C'est un truisme que de dire que la grammaire descriptive traditionelle repose sur des notions vagues et floues. L'absence de concepts dignes de ce nom fait que ce type de grammaire (le plus répandu encore aujourd'hui hélas!) ne peut décrire que ce que l'on voit -- à savoir l'énoncé linéaire de surface (c'est ce que Chomsky appelle “le niveau observationnel”). C'est ainsi par exemple que le sujet grammatical d'un énoncé, à cause de la place privilégiée qu'il occupe dans la chaîne linéaire, se voit attribuer implicitement ou explicitement, le rôle de locomotive de la phrase (“c'est le sujet qui fait l'action”). Mais le sujet grammatical n'est pas seul à ne pas avoir de statut précis dans la grammaire scolaire. Si on regarde du côté du verbe, on constate que ce dernier reçoit des labels tels que “dynamique” ou “statique” selon qu'il exprime “une action” ou “un état.” Il est permis de se demander ce que des labels de ce genr- peuvent bien apporter à la compréhension des phénomènes GRAMMATICAUX étant donné qu'ils renvoient purement et simplement à l'extralinguistique! Toujours en relation avec le verbe, la grammaire scolaire de l'anglais parle “D'ACTION EN COURS” lorsqu'on se trouve en présence de la forme dite “progressive” (BE + ING). Implicitement une action en cours renvoie à un acteur, à un agent responsable: nous retrouvons ici la “locomotive de la phrase” et la croyance naïve, toujours implicite, que la grammaire d'une langue colle à la réalité extralinguistique, qu'elle en est le calque fidèle et qu'en conséquence le seul problème pour une grammaire est d'établir ce type de correspondance biunivoque entre discours et réalité, entre les mots et les choses. On retrouve le slogan “c'est le sujet qui fait l'action” jusque dans la façon dont sont traités et définis les verbes dits “défectifs,” à propos desquels on dira qu'ils ne prennent pas d's a la troisième personne du singulier -- ce qui trahit une conception linéaire de l'énoncé -- et aussi, ajoutons-le, un manque total d'ouverture sur le problème de la structuration des énoncés.