Hostname: page-component-586b7cd67f-g8jcs Total loading time: 0 Render date: 2024-11-23T22:42:37.811Z Has data issue: false hasContentIssue false

C'est ainsi que: grammaticalisation ou lexicalisation ou les deux à la fois ?

Published online by Cambridge University Press:  22 October 2015

KAREN LAHOUSSE*
Affiliation:
Université Catholique de Leuven
BÉATRICE LAMIROY
Affiliation:
Université Catholique de Leuven
*
Adresse pour correspondance: Department of Linguistics, Faculty of Arts, Blijde-Inkomststraat 21 – box 3308, 3000 Leuven, Belgique, e-mail: [email protected]
Rights & Permissions [Opens in a new window]

Résumé

Nous montrons dans cet article que les phrases introduites par c'est ainsi que correspondent à deux structures différentes: une vraie clivée avec l'adverbe de manière en focus et un connecteur à sens consécutif, récapitulatif ou illustratif. Nous décrivons le comportement syntaxique et sémantique de c'est ainsi que grâce à une analyse de corpus. Pour rendre compte des emplois connectifs de c'est ainsi que, nous plaidons pour une double hypothèse : d'une part la grammaticalisation, à la fois de l'adverbe ainsi et de la clivée, et d'autre part la lexicalisation de c'est ainsi que.

Type
Articles
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 2015 

0. INTRODUCTION

Cet article porte sur les clivées introduites par c'est ainsi que, comme dans (1) et (2). Ces structures ont été peu étudiées dans la littérature linguistique, si ce n'est dans une petite étude lumineuse de Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006) (suivie par d'autres travaux du GARS, voir section 1), et dans une remarque judicieuse de Herslund (Reference Herslund, Lambert and Nølke2005 : 133), à qui L'exemple (2c) est dû. A notre connaissance elles n'ont pas fait l'objet d'une analyse de corpus étendue.

  1. (1)
    1. a. Ils étaient meurtris mais vivants. Deux orphelins, deux survivants, s'épaulant mutuellement pour tracer un chemin de vie, c'est ainsi que se noua leur couple. (Flem 2006, Frantext)

    2. b. Théorèmes belges. On appelle ainsi les théorèmes de Dandelin et Quételet, deux illustres mathématiciens belges du 19e siècle. (Molinier Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013)

    3. b’. C'est ainsi que l'on appelle les théorèmes de Dandelin et Quételet.

  2. (2)
    1. a. La question s'adressant aux vantards, je ne peux y répondre. Pour moi, on reconnait la valeur d'une personne d'après ses actes et non d'après ses paroles. C'est ainsi que je n'apprécie guère les hommes politiques (Corpus De SmetFootnote 1 )

    2. b. “Vous voulez y aller ? Je vous nomme d'emblée”. Et c'est ainsi que j'ai quitté Montluçon pour Montgeron (Blanche-Benveniste Reference Blanche-Benveniste2006 : 276)

    3. c. Il se redressa dans la nuit en tremblant; il était à peine une heure et demie. Il avala trois Xanax. C'est ainsi que se termina sa première soirée de liberté (Houellebecq Reference Houellebecq1998 : 16, Les particules élémentaires, cité dans Herslund Reference Herslund, Lambert and Nølke2005 : 133)

Même si les phrases introduites par c'est ainsi que dans (1) et (2) ont la même forme, leur interprétation est différente : dans les exemples (1a–b’), ainsi garde son sens original ‘de cette manière’ (1a–b’), alors que dans les exemples (2), ainsi a un sens récapitulatif ou conclusif (Riegel et al. Reference Riegel2009 : 1056) ou consécutif (Blanche-Benveniste Reference Blanche-Benveniste2006). Ces deux interprétations de c'est ainsi que rappellent celles de ainsi employé seul, notées déjà par Molinier (Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013) (voir aussi Karssenberg Reference Karssenberg2013; Karssenberg et Lahousse Reference Lahousse and Borremans2014) : ainsi fonctionne, d'une part, comme adverbe anaphorique de manière du verbe (ex. Ainsi vivaient nos ancêtres, Molinier Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013 Footnote 2 ) ou comme attribut de l'objet (1b) et, d'autre part, comme adverbe de phrase récapitulatif qui porte sur toute la phrase (ex. Ainsi ces hommes vivaient dans le plus complet dénuement, Molinier Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013).

Nous sommes parties d'une double observation. Premièrement, l'apparition d’ainsi adverbe de phrase à l'intérieur d'une construction clivée du type c'est X qui/que . . . (2) est atypique, puisque la clivée en c'est . . . que est souvent considérée comme un test permettant de prouver le statut intra-prédicatif de l’élément entre c'est et que (voir entre autres Greenbaum Reference Greenbaum1969, Martin Reference Martin, Rohrer and Ruwet1974, Blanche-Benveniste et al. Reference Blanche-Benveniste, Deulofeu, Stéfanini and van den Eynde1984,Footnote 3 Nølke Reference Nølke1990). En effet, une propriété qui oppose les adverbes de phrase comme probablement aux adverbes se rapportant au verbe (comme les adverbes de manière) est d'être exclu dans la clivée (3). Comment donc expliquer que cela ne soit pas le cas dans les clivées comme (2), où ainsi fonctionne comme un adverbe de phrase et n'a clairement pas de statut intra-prédicatif ?

  1. (3)
    1. a. Probablement Paul rentrera ce soir.

    2. b. * C'est probablement que Paul rentrera ce soir.

Deuxièmement, la question de savoir comment c'est ainsi que a pu adopter la fonction de connecteur n'est pas triviale, puisque toute clivée contenant un adverbe anaphorique ne se prête pas à un tel emploi. En effet, si on compare ainsi à l'adverbe alors qui peut également fonctionner soit comme adverbe portant sur le verbe (4a) soit comme adverbe de phrase (4b), on observe bien que dans la clivée, alors maintient son sens strictement temporel (5):

  1. (4)
    1. a. La France était alors en guerre contre l'Allemagne.

    2. b. Il n'y avait plus de bus. Alors je suis venu à pied.

  2. (5)
    1. a. Je ne sentais plus que les cymbales du soleil sur mon front et, indistinctement, le glaive éclatant jailli du couteau toujours en face de moi. Cette épée brûlante rongeait mes cils et fouillait mes yeux douloureux. C'est alors que tout a vacillé. (Camus, L'étranger)

    2. b. C'est alors que la France était en guerre contre l'Allemagne. (comparer avec (4a))

    3. c. * Il n'y avait plus de bus. C'est alors que je suis venu à pied. (comparer avec (4b))

L'hypothèse que nous allons défendre ici est que l'emploi de c'est ainsi que connecteur est le résultat conjoint d'un double processus de grammaticalisation, non seulement de l'adverbe de manière ainsi mais également de la clivée,Footnote 4 et d'une lexicalisation de cette dernière structure.

Nous commençons par donner un bref aperçu des travaux antérieurs consacrés aux clivées en général et aux structures introduites par c'est ainsi que (section 1). Ensuite, nous proposons une analyse de corpus consacrée d'une part aux propriétés formelles de c'est ainsi que (section 2) et d'autre part à l'interprétation de la structure (section 3). Dans la section 4, nous développons notre hypothèse pour rendre compte des emplois connectifs de c'est ainsi que.

1. BREF APERÇU DES ETUDES ANTERIEURES

1.1. Les phrases clivées en général

Notre travail s'inscrit dans une large série de travaux depuis Jespersen (Reference Jespersen1927) sur les clivées en c'est (it-clefts dans la littérature anglo-saxonneFootnote 5 ), et dont il est impossible de donner un aperçu exhaustif ici (voir Lambrecht Reference Lambrecht1994/Reference Lambrecht2001 et Dufter Reference Dufter, Detges and Waltereit2008 pour une caractérisation détaillée). Les clivées sont des constructions de forme [c'est/ce sont – X – pronom relatif – phrase] où la phrase ‘pseudo-relative’Footnote 6 ne restreint pas la référence de l’élément X tel que le ferait une véritable relative restrictive, et qui expriment une prédication simple par une syntaxe binaire (ou ‘clivée’).Footnote 7

Plusieurs auteurs ont remarqué que ces types de phrases peuvent avoir deux (ou même trois, voir note 11) interprétations discursives (ou plutôt des structures de l'information) fondamentalement différentes. Les clivées prototypiques, et les mieux décrites, sont les clivées contrastives ou les clivées à focus étroit (6).

  1. (6) Tu as vu ma voiture? C'est mon frère qui a fait ça.

    (Katz Reference Katz2000: 264)

Dans (6), la pseudo-relative (qui a fait ça) fournit de l'information connue alors que l’élément clivé (mon frère) est présenté comme la nouvelle information (i.e. correspond au focus étroit, Lambrecht Reference Lambrecht1994). Ces clivées ont souvent une inférence de contraste, qui devient d'autant plus forte que le nombre de candidats alternatifs est restreint (Declerck Reference Declerck1988, Dik et al. Reference Dik and Dik1980).

Un deuxième type est celui des clivées anaphoriques non contrastives ou cohésives Footnote 8 :

  1. (7)
    1. a. En quarante-deux, les bombardements! Et c'est là que beaucoup de gens sont partis de Toulon.

