans Zapiski inostrancev o vosstanii S. Razina (Mémoires rédigés par des étrangers sur l'insurrection de S. Razine), Leningrad, 1968, p. 105. Ce témoignage unique est très fragile, Smolensk étant très loin de la région insurgée. Razine fut interrogé à propos de ses relations avec Čerkasskij, mais sa réponse n'a pas été conservée ; voir Buganov, V. I., « “Rozysknoe delo” Ste-pana Razina » (Le dossier d'instruction de Stéphane Razine), Otečestvennaja istorija (Histoire de la patrie), 1994, n° 1, pp. 3031.Google Scholar

17. Krest'janskaja, t. II, 1re p., doc. n° 124.

18. Rédigé par un tiers, un récit attribué à l'ambassadeur hollandais fait état de la tête coupée de celui que Razine présentait comme le tsarévitch, Posol'stvo Kunrada fan Klenka k car-jam Atekseju Mixajloviču i Feodoru Alekseeviču (Voyage de l'ambassadeur de Koenrad van Klenk chez les tsars Alexéï Mikhaïlovitch et Féodor Alexéïévitch), Saint-Pétersbourg, 1900, p. 446. Mais, ce témoignage (qu'aucun document officiel ne confirme), ne concerne pas le fait que le tsarévitch est demeuré invisible aux populations en révolte.

19. Čistjakova, E. C. et Solov'ev, V. M., dans Stepan Razin i ego soratniki [Stéphane Razine et ses compagnons], Moscou, 1988, 5455 Google Scholar constatant que « Razine n'a pas employé les formes habituelles de l'auto-nomination », se demandent pourquoi il a entouré cette affaire de « mystère » mais annulent l'étrangeté de l'épisode en arguant de la naïveté populaire.

20. Čistov, K. V., Russkie narodnye social'no-utopičeskie legendy (Les légendes populaires utopiques et sociales russes), Moscou, 1967, p. 84.Google Scholar

21. Il s'agit de l'étonnement comme attitude du chercheur devant son sujet. « Le célèbre précepte platonicien selon lequel philosopher commence par l'étonnement signifie cette surprise, cette impossibilité d'aller plus loin à l'aide des attentes pré-schématisées de notre orientation au monde, qui appelle à penser […] cette impossibilité d'aller plus loin dans la compréhension, pousse manifestement à aller plus loin, à une connaissance plus pénétrante ! », Gadamer, H.-G., « Langage et compréhension », dans Langage et vérité, traduit par J.-C. Gens, Paris, Gallimard, 1995, p. 148 Google Scholar. Avant lui, Wittgenstein déjà se plaignait de la « science qui tue l'étonnement », et qualifie de naïve une pensée autre, devenue ainsi inférieure, voir J. Bouveresse, L'animal cérêmoniel, dans Wittgenstein, L., Remarques…, op. cit., pp. 9697 Google Scholar. Parmi les historiens, Momigliano, A. a rappelé les capacités heuristiques de « la faculté de s'étonner », Sagesses barbares, Paris, La Découverte, 1984, p. 38.Google Scholar

22. Scélératle est le terme utilisé par les étrangers contemporains ; le nom vor (et les adjectifs correspondants) signale aussi le sorcier et en général celui qui transgresse la loi.

23. Dans le parler de la région de Vladimir et Iaroslavl, au nord-est de Moscou, pošatka signifie une croyance, une superstition, voir VI. Dal', Tolkovyj slovar’ Živogo velikorusskago jazyka (Dictionnaire raisonné de la langue vivante grand-russe), 3e éd., Moscou-Saint-Pétersbourg, 1905, vol. 2, col. 975

24. Dès la fin septembre, les officiels avouent que l'affirmation de la présence du tsarévitch est très efficace. Les textes émanant de la cour dénoncent le « mensonge », le tsar invite les villes à envoyer leurs délégués visiter la tombe du tsarévitch. Krest'janskaja, t. II, lre p., doc. n° 83, 171, 277, 327.

