Les stratégies de pêche, développées par les capitaines des thoniers senneurs vénézuéliens dans la mer des Caraïbes, reposent sur la recherche d'indices visuels indiquant la présence de thons à la surface de l'océan. Une fois que la détection est réalisée, le senneur peut choisir la tactique qui consiste à demander l'aide d'un thonier canneur (pêche à l'appât vivant) afin d'augmenter le taux de réussite d'un coup de senne. Pour prendre en compte la variabilité de différents facteurs, comme la saison, les indices de détection associés aux bancs, l'aide du thonier canneur, les espèces de thons et le poids moyen des poissons présents dans le banc, les probabilités de réalisation de certains événements sont estimées à l'aide de la modélisation Logit, issue de modèles Log-linéaires. Les probabilités de capturer des bancs de gros individus sont maximales lorsque l'albacore est l'espèce dominante et que la pêche a lieu sur banc libre ou sur requin-baleine; cet effet est d'autant plus marqué en saison sèche.En revanche, si le listao est l'espèce dominante, la probabilité de capturer des gros individus est faible, en particulier lorsque la pêche est réalisée sur des baleines. Les résultats de cette modélisation sont intégrés dans un arbre de décision. Si on retient le critère de l'espérance mathématique des gains potentiels, l'aide du thonier canneur ne semble pas être la meilleure des tactiques possibles. Pourtant son impact est positif sur le taux de réussite d'un coup de senne, puisque le pourcentage de calées positives passe de 58 % sans aide à 85 % avec aide. L'efficacité de cette aide dépend du type d'association rencontré. Elle augmente lorsqu'il s'agit de bancs libres ou en association avec des baleines, mais diminue lorsque le banc est associé à un requin-baleine.Une simulation par la méthode de Monte Carlo montre que, malgré l'absence de cette aide, quelques gains importants peuvent être réalisés lorsque l'objet flottant associé est une baleine. En conséquence, le choix tactique qui consiste à demander l'aide d'un thonier canneur et qui est plus fréquent chez les petits et moyens scnncurs que chez les grandes unités, pourrait traduire une attitude de prudence face au risque, sans écarter certaines contraintes physiques de ces senneurs comme leur vitesse. Si on la compare avec d'autres zones de pêche thonière, la mer des Caraïbes se caractérise par une forte proportion de coups de senne faites sur requins-baleines (37 % des coups) et sur baleines (24 %). En contrepartie, le nombre de coups de senne faits sur des épaves flottantes est trèss faible. Ceci pourrait être lié à la nature des courants marins qui entraîneraient ces épaves en dehors de la zone de pêche des senneurs vénézuéliens. La similitude des comportements adoptés face au risque, dans des milicux très différents comme la pêche et l'agriculture, est discutée brièvement.