En tête de sa thèse de doctorat sur la Sardaigne, M. Maurice Le Lannou rappelle qu'il avait naguère été orienté vers cette étude par Jules Sion. « Vous ne risquerez pas de vous ennuyer », lui disait cet admirable connaisseur du monde méditerranéen. Il serait difficile, en effet, d'imaginer, pour un jeune géographe, un sujet de recherches plus attrayant. Une île, mais, par tradition sociale plus encore que par la disposition naturelle de ses côtes, presque fermée à la mer, au point que, de nos jours, moins de 2 % de ses habitants sont inscrits maritimes ; une terre qui par son site et son climat éminemment méditerranéenne, demeure pourtant à peu près étrangère à cette vie urbaine dont, trop indissolublement peut-être, nous sommes habitués à associer l'image au nom même de Méditerranée ; un vieux pays de champs, de vergers et de pâtures, perpétuellement traversé par les conflits du paysan et du berger ; tout au long de son histoire, enfin; une des contrées de l'Europe dont le développement mérite le mieux d'être qualifié d'autochtone, puisque les dominations extérieures qui, depuis Carthage jusqu'aux Aragonais, s'y sont succédées en grand nombre, ne l'ont jamais véritablement pénétrée, que l'occupation romaine elle-même y fut toujours sans profondeur, que les invasions germaniques l'ont à peine effleurée : autant de traits originaux, parfois, en apparence du moins, presque paradoxaux, qui, d'avance, piquaient la curiosité et promettaient une belle moisson d'observations sans banalité, Ajoutez que la Sardaigne reste encore mal connue et sous son administration actuelle, ne se laisse pas volontiers connaître.