      (Blanche-Benveniste Reference Blanche-Benveniste2006: 281)Footnote 9

    2. b. Le Cécom est le distributeur de cette vidéo. C'est à lui qu'il faut s'adresser pour se la procurer.

      (Doetjes et al. Reference Doetjes, Rebuschi, Rialland, Corblin and de Swart2004: 535)

Dans ces clivées, l’élément clivé est anaphoriquement lié au contexte antérieur, et c'est la pseudo-relative qui fournit de la nouvelle information.Footnote 10 / Footnote 11

1.2. Les clivées en c'est ainsi que

La clivée c'est ainsi que a été étudiée par Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006), Scappini (Reference Scappini2013), Sabio et Benzitoun (Reference Sabio and Benzitoun2013) et Roubaud et Sabio (Reference Roubaud and Sabio2015). Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006) distingue deux emplois: (i) le ‘clivage de ainsi avec effet de contraste’, où ainsi a une interprétation de manière signifiant de cette manière, de cette façon (1a–b’) et (ii) le ‘clivage de ainsi sans effet de contraste’, où ainsi est utilisé pour introduire une conséquence (exemple (2b)).Footnote 12 L'auteure distingue ces deux cas sur la base de l'interprétation uniquement et l'exemple (2b) est le seul exemple qu'elle fournit des clivées en c'est ainsi que.

Scappini (Reference Scappini2013), pour sa part, considère c'est ainsi que comme un cas comparable aux structures c'est pour ça que et c'est là que: les trois sont soit des clivées contrastives, soit des clivées non contrastives, qu'elle appelle ‘clivées à enchaînement’.Footnote 13 Scappini (Reference Scappini2013: 90–91) caractérise ces dernières par une série de propriétés, telles l'absence de contraste sur l’élément clivé (8b) et le fait que la clivée ne peut être ni négative (8c) ni interrogative (8d), ce qui montre que l’élément clivé n'est pas le focus de l'assertion.

  1. (8)
    1. a. Nous sommes restés trois semaines sans nous voir et c'est là qu’on s'est vu

    2. b. ? Nous sommes restés trois semaines sans nous voir et c'est là qu’on s'est vu pas à un autre moment

    3. c. ? Nous sommes restés trois semaines sans nous voir et ce n'est pas là qu’on s'est vu mais plus tard

    4. d. ? Nous sommes restés trois semaines sans nous voir est-ce que c'est là qu’on s'est vu ?

      (Scappini Reference Scappini2013: 90–91)

Scappini mentionne en outre que ces clivées n'ont pas d’équivalent en ‘dispositif direct’ (i.e. une phrase canonique non clivée) (9b), mais équivalent plutôt à une phrase avec un élément détaché à gauche (9c). Elle ne le dit pas, mais ceci confirme le statut topical (plutôt que focal) de l’élément clivé dans ces structures, dans la mesure où les éléments en position finale d'une phrase canonique sont interprétés comme faisant partie du focus (9b), alors que les éléments en position initiale d'une phrase canonique s'interprètent comme faisant partie du topique (9c).

  1. (9)
    1. a. c'est là qu’on devient le moins dangereux

    2. b. ? on devient le moins dangereux

      (Scappini Reference Scappini2013 : 90)

    3. c. , on devient le moins dangereux

Par ailleurs, le temps de c'est là que dans les clivées à effet d'enchaînement est figé: il est toujours au présent de l'indicatif (10), et l'inversion du sujet est possible (11) :

  1. (10) c'est là qu’on devient le moins dangereux (FTUPC,4,14)

    (Scappini Reference Scappini2013 : 91)

  2. (11) c'est là qu’est survenu à la mi-Juin un nouveau massacre

    (Scappini Reference Scappini2013 : 91)

Selon Sabio et Benzitoun (Reference Sabio and Benzitoun2013), qui reprennent les travaux de Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006) et de Scappini (Reference Scappini2013), dans les clivées non contrastives ‘l’élément clivé ne sature pas une place de rection’, ce qu'ils illustrent par une clivée en c'est ainsi que dont la pseudo-relative contient un autre complément de manière :

  1. (12) Les quelques images de Kim Jong-il distillées au compte-gouttes par les médias nord-coréens montrent d'ailleurs le nouveau « grand leader » toujours entouré de soldats. Et le régime s'applique constamment à montrer sa capacité de nuisance sur le plan régional, dans une Asie en crise. C'est ainsi que l'armée nord-coréenne a fêté à sa manière le couronnement officiel de son chef en tirant un missile qui a affolé ses voisins immédiats, et surtout le Japon. (écrit, Nouvel Obs., Sabio et Benzitoun Reference Sabio and Benzitoun2013 : 8)

Et enfin, ces clivées non contrastives n'accepteraient pas les adverbes paradigmatisantsFootnote 14 (13). Ceci confirme une fois de plus que l’élément clivé n'est pas focal.

  1. (13) * c'est seulement ainsi mesdames et messieurs les jurés que Leduc n'a point repris la rue de la République (Sabio et Benzitoun, Reference Sabio and Benzitoun2013: 8)

1.3. Conclusion

Les clivées en c'est ainsi que peuvent donc avoir deux emplois différents, qui se caractérisent par des propriétés différentes. Dans la section qui suit nous appliquerons les tests proposés dans la littérature à un corpus en français écrit formel et informel (voir aussi Kenens Reference Kenens2012), ce qui nous amènera à les détailler davantage et à les nuancer. Par ailleurs, comme les analyses existantes ne se basent pas sur un corpus, on ne connaît pas la fréquence des deux emplois. Il se pourrait aussi que la clivée non contrastive en c'est ainsi que ait encore d'autres interprétations à part la conséquence. Ces deux dernières questions sont traitées dans la section 3.

2. ANALYSE FORMELLE DU CORPUS

Dans cette section, nous présentons d'abord les corpus utilisés (2.1.) et donnons ensuite un aperçu général de nos données (2.2.). Le dernier paragraphe est consacré aux tests qui différencient les deux structures (2.3.).

2.1. Corpus utilisés

Dans cette étude, nous nous concentrons sur le français écrit formel et informel.Footnote 15 Pour le français écrit informel, nous avons eu recours au corpus contrastif compilé par H. De Smet (KU Leuven). Ce corpus contient des interactions enregistrées depuis 2006 sur un forum de discussion en ligne (http://answers.yahoo.com/), qui donne à l'internaute l'occasion de poster une question ou de répondre à celles posées par d'autres visiteurs. Le corpus consiste en différents sous-corpus, appartenant à plusieurs langues. Le sous-corpus français que nous avons utilisé représente 6,1 millions de mots (19.924 questions et 138.874 réponses) et contient des énoncés qui ont été produits spontanément.Footnote 16 Les textes contiennent beaucoup de fautes d'orthographe, que nous n'avons pas corrigées. Occasionnellement nous avons recouru à des exemples de l'Internet pour illustrer un test syntaxique (section 2.3.).Footnote 17

Pour le français écrit formel, nos données proviennent de Frantext.Footnote 18 Chaque exemple de Frantext est suivi du nom de l'auteur et de l'ouvrage et de la date de publication. Pour notre recherche, nous nous sommes limitées aux textes de Frantext qui ont été publiés à partir de 2006. Ce sous-corpus constitue un ensemble de 50 textes provenant de 47 auteurs, et représente 3.637.358 mots.

2.2. Aperçu général des résultats

Les deux corpus étudiés contiennent au total 150 occurrences de clivées introduites par c'est ainsi que; le tableau 1 donne un aperçu général de ces données.Footnote 19

Table 1

2.3. Propriétés formelles de c'est ainsi que

Les propriétés qui opposent les deux emplois de c'est ainsi que peuvent être ramenées à deux types : la fonction syntaxique de ainsi (3.2.1.) et le verbe de la clivée (3.2.2.).

2.3.1. La fonction syntaxique de ainsi

Comme cela a été remarqué par Sabio et Benzitoun (Reference Sabio and Benzitoun2013), les deux emplois de c'est ainsi que se distinguent par rapport à la distribution des compléments de manière verbaux.Footnote 20 Le fait que le verbe dans la relative puisse être spécifié par un autre complément de manière verbal que ainsi suggère en effet que ‘l’élément clivé ne sature pas une place de rection’. C'est ce qui se vérifie dans (14) : c'est ainsi que récapitule la situation plutôt que d'indiquer la manière dont le village fut vaincu. Il fonctionne donc comme un tout, comme un connecteur. Ou, autrement dit, ainsi n'a plus dans ce cas de fonction syntaxique propre en tant qu'adverbe de manière modifiant le verbe de la relative :