25. Le terme slovo ne figure pas dans les passages cités. Mais dans d'autres sources, les dossiers judiciaires par exemple, les mêmes délits, le mensonge, l'offense, etc., sont englobés par la catégorie slovo, mot/parole. L'absence d'un mot prévu par les formules normatives désignant le monarque est un délit nommé « slovo indécent » ou encore « parole (rec’ : discours, langage, langue, parole) indécente par écrit (na pis'me) » ; voir Tel'Berg, G. G., Očerki političeskogo suda i političeskih prestuplenij v Moskovskom gosudarstve XVII veka, Études sur la justice et les crimes politiques dans l'État moscovite au 17e siècle, Moscou, 1912, p. 323 Google Scholar, n. 42. Cet emploi de slovo en tant que catégorie désignant les mêmes délits que ceux reprochés à Razine, nous autorise à l'utiliser à propos de son « mensonge ».

26. Krest'janskaja, doc. n°63, 119, 124, 171, 277 ; t. III, doc. n°81.

27. Nous avons affaire ici à une procédure connue des historiens. Reinhart Koselleck l'a indiqué en rappelant que lorsqu'on « analyse des faits qui ont déjà été exprimés auparavant […] les concepts hérités du passé servent d'instruments heuristiques pour saisir la réalité passée », Le futur passé, traduit par J. Hoock et M.-C. Hoock, Paris, Éditions de l'EHESS, 1990, p. 15. Il s'agit, en paraphrasant Roger Chartier, de retrouver la pertinence de quelques-uns des « concepts centraux » maniés par les acteurs, attachant ainsi notre « opération de connaissance à (leur) outillage notionnel », « Le monde comme représentation », Annales ESC, 1989, n° 6, p. 1514.

28. La différence avec les codes antérieurs est notable : dans celui de 1497 l'article correspondant, le 9, n'a pas de titre et occupe quatre lignes, en 1550 l'article concerné, le 61, est rédigé en 9 lignes, tandis qu'en 1649 c'est tout le chapitre 2, composé de 22 articles, qui est consacré à ces crimes. Voir Pamjatniki russkogo prava (Sources du droit russe), Moscou, 1959, t. 3, 4, 6.

29. G. G. Tel'berg, op. cit., pp. 121-123, distingue trois périodes : la dénonciation de toute intention de trahison fut d'abord rendue obligatoire pour les boïards et les princes prêtant serment de fidélité au Grand prince de Moscou, ensuite (début du 17e siècle) pour tous les sujets du tsar, enfin le châtiment de la non-dénonciation dans le Code de 1649.

30. La conjonction ili ne veut pas dire ici ou mais et, voir N. N. Pokrovskij, « Sibirskie materialy XVII-XVIII vv. po slovu i delu gosudarevu kak istoènik po istorii obšéestven-nogo soznanija » (Sources pour l'histoire de la conscience sociale : les matériaux sibériens des 17e-18e siècles à propos de la « parole et le fait concernant le gosudar’ »), Istočniki po istorii obščestvennoj mysli i kul'tury epohi pozdnego feodalizma (Sources de l'histoire de la pensée sociale et de la culture à l'époque féodale), Novosibirsk, 1988, p. 58.

31. Sa terminologie est mal définie, il y a contradiction entre certains articles, il ne cite pas tous les châtiments pratiqués, il sera parfois absent dans les attendus des condamnations. Voir Pokrovskij, N. N., « Sibirskie materialy… », op. cit., pp. 5758 Google Scholar ; Živov, V. M., « Istorija russ-kogo prava kak lingvo-semioticeskaja problema » (L'histoire du droit russe en tant que problème sémiotique et linguistique), Semiotics and the History of Culture, in Honor of Jurij Lot-man, Ohio, 1988 Google Scholar, passim.

