Le présent travail comporte une critique de la méthodologie employée pour définir une typologie des schizophrènes et une étude empirique de la distinction entre forme productive et forme déficitaire.
Après avoir souligné que les études factorielles visant l’identification de deux types de schizophrènes reposaient sur des choix méthodologiques discutables: recherche de corrélations entre variables, alors qu’il s’agit de découvrir des corrélations entre sujets; préférence pour des relations symétriques, alors que les liaisons sont probablement d’ordre asymétrique, les auteurs présentent deux études empiriques.
La première réalisée sur un échantillon de 99 schizophrènes s’appuie sur la factorisation des estimations de la symptomatologie (BPRS* á 42 items) à l’aide de la méthode factorielle en plan Q et d’une analyse des correspondances. La seconde a porté sur un sous-échantillon de 52 schizophrènes à l’aide d’une nouvelle méthode d’analyse hiérarchique (HICLAS). Les résultats de ces analyses aboutissent aux conclusions suivantes. Les résultats des analyses factorielles montrent: • qu’il existe plus de deux formes de schizophrènie et qu’à l’intérieur des classes formées par les individus l’opposition déficitaire -productif est stable quelle que soit la métrique utilisée; • que cette opposition repose principalement, pour ce qui est de la forme déficitaire sur 3 symptômes: l’émoussement affectif, le retrait affectif et le ralentissement, et pour ce qui est de la forme productive sur l’humeur expansive, l’attitude manipulatoire, l’excitation, la dramatisation et la labilit émotionnelle; • que contrairement aux travaux antérieurs ni les hallucinations ni la désorganisation conceptuelle ne permettent d’établir la différence entre les deux groupes de malades sans doute parce qu’elles sont communes à tous les schizophrènes; • qu’il n’y a pas de correspondance entre les diagnostics cliniques et les formes décrites; et, • que les malades les plus déficitaires (situés aux extrêmités du pole factoriel) se différencient des malades productifs essentiellement par des variables liées au sexe (plus d’hommes que de femmes dans le premier cas), un statut marital de célibat plus fréquent, et des antécédents psychiatriques plus importants. Les résultats des analyses factorielles soulignent d’une part que les types mixtes sont plus fréquents que les types purs et, d’autre part qu’il suffit de moins de 10 symptômes pour réaliser une opposition satisfaisante entre forme productive et forme déficitaire (Tableau 3, figure 1).
Toutes ces conclusions sont valables aussi pour l’analyse hiérarchique. Mais de plus, cette méthode permet d’individualiser un groupe de malades “purs” dans la forme déficitaire seulement, groupe disjoint des autres individus sur la base d’un très petit nombre de symptômes. A côté de ces types purs figurent des types mixtes, qui possédent à la fois des symptômes déficitaires et des symptômes productifs suivant des combinaisons hiérarchiques précises, c’est-à-dire avec une dominance de l’une ou de l’autre forme. Il existe aussi des formes résiduelles dans lesquelles aucune hiérarchie ne peut être mise au jour (Tableau 4).
En conclusion on a insisté, outre les problèmes méthodologiques négligés dans les précédentes recherches, sur l’existence d’une dissymétrie entre la forme déficitaire et la forme productive, dans la mesure où c’est seulement la forme déficitaire qui présente une grande singularité et sur l’importance des symptômes liés à la vie affective et à son appauvrissement qui ont un pouvoir discriminatif plus élevé que les symptômes productifs.
*BPRS = Brief Psychiatric Rating Scale