  1. (14) L'air de Fougilet, je l'ai dit, ne portait pas les sons. Pourtant, petit à petit, un ronron tranquille de moteurs parfaitement graissés monta jusqu'à nous. L'ennemi surgit au bas de la côte : cinquante ou soixante motocyclistes, une colonne lente s'avançant dans un ordre parfait comme pour la parade d'un 14 juillet qui n'avait rien de français. (. . .) L'ennemi, c'est quoi ? Des gens qui tuent, pillent, violent ? Ceux-ci qui avaient les deux mains occupées à tenir le guidon de leurs élégants engins, le fusil négligemment pendu au dos, canon pointé vers le ciel, un ciel d'été bleu-France. (. . .) Le convoi se déroula tout au long du village sans rien changer à son allure ni à sa formation. Sans regarder à gauche ou à droite, allant imperturbable au-delà de l'horizon, vers un destin lointain, la colonne motorisée glissa comme un serpent dans l'huile, laissant le village et ses habitants, cocardes, drapeau, clairon, stupéfaits, meurtris, humiliés de leur triviale déchéance. C'est ainsi que Fougilet fut vaincu sans avoir baissé son drapeau et occupé sans s'être rendu. (Frantext, Szczupak-Thomas 2008)

Dans notre corpus, comme de juste, dans les exemples où c'est ainsi que désigne la manière, le verbe ne s'accompagne jamais d'un autre complément de manière verbal. L'exemple (15a) ci-dessous, qui est une modification d'un exemple attesté où ainsi a une interprétation de manière, dans lequel nous avons inséré un autre complément de manière verbal, est exclu.Footnote 21 Dans ce contexte, la clivée en c'est ainsi que correspond à une phrase non clivée avec ainsi en position finale de phrase (15b), position où ainsi adverbe de phrase ne peut pas apparaître :

  1. (15)
    1. a. ?* Nous avions tous, je pense, la formulation lyrique, drapée dans l'outrance et le superlatif, l'extase imaginaire et vague, et c'est ainsi que nous voulions construire un paradis socialiste simplement : avec du rien, avec des rêves fumeux.

    2. b. Nous avions tous, je pense, la formulation lyrique, drapée dans l'outrance et le superlatif, l'extase imaginaire et vague, et nous voulions construire un paradis socialiste ainsi : avec du rien, avec des rêves fumeux.

Les faits de (14–15) montrent que l'interprétation de manière, qui est l'interprétation première de ainsi (cf. section 4), n'est plus présente dans les cas où c'est ainsi que fonctionne comme un connecteur ou un adverbe de phrase.

Un fait qui a été remarqué par Scappini (Reference Scappini2013 : 90), à savoir que dans une des deux lectures de c'est là que, celle où la clivée fonctionne comme connecteur, la phrase n'a pas d’équivalent non clivé, vaut également pour c'est ainsi que : cela découle également du fait que l'adverbe dans ce cas n'est pas régi, il fait en revanche partie d'un tout lexicalisé (cf. section 4).

  1. (16)
    1. a. Pour moi, on reconnait la valeur d'une personne d'après ses actes et non d'après ses paroles. C'est ainsi que je n'apprécie guère les hommes politiques (Corpus De Smet)

    2. b. * Je n'apprécie guère les hommes politiques ainsi

    3. c. Ainsi, je n'apprécie guère les hommes politiques

La phrase (16c) est acceptable parce que la position initiale est typiquement celle du connecteur. Mais ceci concerne la propriété suivante, celle de l'ordre des mots.

Notons enfin qu'une propriété corollaire de ce qui précède est que ainsi ne peut être modifié par un autre adverbe que lorsqu'il a une fonction syntaxique en tant qu'adverbe de manière dans la clivée :

  1. (17) C'est bien ainsi que je vis la photographie, comme un geste de contemplation et d'affection sur le monde qui m'entoure, répété au fil des années (Google)

  2. (18) De toute façon, en tout cas c'est normalement ainsi que cela devrait se dérouler, il y aura une audition de la personne qui a dénoncé les faits (Google)

Si on essaye d'insérer ce genre d'adverbe dans la clivée à sens consécutif, le résultat est déviant parce que ainsi n'y est pas ‘régi’ en tant qu'adverbe de manière du verbe quitter, comme le montre l'exemple (19), adapté de (2b) plus haut :

  1. (19) ‘Vous voulez y aller ? Je vous nomme d'emblée’.

    ?* Et c'est bien ainsi que j'ai quitté Montluçon pour Montgeron.

Pour la même raison, un adverbe comme seulement n'est possible que quand c'est ainsi que indique véritablement la manière. En effet, la fonction d'un adverbe paradigmatisant (Nølke Reference Nølke1990) est d'isoler un référent X parmi une série d'autres référents possibles, comme dans (20a) ci-dessous. (20b) par contre est inacceptable parce que dans l'emploi de c'est ainsi que en tant que connecteur conclusif, ainsi n'isole aucun référent :

  1. (20)
    1. a. C'est seulement ainsi que tu réussiras.

    2. b. ?* C'est seulement ainsi que j'ai quitté Montluçon pour Montgeron.

2.3.2. Le verbe de la clivée

Comme cela a été remarqué par Scappini (Reference Scappini2013), la négation et l'interrogation ne sont autorisées qu'avec la ‘vraie’ clivée où ainsi signifie ‘de cette manière’ (21a), elles semblent exclues par contre dans le cas du connecteur (21b) :

  1. (21)
    1. a. Ce n'est pas ainsi que je t'ai rêvée ! On admire en toi génie et beauté, Mais j'y cherche en vain esprit et bonté (Google)

    2. b. “Vous voulez y aller ? Je vous nomme d'emblée”. * Et ce n'est pas ainsi que j'ai quitté Montluçon pour Montgeron

Il en va de même pour la variation temporelle du verbe de la clivée, qui ne semble varier que lorsqu'on a la lecture de manière. Dans les exemples de (22), le temps du verbe de la clivée est à l'imparfait et au futur, mais il s'agit bien de cas où ainsi a son sens littéral de manière.

  1. (22)
    1. a. Note du Webmestre: les rues sont mises à jour par rapport à l'ordre alphabétique des prénoms car c'était ainsi que l'ancien plan de Roncq les classait. (Google)

    2. b. Taishoo. C’était ainsi que le pêcheur avait appelé son fils unique. Il ne possédait pas grand-chose à part une grande barque dont il se servait pour ramener les poissons bien gras que sa femme allait ensuite vendre au marché, mais elle devenait lourde à manier pour ses bras vieillissants (Google)

    3. c. Ensuite le public choisira son propre top 10 parmi les chansons proposées et ce sera ainsi que se constituera le top 50 européen de musique francophone. (Google)

Si un temps autre que le présent n'est pas radicalement exclu dans certains cas où la clivée a une valeur connective (22d), la variation temporelle y est toutefois beaucoup moins naturelle, voire exclue (22e) :

  1. (22) d. Vous voulez y aller ? Je vous nomme d'emblée".? Et ce fut ainsi que j'ai quitté Montluçon pour Montgeron (Blanche-Benveniste Reference Blanche-Benveniste2006: 276)

  2. e. * c'a été / * c’était ainsi mesdames et messieurs les jurés que Leduc n'a point repris la rue de la République (Sabio et Benzitoun Reference Sabio and Benzitoun2013: 8)

Les deux aspects, la modalité et le temps du verbe, sont liés à notre avis au fait que c'est ainsi que est une structure ‘librement’ construite quand elle renvoie à la manière, alors qu'elle forme un tout lexicalisé quand elle a une valeur de conséquence ou de récapitulation (voir section 4).

2.3.3. Conclusion provisoire

Les divers tests formels suggèrent donc bel et bien que c'est ainsi que fonctionne à la fois comme une vraie clivée dans laquelle ainsi a la fonction syntaxique d'adverbe verbal de manière et comme une structure connective dans laquelle ainsi n'est plus régi. Nous reviendrons dans la section 4 sur l'analyse à donner à ces faits en termes de lexicalisation et de grammaticalisation.

3. ANALYSE INTERPRETATIVE DU CORPUS

Dans cette section, nous nous concentrons sur les différents emplois des phrases introduites par c'est ainsi que, tels qu'ils résultent de notre analyse de corpus. Le tableau 2 présente les résultats de notre analyse interprétative.

Table 2

3.1. Clivée contrastive avec ainsi adverbe de manière

Dans 60 cas sur 150, c'est ainsi que renvoie clairement à la manière, et peut être paraphrasé par de cette manière, de cette façon (voir Blanche-Benveniste Reference Blanche-Benveniste2006: 274). Il fonctionne dans 34 de ces 60 cas comme un véritable adverbe verbal, qui renvoie à la façon dont l'action dénotée par le verbe se déroule (23–24). Dans 26 cas, il fonctionne comme attribut du sujet (25) ou de l'objet (26). Il s'emploie souvent, mais pas exclusivement, avec des verbes comme entendre, interpréter, (sur)nommer (27) appelés “verbes de désignation” par Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006: 275) :

  1. (23) Quel visage précis aurait pris notre société future ? Nous avions tous, je pense, la formulation lyrique, drapée dans l'outrance et le superlatif, l'extase imaginaire et vague, et c'est ainsi que nous voulions construire un paradis socialiste : avec du rien, avec des rêves fumeux. (Frantext, Brière-Blanchet 2009)

  2. (24) Ils étaient meurtris mais vivants. Deux orphelins, deux survivants, s'épaulant mutuellement pour tracer un chemin de vie, c'est ainsi que se noua leur couple. Un couple fondé sur l'interdépendance, le rêve tout-puissant de vaincre la maladie et la mort. (Frantext, Flem 2006)

  3. (25) C'est normal si c'est une dette qui date de l'époque de votre mariage. Mariage sous le communauté de bien. Le divorce n'efface pas la dette qui est commune. C'est ainsi que la loi est faite et c'est triste pour toi, mais hélas, tu ne peux rien y faire. (Corpus De Smet)

  4. (26) Notre look permet de nous associer à un groupe, autant par les vêtements que ceux qui va avec tel que notre manière de nous tenir, de parler. . . Et nos expressions ou la manière que l'on a de se voir influe aussi sur la manière dont les autres nous voient. Donc, même si on se dit très tolérant face à l'apparence des gens, on ne peut pas s'empêcher de les mettre dans un groupe car c'est ainsi que nous a formaté la société. (corpus De Smet)

  5. (27) [Question] Mais que faites-vous dans la voiture du Président Obama? Merci pour toutes vos réponses!