32. Novombergskij, N., Koldovstvo v Moskovskoj Rusi XVII-go stoletija (La sorcellerie dans la Russie moscovite au xviie siècle), Saint-Pétersbourg, 1906, pp. 112134.Google Scholar

33. L'héritier de la couronne danoise, que certains cercles voyaient comme le possible successeur de Michel Romanov, devait épouser la fille du tsar mais refusait de se convertir à l'orthodoxie. Siméon Strešnev, l'échanson de Michel qui fut chargé de le persuader, fit amener un couple de guérisseurs, pour ensorceler le prince, Bahrušin, S. V., Trudy po istočnikovedeniju, istoriografii i istorii Rossii epohi feodalizma (Études sur les sources, l'historiographie et l'histoire de la Russie à l'époque féodale), Moscou, 1987, p. 110.Google Scholar

34. Ogloblin, N. N., « Gosudarevo velikoe verhnee delo » (Une « grande affaire » dans le palais du gosudar’), lstoriceskij vestnik (Messager historique), 1896, t. LXV, pp. 137157.Google Scholar

35. On trouve aussi dans cette affaire le terme stihi, « vers », l'un des mots désignant alors les conjurations, voir Eleonskaja, E. N., Skazka, zagovor i koldovstvo v Rossii (Contes, conjurations et sorcellerie en Russie), Moscou, 1994, p. 110.Google Scholar

36. Rozysknye delà o Fedore Šahlovitom i ego soobščnikah, Arheografičeskaja komissija (Le dossier d'instruction dans l'affaire de Féodor Chaklovit et ses complices), t. II, Saint-Pétersbourg, 1855 ; Truvorov, A. N., « Volhvy i vorozei na Rusi, v konce XVII veka » (Sorciers et devins dans la Russie de la fin du 17e siècle), Istoričeskij vestnik, juin 1889.Google Scholar

37. Novombergskij, N., Slovo i delo gosudarevy (La parole et le fait concernant le souverain), t. 2, Tomsk, 1909, p. 1 Google Scholar. Cette interprétation de l'insulte est partagée par Ouspenski, B., « L'aspect mythologique des jurons russes », dans Lotman, I., Ouspenski, B., Sémiotique de la culture russe, Lausanne, 1990 Google Scholar, et par N. N. Pokrovskij, « Sibirskie materialy… », op. cit., p. 43 et « Zakonodatel'nye istočniki petrovskogo vremeni o slove i dele gosudarevom » (Les sources législatives de la période petrovienne sur « la parole et le fait concernant le gosudar’ »), Publi-cistika i istoričeskie sočinenija perioda feodalizma (Textes politiques et historiques de la période féodale), Novosibirsk, 1989, p. 82.

38. N. Novombergskij, Slovo…, op. cit., t. 2, pp. 53-55.

39. E. N. Eleonskaja, op. cit., p. 101.

40. N. N. Pokrovskij, « Sibirskie materialy… », op. cit., p. 43.

41. L'article 1 du chapitre 2 signale non pas la « parole » comme figure criminelle mais le « fait » ; c'est, dans le même chapitre, l'article 14 sur les fausses dénonciations d'atteinte à la santé du tsar qui introduit la formule « le fait et la parole », déjà courante dans la pratique. Alarmé par l'emploi populaire de cette figure pénale (souvent invoquée pour se défendre des autorités locales, accusées de divers « abus », Pierre Ier dicte l'oukase, destiné à rester sans effets, du 9-II-1705, qui sépare les délits contre sa santé, à communiquer sous la formule « la parole sur le gosudar’ », des autres délits. N. N. Pokrovskij, « Zakonodatel'nye… », op. cit., pp. 81-85.

42. G. G. Tal'Berg, op. cit., pp. 63, 67 ; E. N. Eleonskaja, « Zagovor i koldovstvo na Rusi v XVII i XVIII stoletii » (Conjuration et sorcellerie dans la Russie des 17e et 18e siècles), écrit en 1912, réédité dans Skazka…, op. cit., p. 112; N. N. Pokrovskij, «Zakonodatel'nye…», op. cit., p. 82.

