La question de la civilisation est une question à la mode, et ceci est même trop peu dire: c'est peut-être la question qui domine la pensée contemporaine, et dans tous les domaines.
Cependant la question n'est pas fort ancienne. Nous y sommes habitués, parce qu'elle est plus ancienne que notre vie personnelle; mais, du point de vue historique, un siècle ou deux, ce n'est pas long. Or c'est au XVIIIe siècle qu'on a commencé à parler de civilisation, et c'est au XIXe siècle que l'idée a commencé à prendre une grande place dans les préoccupations. Comme il arrive le plus souvent, on s'en est surtout occupé quand on a été inquiet. Ceux qui parlent le plus de la civilisation sont ceux qui ont peur qu'elle s'écroule, ou encore ceux qui ne sont pas sûrs de ce qu'elle comporte. Exception faite de quelques esprits avancés, tant que l'Europe a été sûre d'elle-même, qu'elle a dominé le monde sans conteste, elle s'est paisiblement identifiée à la civilisation et on n'a guère discuté. Mais, dès le début du XXe siècle, on commence à parler du déclin de la race blanche, du péril jaune, et, alors, naissent les controverses qui ne cessent de s'étendre et de se diversifier. Aujourd'hui on s'en occupe beaucoup, parce qu'on n'est plus sûr de rien.