    [Réponse] Je grignote des crackers tout en brandissant mon petit drapeau ‘Bisounours Power’! Mais je vais arrêter de faire cela. . . il y a Babar (c'est ainsi que je surnomme Barack) qui n'arrête pas d'être pété de rire en me regardant faire l'idiot. . . (corpus De Smet)

3.2. Clivée non contrastive (cohésive)

Dans 78 cas sur 150, c'est ainsi que ne renvoie pas à la manière dont l'action dénotée par le verbe est effectuée,Footnote 22 ni au sujet ou à l'objet (comme le ferait un attribut à interprétation de manière) et la structure c'est ainsi que ne se laisse guère paraphraser par c'est de cette façon que. Dans ce qui suit, nous distinguons plusieurs valeurs sémantiques de ces phrases en c'est ainsi que.

3.2.1. C'est ainsi que introduisant une conséquence

Dans la plupart des cas où ainsi dans c'est ainsi que n'est pas interprété comme un adverbe de manière (52 cas sur 78), la clivée peut être paraphrasée par il s'ensuit que, par conséquent, grâce à cela, la conséquence en est que, par la suite ou par donc, en effet, etc.Footnote 23

  1. (28) On aurait dit que Pater avait lu Beauvoir ! Mais moi, je ne savais que « compiler d'épaisses syntaxes », et c'est ainsi que j'ai manqué deux fois mon certificat de grec et que je n'ai réussi du premier coup ni le latin, ni la philologie. (Frantext, Groult 2008)

  2. (29) [Question] Quelqu'un connait-il l'histoire du chômage?

    [Réponse] Il ya bien longtemps, au commencement des temps, Adam et sa femme Eve étaient jardinier et femme de ménage dans l'Eden, une grande exploitation agricole, toute proche de la villa que Dieu venait de se construire sur terre. Un jour, bien que le reglement intérieur l'interdise au employés, Adam mangea une pomme. Le patron fut rapidement au courant parce qu'il avait le don d'ubiquité. C'est ainsi qu'apres un bon coup de pied au fesses Adam et Eve et retrouverent au chomage. Le chomage était né, c'était le début d'une longue histoire. (corpus De Smet)

Dans (28), le fait que le locuteur ait manqué deux fois son certificat de grec est présenté comme une conséquence du fait qu'il sait uniquement ‘compiler d’épaisses syntaxes’. Dans (29), ainsi reprend tout le contexte antérieur, et présente le fait qu'Adam et Eve se retrouvèrent au chômage comme la conséquence ou la suite logique de cette situation.

3.2.2. C'est ainsi que introduisant un exemple

Dans un deuxième sous-ensemble des cas (19 exemples sur 78), c'est ainsi que n'introduit pas la conséquence, mais sert de charnière entre un principe général et un exemple ou une application d'une ‘instance de ce qui a été annoncé précédemment’ (Blanche-Benveniste Reference Blanche-Benveniste2006: 276) :

  1. (30) La ville vivait un mélange de fête, d'excitation et de tension d'avant la bagarre. Les forces de l'ordre étaient sur les dents et quelques arrestations avaient lieu çà et là, dès que la police repérait un militant isolé et un peu vulnérable. C'est ainsi que le grand Fleb, un bel anar, se fit arrêter et manqua le presque Grand Soir. (Frantext, Brière-Blanchet 2009)

  2. (31) [Question] Est ce une stratégie de survie pour une autorité politique de limiter la liberté de penser? Lui faut il limiter la liberté de penser pour assoir son pouvoir (. . .)?

    [Réponse] C'est ainsi que Castro vient de feter 50 ans de ‘revolution’, et que Chavez se prepare a faire de meme au Venezuela, sans parler de la Coree du Nord et bien d'autres. (corpus De Smet)

Dans (30), c'est ainsi que introduit l'arrestation du grand Fleb, qui est un exemple spécifique des quelques arrestations [qui] avaient lieu çà et là, et dans (31), Castro et Chávez sont présentés dans la réponse comme des illustrations de l'autorité politique mentionnée dans la question.

3.2.3. Entre la conséquence et l'illustration

La distinction entre les deux sous-ensembles des cas où c'est ainsi que fonctionne comme une clivée non contrastive (ou cohésive) n'est toutefois pas toujours aussi nette. Notre corpus contient en effet un certain nombre de cas (7 au total) où c'est ainsi que peut être paraphrasé autant par il s'ensuit que et par conséquent que par par exemple. Dans ces cas, c'est ainsi que semble donc introduire à la fois une conséquence et une illustration :

  1. (32) Le labeur au bureau souffrira peu d'une nuit sans sommeil. Les périodes de vacances, que je passe à écrire, sont encore plus faciles à gérer. C'est ainsi que j'ai pu, à titre de record personnel, enchaîner deux nuits blanches. (Frantext, Pierrat 2008)

  2. (33) Si par définition l'amour est un sentiment d'affection et d'attachement profond qu'éprouve une personne pour une autre. et que la passion ne serait qu'un goût marqué qui accapare l'esprit force est de constater toute une grande différence des deux sentiments. Mais on peut les avoir tous les deux en même moment et c'est ainsi qu'on peut aimer une femme et avoir de la passion pour une autre. (corpus De Smet)

3.3. Co-occurrence de l'interprétation de manière et de conséquence

Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006) et Molinier (Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013) présentent les cas où ainsi est interprété comme un adverbe de manière (voir 3.1.) et ceux où il fonctionne comme un adverbe de phrase (voir 3.2.) comme des interprétations fondamentalement distinctes. La situation nous semble toutefois moins tranchée, étant donné que notre corpus contient environ 12 cas où l'interprétation de manière et de conséquence sont présentes en même temps (nous revenons sur ces cas dans la section 4 ci-dessous) :

  1. (34) Des torpilles l'ont traversé de part en part, il ne reste même plus un fauteuil. Heureusement, Marcel avait, quelque temps auparavant, transporté son mobilier dans un village en forêt de Fontainebleau. Il vivait réfugié là avec sa fille et sa jeune femme. C'est ainsi qu'ils ont échappé à la mort. (Frantext, Auroy 2008)

  2. (35) Alors j'ai demandé au médecin de garde qu'il lui épargne le reste et qu'il en finisse. Une injection a été suffisante. Presque aussitôt, les contractions ont cessé. C'est ainsi que notre fille est morte dans la matinée, je m'en souviens, du 25 avril 1996. (Frantext, Forest 2007)

Dans ces exemples, ainsi renvoie à la manière d’échapper à la mort (34) et à la façon de mourir (35). Mais la phrase en c'est ainsi que introduit en même temps la conséquence de la situation donnée préalablement. Ainsi, dans (34), Marcel et sa famille ont échappé à la mort grâce à leur déménagement à Fontainebleau. Et dans (35), la fille est morte à cause de l'injection dont il est question dans le contexte précédant la clivée. Ces exemples sont donc à cheval entre ainsi adverbe de manière et ainsi adverbe de phrase à interprétation consécutive.

3.4. Interprétation récapitulative

Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006) et Molinier (Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013) semblent suggérer que les clivées en ainsi adverbe de phrase (voir 3.2.) ont typiquement une interprétation ‘récapitulative’, contrairement aux cas qui mettent en œuvre ainsi de manière (voir 3.1.). Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006 : 282) affirme en effet que c'est ainsi que introduisant une conséquence ou une illustration aurait une interprétation récapitulative, dans la mesure où cette expression ‘récapitule la série de données fournies préalablement (. . .) et en présente un résultat’ (Blanche-Benveniste, Reference Blanche-Benveniste2006: 278).

Notre corpus contient toutefois des cas où c'est ainsi que a clairement une interprétation de manière (voir 3.1.) et récapitule en même temps les données fournies préalablement, comme l'exemple (36) ci-dessous.

  1. (36) [Question] Quelles sont vos méthodes pour arrêter de dire des grossièretés? Doit-on se pincer, utiliser des formules détournées (purée pour pu****. . .), faire une tirelire en mettant 1 cent à chaque gros mot? Quelles sont selon vous les méthodes les plus radicales?