43. Obereg est une incantation destinée avant tout à protéger contre les formules magiques de mauvaise augure et autres dangers. Les rebelles affirment que les incantations magiques les protègent (beregut) contre les armes ; L. S. Šeptaev, « Rannie predanija i legendy o Razine » (Les premiers récits et légendes sur Razine), Slavjanskij fol'klor i istoričeskaja dejstvitel'nost’ (Le folklore slave et la réalité historique), Moscou, 1965, pp. 97-98.

44. Ivanov, V. V., Toporov, V. N., « O jazyke drevnego slavjanskogo prava » (A propos de la langue du droit slave ancien), Slavjanskoe jazykoznanie. VIII meždunarodnyj s“ezd slavistov, doklady sovetskoj delegacii (La linguistique slave. Les communications soviétiques au VIIIe congrès international des slavisants), Moscou, 1978, pp. 229230 Google Scholar. Les auteurs donnent un exemple de l'Uloženie pour les mots ayant la même racine (du type : tem že sudóm sudít’). Cet agencement de mots est courant dans l'Uloženie, y compris dans l'article 1 du chapitre 2 ainsi que dans les accusations : André Bezobrazov « vymysly vymyslil, vorovskim svoim vymys-lom… », A. N. Truvorov, op. cit., p. 702.

45. Haruzin, N., Iz materialov sobrannyh sredi krest'jan Pudožskogo uezda, Oleneckoj gubemii (Sources collectées parmi les paysans du district de Poudojsk, gouvernement d'Olo-nets), Moscou, 1889, p. 12 Google Scholar, note Poznanskij, N., Zagovory. Opyt issledovanija i proishoždenija zagovornyh formul (Les conjurations. Recherches sur l'origine et l'évolution des formules incantatoires), Moscou, 1995 (reprint de la lre éd., Petrograd, 1917), p. 94 Google Scholar. Toporov, V. a étudié le terme vàcas (Rig Veda), « incantation », « parole »…, dans « O drevneindijskoj zagovornoj tradicii » (Sur la tradition des conjurations dans l'Inde ancienne), Malye formy fol'klora (Les formes mineures du folklore), Moscou, 1995, p. 46 Google Scholar. E . Benveniste a signalé que le slave baju, bajati « raconter, prononcer des charmes » (derrière lesquels il y a le latin for [parler], l'arménien bay [parler] répondant au grec phâtis [mot], etc.) devient baliji « médecin, sorcier » qui a « à sa disposition ce pouvoir inspiré de parole, d'incantation », op. cit., t. 2, pp. 136-139.

46. Pour G. G. Lukjanov, l'Uloženie reflète peut-être le regard populaire sur la sorcellerie (ce qui en fait signifierait l'existence d'un regard général, C.-S. L), « Iz istorii russkogo kol-dovstva v XVII v » (De l'histoire de la sorcellerie russe au 17e siècle), Vestnik Harkovskogo Istoriko-filologičeskogo Obščestva (Le messager de la Société de philologie et d'histoire Kharkov), vol. IV, Kharkov, 1913, p. 70. Le recours aux conjurations était généralisé dans la société russe, voir E. N. Eleonskaja, op. cit., pp. 103, 106. Le clergé, du simple prêtre au patriarche, croyait dans la magie, Gal'Kovskij, N . M., Bor'ba hristianstva s ostatkami jazyčestva v Drevnej Rusi (Le combat du christianisme contre les vestiges du paganisme dans la Russie ancienne), t. 1, Kharkov, 1916, pp. 216246 Google Scholar. Le comportement des monarques des 16e-17e siècles s'insère dans ce système de croyances. Voir Solov'ev, S. M., Istorija Rossii s drevneiših vremen (Histoire de la Russie depuis les temps anciens), Moscou, 1961, t. IV, pp. 578 Google Scholar, 352-353, 394, 311, 463 ; Smirnov, S., « Baby bogomerzkija » (Les femmes impures), Sbornik stat'ej posvjaščennyh V. O. Kljuéevskomu (Recueil d'articles en l'honneur de V. O. Klioutčhevski), Moscou, 1909, pp. 233 Google Scholar, 238 ; Inoe Skazanie (L'Autre Dit), dans Russkaja Istoričeskaja Biblioteka (Bibliothèque historique russe), t. XIII, 2e éd., Saint-Pétersbourg, 1909, p. 10 ; Ustrjalov, N., Skazanija sovremennikov o Dimitrii samozvance (Les récits des contemporains sur Dimitri Tauto-nommé), 1re p., Saint-Pétersbourg, 1831, p. 141.Google Scholar

