Les prisons françaises accueillent, chaque année plus nombreux, des individus relevant davantage d’une hospitalisation que d’une incarcération : 3 à 4 % des détenus souffriraient de schizophrénie, soit une prévalence 3 à 4 fois supérieure à celle observée dans la population générale. La création des UHSA lève les derniers scrupules : la qualité des soins psychiatriques en détention autorise en toute bonne conscience la condamnation d’un malade mental. Les fous criminels ne sont désormais plus protégés par « le malheur de leur état ». La pénalisation de la folie répond parfois à des considérations politiques : l’opinion publique, particulièrement les familles de victimes, considérant l’irresponsabilité pénale comme une forme d’indulgence, voire d’impunité. Mais les pressions politiques ne sont pas seules en cause : les préconisations des experts sont parfois empreintes d’a priori idéologiques : certains répugnent à reconnaître « l’abolition du discernement » (article 122-1 du nouveau Code pénal). Ils considèrent en effet que le procès de Cour d’assises n’est pas dénué de vertus thérapeutiques, tant pour les victimes que pour les criminels. L’expert psychiatre se comporte ainsi comme s’il était investi d’une mission de rédemption (du criminel) et de protection (de la société). Ce faisant, il espère que l’existence du trouble mental aboutira à une sanction modérée, voire clémente. Il n’en est rien et la peine peut même s’en trouver alourdie, tant l’imprévisibilité de la récidive du fou criminel suscite d’inquiétude. Le fait que chacun semble s’accommoder de cette situation ne doit pas en faire perdre de vue les enjeux médico-légaux. Le recours plus rigoureux et systématique aux critères diagnostiques en vigueur devrait permettre une meilleure concordance diagnostique entre experts. Une affaire récente particulièrement médiatisée, celle de Stéphane Moitoiret, meurtrier du « petit Valentin », dans laquelle une querelle d’experts a occupé une place importante, viendra illustrer la problématique.