    [Réponse] au lieu de sortir tout les saints des églises je me mord le pouce et voilà c'est fini. Puis parfois lors d'une dispute entre moi et mon très cher conjoint je lui dit tout simplement “ Cesse de miauler, ça ne me tente pas présentement ” et voilà c'est ainsi que j'ai réussis a cesser de dire des grossièretés quoi que parfois étant dans un monde qui dit sans cesse des grossièretés. (corpus De Smet)

Dans cet exemple, l'internaute essaie de montrer par sa réponse comment elle a pu arrêter de dire des grossièretés. Dans ce cas, ainsi fonctionne comme l'adverbe de manière qui spécifie la manière de réussir (à cesser de dire des grossièretés), et répond à la question : Comment avez-vous pu cesser de dire des grossièretés? Il est clair qu'en même temps, c'est ainsi que récapitule le contexte gauche entier de la clivée; la relative, par contre, répète simplement la question.

De même, parmi les cas qui ont en même temps une interprétation de manière et consécutive (voir section 3.3.), il y a des exemples où l'effet récapitulatif semble être plus central, la fonction principale de c'est ainsi que étant en effet de résumer le contexte qui précède.

  1. (37) Dès le soir même, je pris les notes de Robert Helmont, journal d'un solitaire, dans le grand atelier, pendant que défilaient sous mes fenêtres les patrouilles de cavalerie allemande campées encore au bout du pays et que le cliquetis des sabres, les gourmettes secouées, les rauques voix saxonnes, dures au commandement, se mêlaient au canon qui tonnait. Tout cela faisait bien partie de « mon journal ». Mes impressions s'accrurent, le lendemain, des tristesses de l'occupation militaire, les routes toutes noires de troupes, les haltes, les bivouacs au revers des fossés. Pour échapper à cette humiliation de vaincu, je me jetais dans les bois, délicieux par ce mois d'avril: une cendre verte aux branches, l'herbe semée de jacinthes fleuries, et des roulades d'oiseaux, des trilles de rossignols, coupés par le lointain déchirement des mitrailleuses. Quelquefois, au détour d'une allée tranquille, je voyais s'avancer sous les branches quelque sentimental colonel saxon parcourant au pas de son cheval de guerre les sentiers chers aux rendez-vous de Louis XV et de Mme de Pompadour. Alors je m'enfonçais au plus profond des taillis, car ces rencontres me causaient une révolte nerveuse que je ne saurais expliquer. C'est ainsi que je vivais le journal de Robert Helmont en même temps que je l'écrivais. (Daudet 2011, Frantext)

Dans (37), l'interprétation de manière est certainement présente, dans la mesure où ainsi désigne la façon dont l'auteur vit le journal de Robert Helmont. Mais cette lecture se double d'une interprétation consécutive : la conséquence de cette situation est que je vivais le journal de Robert Helmont en même temps que je l'écrivais; la relative présente donc la conséquence, ou la conclusion, de tout ce qui précède, sans vraiment répéter les informations qui précèdent. Or, une fois de plus l'interprétation récapitulative semble l'emporter ici : c'est ainsi que semble utilisé avant tout pour renvoyer à ce qui précède, un contexte qui est en effet très long.

Donc, même si l'interprétation récapitulative de c'est ainsi que est probablement plus fréquente pour les cas de c'est ainsi queainsi fonctionne comme un adverbe de phrase (3.2.), elle n'est pas exclue pour les cas où ainsi fonctionne comme un adverbe de manière (3.1.) et pour les cas de ainsi combinant l'interprétation de manière et de conséquence (3.3.). Il semble que plus le contexte qui est résumé par c'est ainsi que est long, plus l'interprétation de manière et/ou de conséquence sont mises à l'arrière-plan en faveur de l'interprétation récapitulative.

3.5. Conclusion intermédiaire

Dans cette section, nous avons présenté les résultats de notre analyse de corpus, qui montrent amplement que c'est ainsi que peut avoir une interprétation de manière ou peut être un adverbe de phrase (introduisant une conséquence, une illustration ou les deux à la fois). Dans notre corpus, ces cas représentent respectivement 40% et 52% des 150 cas. Nous avons montré que même si les exemples prototypiques semblent suggérer qu'il s'agit de deux classes nettement séparées, notre corpus contient un certain nombre de cas qui sont à cheval entre les deux. Dans la prochaine section, nous proposons une explication pour les observations faites jusqu'ici en recourant à l'hypothèse de la grammaticalisation.

4. LA GRAMMATICALISATION

Nous allons distinguer dans ce qui suit trois aspects de la question : la grammaticalisation de ainsi (4.2.), celle de la structure c'est ainsi que (4.3.) et les rapports entre lexicalisation et grammaticalisation (4.4.). L'idée que nous allons défendre est que les trois ont pu contribuer, de façon cumulative, à la fois à une ‘schématisation’ et à un figement de la structure qui seraient à la base de son emploi en tant que connecteur.

4.1. Préambule méthodologique

Il est important de noter que bien que le terme et la notion de grammaticalisation aient été créés par Meillet (Reference Meillet1912) dans le contexte des études consacrées à la diachronie des langues, l'exploitation féconde de la notion de grammaticalisation en synchronie (en typologie notamment; voir par ex. Heine et Kuteva Reference Heine and Kuteva2002, Brinton et Traugott Reference Brinton and Closs Traugott2005) fait l'objet d'un consensus entre linguistes depuis des décennies. Nous souscrivons ici à l'approche de Lehmann (Reference Lehmann1985: 303):

I will use the concept both on the synchronic and the diachronic axes. Under the diachronic aspect, grammaticalization is a process which turns lexemes into grammatical formatives (. . .). From the synchronic point of view, grammaticalization provides a principle according to which subcategories of a given grammatical category may be ordered.

Même si une étude de corpus de données historiques serait bien sûr la bienvenue pour confirmer en diachronie nos hypothèses synchroniques, tel n'est pas le but de notre étude, qui veut exactement faire ce que Lehmann propose : faire appel à la grammaticalisation en tant que principe explicatif qui permet de classer des sous-types d'une catégorie grammaticale donnée (en l'occurrence c'est ainsi que).

4.2. Grammaticalisation de ainsi

La grammaticalisation des adverbes de manière est un phénomène connu des typologues qui l'ont décrite pour d'autres langues que le français. Ainsi König (Reference König2012: 23) propose le schéma suivant (38)Footnote 24 dans lequel les adverbiaux de manière évoluent typiquement vers une forme grammaticalisée à interprétation soit consécutive, soit additive (c'est-à-dire illustrative).Footnote 25

  1. (38)

Ce schéma, étayé par König avec de nombreuses données interlinguistiques, s'applique parfaitement à ainsi, qui est au départ un comparatif.Footnote 26 En effet, antius est le comparatif de ante, signifiant donc littéralement ‘plus tôt que’. L'adverbe prit d'abord une valeur adversativeFootnote 27 avant de développer le sens moderne ‘de cette manière (plutôt que d'une autre)’. On retrouve donc clairement l'élément relationnel, et donc anaphorique, qui semble indispensable au processus de grammaticalisation vers la fonction de connecteur. Footnote 28

Par ailleurs, ainsi connecteur montre tous les signes habituels d'un processus de grammaticalisation. Il s'est désémantisé: dans beaucoup de cas analysés (voir section 3), comme en (39), il ne renvoie plus à la manière mais s'est resémantisé au profit d'autres valeurs plus abstraites comme la conséquence :

  1. (39) La vie a pour but de propager l'ADN à la génération suivante. C'est ainsi que la vie existe encore: car dès le départ les cellules, les organismes qui ont duré avaient cette capacité à durer, donc aujourd'hui toute forme de vie n'a que ce but sinon elles (les formes de vie) ne seraient pas là pour en témoigner. C'est un peu tautologique mais c'est ainsi (corpus Yahoo, Desmet)

Le fait que dans cet emploi, ainsi ne se fasse guère précéder d'un autre adverbe (voir section 2.3.1.) suggère qu'il s'est aussi décatégorialisé (Lehmann Reference Lehmann, Wischer and Diewald2002). Qu'un élément se décatégorialise revient à dire qu'il perd les traits syntaxiques essentiels de sa catégorie lexicale. En effet, le propre d'un véritable adverbe est de pouvoir se faire précéder d'un autre adverbe.

Notons enfin que le modèle de la grammaticalisation permet de rendre compte de deux observations centrales de notre analyse (voir section 2). D'une part, cette analyse explique pourquoi ainsi peut fonctionner dans certains cas comme adverbe de manière et dans d'autres comme connecteur consécutif ou récapitulatif, comme Molinier (Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013) l'avait déjà observé. Il est en effet communément admis que, quand un élément linguistique dans une langue donnée se grammaticalise du stade lexical A vers un stade grammatical B, les deux ‘couches’ A et B peuvent co-exister dans la langue (notion de layering, Hopper Reference Hopper, Traugott and Heine1991). D'autre part, elle rend compte du fait que notre corpus contient des cas où il est difficile de trancher entre l'interprétation de manière et la lecture consécutive (voir section 3.3.) : il s'agit de bridging contexts (Evans et Wilkins Reference Evans and Wilkins2000, Heine Reference Heine and Wischer2002), dans lesquels la signification B est seulement ‘contextuellement impliquée’ (Evans et Wilkins Reference Evans and Wilkins2000 : 549) : dans ces cas ‘ambigus’, les deux interprétations A et B se chevauchent (la notion de overlap, Heine 1993: A > Ab > aB > B) dans une seule expression linguistique, avant de donner lieu à l'interprétation B.