47. La posture dans laquelle Razine fut obligé de rester pendant son transfert à Moscou pour l'exécution est identique à celle d'un sorcier représenté dans un loubok connu du 17e siècle. Šeptaev, L. S., « Skazy o Stepane Razine XIX veka » (Les récits sur Stéphane Razine au 19e siècle), Učenye zapiski, t. 275, Institut pédagogique de Leningrad, 1966, p. 319 Google Scholar. Les loubok sont des peintures populaires très diffusées.

48. Krest'janskaja, t. I, doc. n° 106. Ce motif est présent dans les chansons, Russkie isto-ričeskie pesni (Chansons historiques russes), Moscou, 1985, p. 120. Voir Zabylin, M., Russkij narod, ego obyčai, obrjady, predanija, sueverija i poezija (Le peuple russe, ses coutumes, rites, traditions, superstitions et poésie), Moscou, 1990 (reprint de l'édition de 1880), p. 440 Google Scholar ; T. A. Martem'Janov, « Iz predanij o Stenke Razine » (Les récits oraux sur Razine), Istorices-kij vestnik, op. cit., septembre 1907, et les travaux de Šeptaev, L. S. sur Razine et le folklore, en particulier « Rannye predanija i legendy o Razine » (Les premières légendes et récits oraux sur Razine), Slavjanskij fol'klor (Le folklore slave), Moscou, 1965 Google Scholar, où il estime que si Razine après sa capture fut maintenu enchaîné dans le narthex extérieur de l'église épiscopale de Staroéer-kasskij, c'est parce que sa puissance sorcière y était neutralisée par la force divine (p. 87). Les formules protégeant ceux qui les prononçaient des armes ennemies étaient distribuées parmi les rebelles, Krest'janskaja, t. II, lre p., doc. n° 285.

49. Buganov, V. I., « Doprosy plennyh razincev » (Les interrogatoires des insurgés), dans Obščestvennoe soznanie, knižnosf, literatura perioda feodalizma (La conscience sociale, la culture du livre et la littérature de la période féodale), Novosibirsk, 1990, p. 24 Google Scholar. A la magie des mots s'ajoute celle de l'action, fondée sur l'analogie qui autorise la ressemblance à devenir identité : en prison, Razine dessine sur le sol une barque, verse de l'eau autour, s'y asseoit, prononce les paroles nécessaires et s'éloigne en navigant. Selon une chanson, Stenka peut deviner (vol-hoval qui signifie aussi ensorceler) quel est le sort de ses hommes emprisonnés, Russkie istoričeskie pesni (Les chansons historiques russes), op. cit., pp. 122-123.

50. Krest'janskaja, t. II, 1re p., doc. n° 110, 293 et p. 572.

51. Le terme est employé à propos de Satan dans Apoc. XX, 3, 10, des faux prophètes dans Matth., XXIV, 4, 5, 11, des sorciers dans un oukase du tsar Alexéï Mikhailovitch (ici, comme dans les exemples qui suivent je donne une traduction littérale) : « […] séducteurs de sexe masculin et féminin dans les villes […] avec magie et sortilèges et qui séduisent par leur sorcellerie […] séduction diabolique », cité par Kotkov, S. I., Lingvističeskoe istočnikovedenie i istorija russkogo jazyka (L'étude linguistique des sources et l'histoire de la langue russe), Moscou, 1980, pp. 108109.Google Scholar

52. Krest'janskaja, t. II, 1re p., doc. n° 93. On retrouve dans cette citation la proximité identifiée par Toporov et Ivanov entre les chartes du tsar et le folklore, voir aussi t. II, lre p., doc. n° 107, 380.

