Neuf lacs naturels du Massif de Néouvielle (Hautes-Pyrénées), étages entre 2 100 m et 2 325 m d'altitude, sont décrits et les résultats de mesures physiques et chimiques, effectuées durant quatre années consécutives, sont donnés dans ce travail.
Dans le vallon d'Estibère, quatre lacs (1,1 à 2,4 hectares - 3,2 à 5 m de profondeur) s'échelonnent de 70 en 70 m d'altitude. Ils constituent un remarquable exemple de l'évolution des ceintures végétales et du comblement des cuvettes par formation de tourbières. Quatre petits lacs du Vallon de Port-Bielh ont également été étudiés. Beaucoup plus important, le lac de Port-Bielh (16,5 hectares - 19 m de profondeur) a fait l'objet d'une étude plus suivie.
Selon leur altitude ,ces lacs sont gelés 6 à 7 mois par an. Par leurs caractéristiques morphométriques et physico-chimiques, le lac de Port-Bielh et le lac Inférieur d'Estibère se différencient des 7 autres lacs.
Le lac de Port-Bielh
Son régime thermique (fig. 8) permet de le classer dans les lacs de type dimictique subpolaire. La stabilité thermique maximum se situe à la mi-juillet (106 à 128 g-cm.cm2) ; elle décroit ensuite progressivement et devient nulle début septembre. L'apport estival de chaleur (7 186 à 8 842 cal.cm-2) représente 43 % seulement du budget calorifique annuel évalué à 17 500 cal. cm-2 pour 1968/69.
La transparence est élevée et la profondeur de visibilité du disque de Secchi est de 13,5 m en moyenne.
En été, l'eau faiblement minéralisée, a une conductivité électrique à 18° C de l'ordre de 23 mhos. La conductivité augmente nettement en profondeur pendant l'hiver où elle peut atteindre 57 mhos (fig. 11). Les bicarbonates représentent 73 % à 93 % des sels totaux. La concentration en ions Ca++(3,5 à 4,4 mg/l) et Mg++ (0,25 à 0,75 mg/l) augmente légèrement au niveau de la vase en hiver. Le fer est à l'état de traces pendant l'été ; il atteint des teneurs de 1,5 mg/l au fond du lac en hiver.
Le pH (fig. 13), toujours basique, présente d'importantes variations (7,25 à 9,52). Il augmente progressivement au cours de l'été surtout au delà de 10 m de profondeur où les valeurs sont généralement supérieures à pH 9 en août. Cette alcalinisation est la conséquence d'une diminution de la quantité de CO2 libre qui devient pratiquement nulle en été. La quasi totalité du CO2 total se présente alors sous forme de bicarbonates (fig. 14).
Une forte concentration en oxygène dissous (fig. 15 ; 120 à 135 % des teneurs à la saturation) correspond aux valeurs élevées du pH en août. La circulation automnale ramène ces teneurs à une valeur proche de la saturation. Sous la glace, la consommation d'O2 peut être évaluée à 0,01 mg/l/jour et la quantité d'oxygène dissous devient pratiquement nulle dans le fond du lac au mois de mars. La brève isothermie de printemps ne parvient pas à combler le déficit de l'hiver et les quantités d'O2 n'atteignent les teneurs de saturation que vers la mi-juillet.
Les phosphates, les nitrates et la silice sont présents à de faibles quantités dans les eaux du Port-Bielh (Tableau VI). Un appauvrissement en silice dans la zone profonde en août correspond aux sursaturations en O2 et au développement d'une diatomée planctonique.
Le lac Inférieur d'Estibère
Malgré sa faible profondeur (5 m), le lac Inférieur d'Estibère présente deux périodes de stratification thermique (fig. 18) . Les eaux de surface atteignent des températures supérieures à 16° C pendant l'été. La température des eaux du fond reste à 6° C par suite d'une alimentation par sources froides circulant sous la tourbière en bordure du lac. On peut donc le considérer comme un lac dimictique.
A cette stratification thermique se superpose une stratification chimique. L'alcalinité à 4 m est de 64 % supérieure à celle de surface. 80 % à 90 % des valeurs de la conductivité électrique sont dus aux bicarbonates.
Malgré la proximité d'une tourbière acide, le pH d'été varie entre 7,7 et 8,3 en surface alors que le pH du fond est plus alcalin de 0,5 à 0,7 unités pH. Les concentrations en oxygène dissous (fig. 18) correspondent aux valeurs du pH et on constate des sursaturations de 102 % à 127 % au-delà de 2 m de profondeur ainsi qu'une diminution de la quantité de CO2 libre.
Les teneurs moyennes en nitrates, silice et phosphates sont comparables à celles des sept autres petits lacs (Tableau VI).
Les 7 autres lacs
Ces lacs, peu profonds (5 m) et de faible superficie, sont homothermes. La température des lacs les plus bas (L. d'Anglade et Gourg Nère Inf. II) reste le plus souvent supérieure à 15° C pendant l'été, celle des lacs les plus élevés de la série (Gourguet et L. Supérieur) ne dépassent qu'exceptionnellement cette température.
Leur minéralisation présente de légères différences. Cependant, on note pour tous, au cours de l'été, une augmentation de la conductivité (Tableau II) de 50 à 100 % qui traduit une hausse de l'alcalinité (fig. 12, les bicarbonates représentant 80 % à 90 % des sels dissous.
Les valeurs moyennes du pH (Tableau IV) varient de 7,7 à 8,7 et sont maximales en août. En été les concentrations en O2 (Tableau V) sont rarement inférieures à 75 % et exceptionnellement supérieures à 110 % des teneurs à la saturation. En hiver, les phénomènes physiques consécutifs à la formation de la glace parviennent à maintenir de bonnes conditions d'oxygénation dans toute la masse d'eau (61 % près du fond au Gourg Nère Inf. II, le 7 mars 1969 sous 150 cm de glace + neige).
Les teneurs en nitrates, silice et phosphates sont faibles (Tableau VI) et leurs fluctuations au cours de l'été ne permettent pas d'y reconnaître une évolution nette.