4.3. Grammaticalisation de la clivée

La grammaticalisation de l'adverbe de manière s'est vu renforcer à notre avis par celle, parallèle, de la construction même dans laquelle ainsi apparait, à savoir la clivée.Footnote 29 Si notre hypothèse est correcte, elle corroborerait l'approche ‘constructionaliste’ de la grammaticalisation (Himmelman Reference Himmelman, Bisang, Himmelmann and Wiemer2004, Trousdale Reference Trousdale, Stathi, Gehweiler and König2010/Reference Trousdale, Davidse, Breban, Brems and Mortelmans2012). Cette approche est une extension par rapport à la grammaticalisation conçue au départ pour des items lexicaux uniquement. Une fois de plus, nous adoptons le point de vue défendu par Lehmann (Reference Lehmann, Wischer and Diewald2002 : 7–8).Footnote 30 En se grammaticalisant, la clivée se prête graduellement à d'autres fonctions que sa fonction originale. La grammaticalisation se situe au niveau de la structure de l'information : les clivées servent au départ à mettre un X en focus (contrastif) mais acquièrent graduellement une fonction non contrastive et finissent par être une structure passe-partout qui n'a même plus de fonction spécifique du point de vue de la structure de l'information. Autrement dit, au fur et à mesure que la clivée s'est désémantisée, la différence fonctionnelle entre ainsi connecteur et c'est ainsi que à valeur connective s'est également réduite, au point où les deux sont devenus souvent interchangeables, comme dans l'exemple (16) que nous reproduisons ci-dessous :Footnote 31

  1. (16)
    1. a. Pour moi, on reconnait la valeur d'une personne d'après ses actes et non d'après ses paroles. C'est ainsi que je n'apprécie guère les hommes politiques (Corpus De Smet)

    2. c. Ainsi, je n'apprécie guère les hommes politiques

Une observation importante faite par Marchello-Nizia (Reference Marchello-Nizia1999: 53) tout comme par Dufter (Reference Dufter, Detges and Waltereit2008) est que la fréquence de la clivée va en augmentant depuis son apparition en ancien français (voir exemple 40, cité par Marchello-Nizia) :

  1. (40) A! biaus dous fieus, laissiés ester, ch'est des bigames k'il parole

    (Adam Le Bossu, Jeu de la Feuillée, 13e siècle)

    ‘C'est des bigames qu'il parle’

Des données fournies par Gil (Reference Gil and Alberto2003) et Dufter (Reference Dufter, Detges and Waltereit2008 : 46) montrent en effet sur la base d'une analyse de corpus détaillée que la fréquence des clivées s’élève de façon significative à partir du 15ème et jusqu'au 18ème siècle. On sait depuis Bybee (Reference Bybee, Joseph and Janda2003) le rôle joué par la fréquence dans tout processus de grammaticalisation. Mais selon Dufter, et contrairement à ce qui a souvent été affirmé, la fréquence croissante de la clivée ne s'explique pas par un déclin d'autres stratégies focales comme l'accentuation, mais par l’émergence au 16ème siècle d'un nouveau type pragmatique de clivées, à savoir les clivées non contrastives (ou cohésives) illustrées ci-dessous (voir aussi section 1.1.) :

  1. (41)
    1. a. C'est tout cela que je puis dire en somme

      (Frantext 1550 Bèze, Dufter Reference Dufter, Detges and Waltereit2008 : 50)Footnote 32

    2. b. C'est à ce jour que nostre muse oisive veut rompre pour toi son sejour

      (Frantext 1550 Ronsard, Dufter Reference Dufter, Detges and Waltereit2008 : 50)

Ce que nous observons ici pour la clivée correspond exactement à ce que décrit Lehmann (Reference Lehmann, Seoane and Xosé López-Couso2008: 16) : ‘grammatical constructions that code information structure are subject to grammaticalization just like any other grammatical structure’. La grammaticalisation entraine une diminution du niveau de complexité de la phrase et de la spécificité des relations pragmatiques. Plus la complexité diminue, plus la phrase correspond à une phrase simple. Une conséquence en est que le relief constitutif des ‘dichotomies’ de la structure de l'information est nivelé sous l'effet de la grammaticalisation.Footnote 33

C'est bien ce que nous avons observé dans le cas de c'est ainsi que: dans son emploi non contrastif ou cohésif, on n'a plus affaire à une structure binaire (dichotomique) mais à une phrase simple introduite par un connecteur, c'est-à-dire que c'est ainsi que y fait un tout. Trousdale (Reference Trousdale, Davidse, Breban, Brems and Mortelmans2012: 175) parle de grammatical constructionalization lorsque trois conditions sont remplies: (i) augmentation de la généralité de la construction, (ii) augmentation de la productivité de la construction et (iii) diminution de la compositionnalité de la construction. Les trois conditions semblent en effet remplies dans le cas de c'est ainsi que.

4.4. La lexicalisation

Pour finir, et en guise de piste de recherche à explorer, nous montrons que c'est ainsi que fait preuve de signes de lexicalisation, en particulier de composition. Bien que les rapports entre grammaticalisation et lexicalisation soient un sujet très complexe et mal connu dans l’état actuel des connaissances (e.a. Lehmann Reference Lehmann, Wischer and Diewald2002, Brinton et Traugott Reference Brinton and Closs Traugott2005, Trousdale Reference Trousdale, Davidse, Breban, Brems and Mortelmans2012), l'hypothèse que grammaticalisation et lexicalisation vont souvent de pair semble plausible : si les deux phénomènes ont chacun leurs caractéristiques propres, ils ont aussi certains traits en commun, tel l'agglutination formelle et sémantique des éléments constituants (Lehmann Reference Lehmann, Wischer and Diewald2002: 1 parle d'un reductive component). Dans les constructions polylexicales, grammaticalisation et lexicalisation pourraient donc aller de pair et avoir un effet convergent sur la ‘nouvelle’ expression qui devient plus figée du point de vue lexical (moins compositionnelle) en même temps qu'elle acquiert une fonction plus grammaticale. Les deux phénomènes de la lexicalisation et de la grammaticalisation ne s'opposent donc pas nécessairement (Himmelmann Reference Himmelman, Bisang, Himmelmann and Wiemer2004) mais peuvent au contraire avoir un effet convergent.

Notons dans ce contexte que les clivées ont subi un figement formel typique des éléments composés : alors que le verbe être s'accordait avec l’élément clivé en moyen français (41), ce n'est plus le cas en français moderne (42):

  1. (41) Ce estes vous que je doy remercier

    (Antoine de la Sale (1456); BFM1; Dufter Reference Dufter, Detges and Waltereit2008 : 34)

  2. (42) C’ (*êtes/est) vous que je dois remercier.

    (Dufter Reference Dufter, Detges and Waltereit2008 : 34)

Rappelons que parmi les propriétés décrites dans la section 2, nous avons vu que le verbe de c'est ainsi que connecteur est contraint du point de vue des temps et n'admet ni la négation ni l'interrogation (voir section 2.3.2.), autant de signes de figement caractéristique d'un processus de lexicalisation.

Enfin, une question posée au début de l'article (voir section 1), à savoir pourquoi un adverbe de phrase peut figurer entre c'est et que, pourrait trouver ici sa réponse : c'est ainsi que est devenu un tout lexicalisé non compositionnel, c'est-à-dire dont les éléments constitutifs ne sont plus analysables individuellement. Autrement dit, ainsi n'y a plus de statut en tant que mot isolé, mais fonctionne à l'intérieur de la composition.

5. CONCLUSIONS

L'hypothèse explorée dans notre étude est que tout comme ainsi, l'adverbe seul, qui a un double statut syntaxique et sémantique – celui d'adverbe de manière et de connecteur à sens consécutif –, la clivée c'est ainsi que demande également une double analyse.

Nous avons montré que plusieurs tests formels permettent d'opposer les deux structures. Une étude de corpus révèle que dans nombre de cas, la clivée a un sens qui renvoie purement à la manière, mais dans bien d'autres elle invite à une lecture consécutive ou illustrative. Mais l'observation de nos données nous a amenées aussi à reconnaitre qu'il est parfois malaisé de trancher entre les deux types, les deux lectures pouvant être présentes au sein d'un même exemple.

Toutefois, cet état de choses ne nous a pas paru gênant, puisque le recours à la théorie de la grammaticalisation permet de prévoir justement des étapes de chevauchement où les deux emplois se recoupent. Nous avons invoqué également, mais plutôt comme une piste de recherche à poursuivre dans le futur, l'importance de la lexicalisation afin de rendre compte des faits que nous avons décrits au sujet de c'est ainsi que.

Footnotes

1 Voir section 2.1. pour une description des corpus que nous utilisons dans cet article.

2 Voir Lahousse (Reference Lahousse2011) et Karssenberg et Lahousse (Reference Lahousse and Borremans2014) sur la combinaison de ainsi et l'inversion nominale.

3 Blanche-Benveniste et al. (Reference Blanche-Benveniste, Deulofeu, Stéfanini and van den Eynde1984) utilisent le terme ‘régi’ (i.e. les éléments qui sont sous la dépendance syntaxique d'un verbe recteur) au lieu de ‘intra-prédicatif’.