53. T. A. Martem'Janov, op. cit., p. 851.

54. Louis Quéré, « Événement et temps de l'histoire. Sémantique et herméneutique chez R. Koselleck », Raisons pratiques, n° 2, 1991, pp. 269, 270.

55. Sources publiées par N. Novombergskij, Slovo…, op. cit., t. 1, doc. n° 18, 43, 79, 135.

56. Lors d'une soirée en 1620, l'un des princes Schakhovskoy appelle « tsar » son frère, ils furent condamnés à mort, puis graciés, emprisonnés et finalement pardonnés. En 1666, pendant le Grand Carême, des paysans de Tver déguisent deux des leurs en tsar, les couronnant avec un entonnoir, tandis que des brancards imitaient le trône ; les deux « tsars » eurent deux doigts de la main droite coupés, leurs compagnons reçurent le fouet et tous furent envoyés avec leurs familles en Sibérie. Polosin, I., « Igra v carja » (Jouer au tsar), Izvestija Tverskogo Pedagogičes-kogo Instituta (Bulletin de l'Institut pédagogique de Tver), fasc. 1, Tver 1926, pp. 5963.Google Scholar

57. Rappelons la remarque comparatiste très précise d'Alain Boureau : « l'extension (au corps du roi anglais du crime de lèse-majesté) rapprocherait la monarchie anglaise du despotisme sacré des tsars russes si elle ne se heurtait constamment à une résistance légale des Communes et des tribunaux », Le simple corps du roi, Paris, Éditions de Paris, 1988, p. 58.

58. Val'Denberg, V., « Nastavlenie pisatelja VIv. Agapita v russkoj pis'mennosti » (Les Préceptes d'Agapet dans les textes russes), Vizantijskij vremennik (Chronographe byzantin), t. XXIV, Leningrad, 1926 ,1Google Scholar. Ševčenko, « A Neglected Byzantine Source of Muscovite Political Ideology », Harvard Slavic Studies, 1954, vol. 2.

59. « Plot'skim' suščestvom raven' est' vsem éelovekom césar', vlast'ju že sanovnoju podo-ben' est'. Bogu vyšnemu ne imat’ bo na zemli vyš'šago sebe i dostojno… », Semenov, V., Drevn-jaja russkaja pčela, in Sbornik Otdelenija russkogo jazyka i slovesnosti imperatorskoj akademii nauk (Recueil de la Pčela, dans Recueil de la Section de langue et de littérature de l'Académie impériale des sciences), Saint-Pétersbourg, 1893, t. LIV, 4, p. 111 Google Scholar. Dans une traduction datant d'avant 1076, on lisait « nature corporelle (estestvom ubo telesnym) » de l'empereur. Il existe une discussion sur l'origine de cette traduction, voir Ševčenko, I., « Agapetus East and West : The Fate of a Byzantine « Mirror of Princes « », Revue des Études sud-est européennes rest, 1978, t. XVI, n° 1, pp. 3-44Google Scholar, D'Jacok, M. T., « O meste i vremeni pervogo slavjanskogo perevoda « Nastavlenija » Agapita » (A propos du lieu et de la date de la première traduction slave des Préceptes d'Agapet), Pamjatniki literatury i obScestvennoj mysli epohi feodalizma (Monuments de la littérature et de la pensée sociale à l'époque féodale), Novosibirsk, 1985, pp. 5-13Google Scholar. Dans Ylzbornik de 1076 qui reprend un certain nombre de passages de cette traduction, le chapitre 21 ne figure pas.

60. I. Ševčenko, « A Neglected Byzantine… », op. cit., p. 142.

61. « Car' ubo estestvom podoben est' vsem čelovekom, a vlastiju že podoben est' vyšnjamu bogu », Poslanija losifa Volockogo (Épîtres de Joseph de Volok), Moscou-Leningrad, 1959, p. 184.