4 Nous souscrivons donc entièrement à ce que dit Herslund (Reference Herslund, Lambert and Nølke2005: 133) en parlant de l'exemple que nous citons en (2c) : « la valeur du clivage, en s’éloignant des anaphores classiques, évolue vers celle d'un connecteur. Il s'agit d’ une sorte de grammaticalisation de l'anaphore résomptive sous forme de connecteur adverbial» (nous soulignons).

5 Sur les clivées en anglais, voir notamment les travaux de Prince (Reference Prince1978) et Declerck (Reference Declerck1988). Sur le français, voir Clech-Darbon et al. (Reference Clech-Darbon, Rebuschi, Rialland, Rebuschi and Tuller1999); Katz (Reference Katz2000); Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006); Rialland et al. (Reference Rialland, Doetjes and Rebuschi2002); Doetjes et al. (Reference Doetjes, Rebuschi, Rialland, Corblin and de Swart2004), Dufter (Reference Dufter, Detges and Waltereit2008); Mertens (Reference Mertens, Hi-Yon and Delais-Roussarie2011), Roubaud et Sabio (Reference Roubaud and Sabio2015), Scappini (Reference Scappini2006/Reference Scappini2013), Sabio et Benzitoun (Reference Sabio and Benzitoun2013). Voir Lahousse et Borremans (Reference Lahousse and Borremans2014) pour un bref aperçu de ces ouvrages et une approche contrastive (français-anglais) des différents types de clivées.

6 Bien que du point de vue sémantique et discursif, la clivée diffère foncièrement de la vraie relative, nous utiliserons le terme de (subordonnée) relative pour des raisons pratiques uniquement, en nous appuyant sur les ressemblances formelles entre les deux structures.

7 Plusieurs constructions ressemblent formellement aux clivées prototypiques, mais n'en font pas partie, pour des raisons diverses, voir Rouget et Salze (Reference Rouget and Salze1985), Lambrecht (Reference Lambrecht1994/Reference Lambrecht2001) et Dufter (Reference Dufter, Detges and Waltereit2008). Dans les travaux du GARS, les clivées sont considérées comme faisant partie des dispositifs, voir Blanche-Benveniste et al. (Reference Blanche-Benveniste, Deulofeu, Stéfanini and van den Eynde1984), Blanche-Benveniste et Jeanjean (Reference Blanche-Benveniste and Jeanjean1987), Scappini (Reference Scappini2006/Reference Sabio and Benzitoun2013), Sabio et Benzitoun (Reference Sabio and Benzitoun2013).

8 Ces clivées sont aussi appelées des clivées anaphoriques, clivées à effet de récapitulation ou clivées à enchaînement, voir Prince (Reference Prince1978), Declerck (Reference Declerck1988), Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006), Krötsch et Sabban (Reference Krötsch and Sabban1990), Scappini (Reference Scappini2013), Sabio et Benzitoun (Reference Sabio and Benzitoun2013), etc.

9 Sur les clivées en c'est là que et c'est là où spécifiquement, voir Roubaud et Sabio (Reference Roubaud and Sabio2015).

10 Mertens (Reference Mertens, Kawaguchi, Fonagy and Moriguchi2006, Reference Mertens2008, Reference Mertens, Hi-Yon and Delais-Roussarie2011), Clech-Darbon et al. (Reference Clech-Darbon, Rebuschi, Rialland, Rebuschi and Tuller1999) et Doetjes et al. (Reference Doetjes, Rebuschi, Rialland, Corblin and de Swart2004) étudient la prosodie des clivées: il semble que la pseudo-relative des clivées non contrastives, contrairement à celle des contrastives, peut porter des accents.

11 Il existe aussi un troisième type pragmatique de clivées, beaucoup moins fréquent, qui sont appelées des clivées discontinues par Declerck (Reference Declerck1988: 220), et dans lesquelles l’élément clivé n'est ni contrastif ni anaphoriquement lié au contexte gauche. Ces clivées sont entièrement focales (voir Doetjes et al. Reference Doetjes, Rebuschi, Rialland, Corblin and de Swart2004, Katz Reference Katz2000, Lehmann Reference Lehmann, Seoane and Xosé López-Couso2008). (i)a.C'est avec plaisir que je vous invite à participer à ce séminaire. (Doetjes et al. Reference Doetjes, Rebuschi, Rialland, Corblin and de Swart2004 : 535)b.C'est en 1900, à la Belle Epoque, en plein Art Nouveau que Rodin dévoile sa fameuse ‘Porte d'Enfer’. (Katz, Reference Katz2000: 270)

12 Roubaud et Sabio (Reference Roubaud and Sabio2015 : 7) parlent ici de ‘la conséquence, le résultat ou la ‘suite logique’ de toute une série d’événements antérieurs’.

13 Notons que l'auteure donne aussi le terme ‘clivées à focus large’ (all focus dans Lambrecht Reference Lambrecht1994/Reference Lambrecht2001) comme un synonyme de ‘clivées à enchaînement’. Cette terminologie n'est pas tout à fait correcte, dans la mesure où l’élément clivé n'est pas focal, mais topical, et que la phrase entière n'est donc pas focale.

14 Notons que Sabio et Benzitoun (Reference Sabio and Benzitoun2013: 7) affirment aussi que les clivées non contrastives (ou à effet d'enchaînement) ne sont pas enchâssables. Ceci doit toutefois être nuancé, voir Lahousse et Borremans (Reference Lahousse and Borremans2014) à cet effet.

15 Nous nous concentrons sur des données du français écrit parce que la structure en c'est ainsi que est peu fréquente à l'oral: Roubaud et Sabio (Reference Roubaud and Sabio2015) ont fait une analyse de corpus oraux (voir aussi section 2.2.) contenant au total 1.740.000 mots (Corpaix: 1 million de mots; C-oral Rom: 300.000 mots; CRFP: 440.000 mots; voir Roubaud et Sabio (sous presse) pour plus de détails concernant ces corpus), et n'ont trouvé que 8 occurrences de c'est ainsi que.

16 Il est à noter que, comme tout le monde a accès au site à partir duquel est construite la base de données, il est possible, bien que peu probable, que certains fragments soient écrits par des non-francophones.

17 Ils sont simplement notés ‘Google’ : nous avons omis de citer les sites dont l'accès est souvent éphémère. Par conséquent ils sont régulièrement périmés au moment d'une consultation postérieure.

18 Frantext est un corpus de textes en ligne rassemblé par l’Institut National de la Langue Française, constitué d'environ 3.500 ouvrages littéraires et techniques datant d'entre les 14ème et 20ème siècles, et qui contient plus d'un milliard de caractères. Une bibliographie détaillée de tous les ouvrages inclus dans le corpus Frantext se trouve sur Internet (http://atilf.atilf.fr/frantext.htm).

19 À titre de comparaison: Roubaud et Sabio (Reference Roubaud and Sabio2015) ont trouvé 8 occurrences de c'est ainsi que dans leurs corpus oraux (contenant 1.740.000 mots au total), ce qui revient à 4.6 occurrences / million de mots. En outre, ils ont trouvé 80 occurrences de c'est ainsi que (soit 40 occurrences / million de mots) dans leurs corpus écrits (corpus de 2.000.000 mots au total, dont 1.000.000 de mots dans des textes littéraires, et 1.000.000 de mots dans des articles de presse; les auteurs ne donnent pas la répartition exacte des exemples dans les deux registres). Il apparaît donc que les clivées en c'est ainsi que (i) sont beaucoup plus fréquentes en français écrit formel (littéraire et journalistique) qu'en français parlé et français écrit informel, et (ii) sont 1.75 fois plus fréquentes en français écrit informel qu'en français parlé.

20 Il est important de noter qu'il s'agit ici d'un adverbe de manière verbal, c'est-à-dire un adverbe qui désigne la manière dont se déroule l'action dénotée par le verbe, et pas d'un adverbe de manière orienté vers le sujet (comme naïvement, avec étonnement) ou d'un adverbe d’évaluation par le locuteur (comme miraculeusement). Comme le remarque judicieusement un de nos relecteurs, ces derniers semblent en effet compatibles avec ainsi lorsque c'est ainsi que exprime la manière : C'est ainsi que nous voulions construire naïvement un paradis socialiste : avec du rien, avec des rêves fumeux. Dans un exemple comme c'est ainsi que les enfants se sont bien comportés, où bien fonctionne clairement comme un adverbe de manière verbal, c'est ainsi que peut seulement être interprété comme un adverbe de phrase, introduisant une conséquence ou une illustration, mais pas comme un adverbe de manière verbal.

21 Voir Molinier (Reference Molinier, Radimsky and Mirto2013), Karssenberg (Reference Karssenberg2013) et Karssenberg et Lahousse (Reference Lahousse and Borremans2014) sur la distribution complémentaire entre ainsi de manière et d'autres compléments de manière.

22 Remarquons que, dans les cas où l'interprétation de manière semble persister, elle porte sur la phrase entière, et pas seulement sur le verbe. Ainsi, dans (28), il ne s'agit pas de ‘manquer un certificat de grec d'une certaine façon’ et dans (29), il ne s'agit pas de ‘se trouver au chômage d'une certaine façon’.