62. I. Ševcenko, « A Neglected Byzantine… », op. cit., p. 162.

63. « Ašce i čelovek car' be po po estestvu, vlastiju dostoinstva privleéen est' bogu, ize nado vsemi, ne imat'bo na zemli vysočajšñti sebe », I. Timofeev, op. cit., p. 107.

64. V. Semenov, op. cit., p. 111. Je remercie Catherine Darbo-Peschanski pour son aide dans la lecture des textes grecs. Le corps du tsarévitch Dimitri, exhumé plusieurs années après son décès, était toujours « non corrompu (netlennyj) » ce qui devait prouver sa sainteté, I. Timofeev, op. cit., pp. 31, 50 ; pour l'opposition royaume céleste — royaume tlennoe, p. 22 et dans le sens matériel et corporel, p. 44.

65. B. Ouspenski, « Tsar et imposteur… », op. cit., pp. 332-333.

66. Voir les exemples cités par Uspenskij, B. et Živov, , « Car’ i Bog » (Le tsar et dieu), Jazyki kul'tury i problemy perevodimosti (La langue de la culture et les problèmes de traductibi-lité), Moscou, 1987, p. 51.Google Scholar

67. I. Timofeev justifie le choix de son contemporain, le premier Romanov et père d'Alexéï Mikhaïlovitch, qui n'était pas lui-même fils de tsar, op. cit., pp. 11, 14, 16-17, 33, 88.

68. Gosudar'skaja / oe : la forme adjectivale confère à l'attribut plus de densité que la forme substantive (par exemple : la santé du tsar).

69. B. Uspenskij et V. Živov, « Car’ i Bog », op. cit., pp. 73-74.

70. Id., pp. 49, 59-60. Souligné par nous.

71. Guidieri, R., La route des morts, Paris, Éditions du Seuil, 1980, p. 403 Google Scholar.

72. A quels besoins répond une croyance ? La question est posée en ces termes par Brown, P., La société et le sacré dans l'Antiquité tardive, trad. par A. Rousselle, Paris, Éditions du Seuil, 1985, pp. 250259.Google Scholar

73. Le faux Siméon était Ivan Vorobiev. Encore enfant, il avait failli être assassiné par les boïars, mais un autre garçon fut tué à sa place. Il invoquait les « marques de naissance pourpres » qu'il avait sur son corps : la couronne de tsar et l'aigle à deux têtes.

74. Krest'janskaja, t. 11, 1re p., doc. n° 119, 171, 277, 327 ; t. III, doc. n° 81, 318.

75. Ibid., t. II, 1re p., doc. n° 63, 83, 92, 121, 124 ; t. II, p., doc. n° 127, 143.

76. Ibid., t. II, lre p., doc. n° 124.

77. Ibid., t. II, 1re p., doc. n° 78, 207, 2e p., doc. n° 60.

78. Ibid., t. I, doc. n° 110, 112, 171.

79. Ibid., t. II, 1re p., doc. n° 277 ; E. I. Zaozerskaja, « Vosstanie Stepana Razina » (L'insurrection de Stéphane Razine), Krest'janskie vojny v Rossii…, op. cit., p. 185.

80. Revel, Jacques, « Micro-analyse et construction du social », Jeux d'échelles. La microanalyse à l'expérience, sous la direction de Revel, J., Paris, Gallimard-Seuil, « Hautes études », 1996, pp. 2526 Google Scholar. Pour l'articulation entre pluralité de contextes et échelles d'observation voir le même texte et Levi, G., « On Micro-History », dans Burke, P. éd., New Perspectives on Historical Writing, Oxford, Polity Press, 1991.Google Scholar

81. Le mot figure dans la supplique adressée à Alexéï Mikhaïlovitch le 2 juin 1648, publiée dans Gorodskie vosstanija v moskovskom gosudarstve XVII v. (Les insurrections urbaines dans la Moscovie du xvne siècle. Recueil de documents) éd. par K. V. Bazilevic, Moscou-Leningrad, 1936, p. 46.

82. Kivelson, V. A., « The Devil Stole his Mind : The Tsar and the 1648 Moscow Uprising », American Historical Review, juin 1993.CrossRefGoogle Scholar

83. Vosstanie 1662 g. v Moskve (L'insurrection de 1662 à Moscou. Recueil de documents), V. I. Buganov éd., Moscou, 1964 ; Buganov, V. I., Moskovskoe vosstanie 1662 g. (L'insurrection moscovite de 1662), Moscou, 1964.Google Scholar

84. Pour les significations de ce mot dans les textes juridiques de la Russie ancienne, voir V. V. Ivanov, V. N. Toporov, « O jazyke drevnego slavjanskogo prava », op. cit., pp. 232-235.

85. Pokrovskij, N. N., Tomsk, 1648-1649, Novosibirsk, 1989, pp. 325326.Google Scholar

86. « Kak de mir golknet, tak de i car' umolknet » ; « Kak mir vosstanet, tak i car' užasnet », Šerstoboev, V. N., Ilimskaja pašnja (Les champs labourés d'Ilim), t. I, Irkoutsk, 1949, p. 223.Google Scholar

87. Dodier, N., « Agir dans plusieurs mondes », dans Critique, juin-juillet 1191, t. XLVII, n° 529-530, pp. 427458.Google Scholar

88. L. Boltanski et L. Thévenot, op. cit., passim.

89. Pour champ d'expérience et horizon d'attente, voir R. Koselleck, op. cit., chap. 5.

90. Osmnadcatyj vek. Istoričeskij sbornik (Recueil historique. Dix-huitième siècle), P. Bartenev éd., Moscou, 1869, t. III, p. 232.

91. « Ni des tsars ni des boïars, je ne suis né / De Stenka Razine, le fils, je suis ». Ces chansons du 18e siècle furent répertoriées au 19e siècle. L. S. Šeptaev, « Pesennyj razinskij cikl i istoriées-kie pesni XVIII veka » (Le cycle poétique consacré à Razine et les chansons historiques du 18e siècle), Uienye zapiski (Bulletin scientifique), t. 321, Institut pédagogique de Leningrad, 1967, pp. 13, 22.

92. Nijakij, V. V., Nžegorodskaja gubernja (Le gouvernement de Nijni Novgorod), Gorki, 1981, p. 98 Google Scholar. L'idée d'élire le tsar n'était pas nécessairement nouvelle, mais elle acquiert une actualité particulière du fait des élections à la Douma. Chef du canton (staršina volostnoj), fonction créée en 1861, son occupant était élu par l'assemblée du canton pour trois ans.

93. Voir note 1. Il resterait par ailleurs à examiner, mais ce n'est pas le propos de ce texte, à quel compromis on parvient, au début du 20 e siècle, en articulant l'action au concept gosudar’ et en transférant à la dimension étatique l'expérience du pouvoir local.

94. K. V. Čistov, op. cit., p. 84, voit dans ce serment « une action ouvertement anti-tsariste ».

95. Krest'janskaja, t. II, lre p., doc. n° 124.

96. Alexéï est appelé par les insurgés gosudar', Krest'janskaja t. II, lre p., doc. n° 124.

97. Jassak signifie aussi cri de guerre ou de ralliement, appel. Ibid., doc. n° 83, 124.

98. VI. Dal, op. cit col. 1407.

99. Cité par K. V. Čistov, op. cit., p. 87, n. 177.

100. C'est en ces termes que G. Levi, op. cit., tire l'enseignement de sa propre expérience.

101. L'expression est d'Alain Boureau, op. cit., p. 6.

102. R. Koselleck, op. cit., p. 194.

103. « […] l'événement est ce qui fait que la suite des transformations rend la situation terminale autre que la situation initiale. L'événement marque l'écart qui fait le sens autre », P. Ricoeur, « Evénement et sens », Raisons pratiques, 2, 1991, p. 50.

104. L. S. Šeptaev, « Skazy o Stepane Razine XIX veka », op. cit., pp. 299-300.