23 Dans ces cas, il est difficile de déterminer si la tournure c'est ainsi que marque elle-même une véritable relation de cause à conséquence, ou si l'interprétation consécutive est le résultat d'une simple inférence due à la succession temporelle des événements qui sont liés par c'est ainsi que. Blanche-Benveniste (Reference Blanche-Benveniste2006: 276) affirme en effet à propos des clivées à interprétation consécutive que ‘les contextes explicitent ces effets de conséquence : le morceau de discours qui précède contient une préparation de ce qui est rapporté dans la construction clivée’. Sur la proximité entre la succession temporelle et le lien consécutif, voir Borillo (Reference Borillo and Nakamura2010). Sur la proximité de la manière et de la conséquence, voir Desmets (Reference Desmets2013).

24 Nous reproduisons ici seulement une partie du schéma donné par König (Reference König2012 : 23).

25 Voir aussi Lahousse et Lamiroy (Reference Lahousse, Lamiroy, Van de Velde, Smessaert, Van Eynde and Verbrugge2014) pour une comparaison de la grammaticalisation de c'est ainsi que en français et le pendant het is zo dat en néerlandais.

26 Du point de vue étymologique (Robert historique, entrée ainsi), ainsi remonte au Lat. antius sic: l'adverbe ainz (ains) exprimait l'antériorité (jusqu'au XVe siècle) avant d'exprimer la manière.

27 Le sens relationnel est resté tout aussi manifeste dans l'adverbe plutôt (que), composition lexicalisée issue de plus tôt (que) vers la moitié du 16e siècle. Il est intéressant de noter que l'italien anzi qui remonte au même étymon que ainsi, a toujours le sens (également relationnel bien sûr) de 'au contraire'.

28 Selon Lamiroy et Charolles (Reference Lamiroy, Charolles and Condamines2005) et Charolles et Lamiroy (Reference Charolles and Lamiroy2007), le caractère anaphorique des adverbes de manière autrement, seulement et simplement a joué un rôle clé dans leur grammaticalisation en tant que connecteur.

29 Voir Lahousse et Lamiroy (Reference Lahousse and Lamiroy2012) pour une approche contrastive (français, espagnol, italien) de la grammaticalisation de l'ordre des mots en général. Voir Patten (Reference Patten2012) sur la grammaticalisation des clivées en anglais.

30 ‘Those who are familiar with my earlier work on grammaticalization will notice that this implies a slight extension of the concept. (. . .) What I propose here is to apply the criteria of paradigmatic and syntagmatic autonomy to a construction, regardless of whether it contains a constituent in which the symptoms of grammaticalization crystallize.’ (Lehmann Reference Lehmann, Wischer and Diewald2002: 7–8)

31 Rappelons que beaucoup de cas de grammaticalisation sont le résultat d'une « javellisation » extrême (Lamiroy Reference Lamiroy1999) d'une forme ou d'une structure introduite pour des raisons d'expressivité au départ, ex. passum fut ajouté en latin tardif à la simple négation non comme un pur renforcement stylistique, pour devenir progressivement un simple marqueur de la négation. Selon le même principe, l'utilisation de la clivée c'est ainsi que à valeur connective pourrait correspondre actuellement à une variante « expressive » de ainsi connecteur.

32 Malheureusement, Dufter (Reference Dufter, Detges and Waltereit2008) ne donne pas le contexte gauche de la clivée.

33 Nous traduisons: ‘The relief that is constitutive of the various dichotomies of information structure is leveled out under grammaticalization.’ (Lehmann Reference Lehmann, Seoane and Xosé López-Couso2008: 16)

References

REFERENCES

Blanche-Benveniste, C. (2006). Les clivées françaises de type: C'est comme ça. C'est pour ça que. C'est là que tout a commencé. Moderna Spräk, 100.2: 273283.Google Scholar
Blanche-Benveniste, C., Deulofeu, J., Stéfanini, J. et van den Eynde, K. (1984). Pronom et Syntaxe. L'Approche pronominale et son application au français. Paris : SELAF.Google Scholar
Blanche-Benveniste, C. et Jeanjean, C. (1987). Le français parlé. Transcription et édition. Paris: Didier Érudition.Google Scholar
Borillo, A. (2010). De l'ordre de succession temporelle à la relation logique de consécution: l'exemple de suite . In: Nakamura, T. et al. (dir.), La Grammaire du français par le menu Mélanges en hommage à Christian Leclère. Louvain : UCL Presses Universitaries de Louvain, pp. 2136.Google Scholar
Brinton, L. et Closs Traugott, E. (2005). Lexicalization and Language Change. Cambridge: Cambridge University Press.Google Scholar
Bybee, J. (2003). Mechanisms of change in grammaticalization: the role of frequency. In: Joseph, B. et Janda, R. (dir.), The Handbook of Historical Linguistics. Oxford: Blackwell, pp. 602623.Google Scholar
Charolles, M. et Lamiroy, B. (2007). Du lexique à la grammaire : Seulement, simplement, uniquement. Cahiers de Lexicologie, 90.1: 93117.Google Scholar
Clech-Darbon, A., Rebuschi, G. et Rialland, A. (1999). Are there cleft sentences in French? In: Rebuschi, G. et Tuller, L. (dir.), The Grammar of Focus. Amsterdam: Benjamins, pp. 83118.Google Scholar
Declerck, R. (1988). Studies on Copular Sentences, Clefts and Pseudo-clefts. Dordrecht: Foris.Google Scholar
Desmets, M. (2013). Les consécutives et la manière. Scolia, 27: 81102.CrossRefGoogle Scholar
Dik, S. et al. (1980). On the typology of focus phenomena. In: Dik, S. et al. (éds.), Perspectives on Functional Grammar. Dordrecht: Foris, pp. 4173.Google Scholar
Doetjes, J. S., Rebuschi, G. et Rialland, A. (2004). Cleft Sentences. In: Corblin, F. et de Swart, H. (dir.), Handbook of French Semantics. Stanford: CSLI, pp. 529552.Google Scholar
Dufter, A. (2008). On explaining the rise of c'est-clefts in French. In: Detges, U. et Waltereit, R. (dir.), The Paradox of Grammatical Change: Perspectives from Romance (Current Issues in Linguistic Theory 293). Amsterdam: John Benjamins, pp. 3156.Google Scholar
Evans, N. et Wilkins, D. (2000). In the mind's ear: the semantic extensions of perception verbs in Australian languages. Language, 76.3: 546592.Google Scholar
Gil, A. (2003). Zur Geschichte des Spaltsatzes und seiner strukturellen Varianten im Romanischen. In: Alberto, G. et Schmitt (dir.), Aufgaben und Perspektiven der romanischen Sprachgeschichte im dritten Jahrtausend. Bonn: Romanistischer Verlag, pp. 195217.Google Scholar
Greenbaum, S. (1969). Studies in English Adverbial Usage. London: Longman.Google Scholar
Heine, B. (1999). Auxiliaries : Cognitive Forces and Grammaticalization. Oxford: Oxford University Press.Google Scholar
Heine, B. (2002). On the role of context in grammaticalization. In Wischer, I., I. et G. Diewald (dir.), New Reflections on Grammaticalization. Amsterdam: John Benjamins, pp. 83101.Google Scholar
Heine, B. et Kuteva, T. (2002). World Lexicon of Grammaticalization. Cambridge: Cambridge University Press.CrossRefGoogle Scholar
Herslund, M. (2005). Clivage, structure thématique et anaphores. In Lambert, F. et Nølke, H. (dir.) La syntaxe au coeur de la grammaire. Recueil offert en hommage pour le 60ème anniversaire de Claude Muller. Rennes : Presses Universitaires de Rennes, pp. 127136.Google Scholar
Himmelman, N. (2004). Lexicalization and Grammaticalization: opposite or orthogonal? In: Bisang, W., Himmelmann, N. et Wiemer, B. (dir.), What Makes Grammaticalization? A Look from its Fringes and its Components. Berlin: Mouton de Gruyter, pp. 1940.Google Scholar
Hopper, P. J. (1991). On some principles of grammaticization. In: Traugott, E. et Heine, B. (dir.), Approaches to Grammaticalization, vol. 1. Amsterdam: Benjamins, pp. 1735.Google Scholar
Houellebecq, M. (1998). Les particules élémentaires. Paris: J'ai Lu.Google Scholar
Jespersen, Otto (1927). A Modern English Grammar on Historical Principles: Part III, Syntax, vol. 2. Heidelberg: Winter.Google Scholar
Karssenberg, L. (2013). L'adverbe ainsi en tête de phrase: une analyse de corpus. Mémoire de master non publié, KU Leuven (dir. K. Lahousse).Google Scholar
Karssenberg, L. et Lahousse, K. (2014). Ainsi en tête de phrase + inversion : une analyse de corpus. Actes du CMLF 2014 – 4ème Congrès Mondial de Linguistique Française. EDP Sciences, pp. 24132427.Google Scholar
Katz, S. (2000). Categories of c'est -cleft constructions. Revue Canadienne de Linguistique, 45.3/4: 10011021.Google Scholar
Kenens, T. (2012). Les clivées en c'est ainsi que et c'est comme ça que: une étude de corpus. Mémoire de master non publié, KU Leuven (dir. K. Lahousse).Google Scholar
König, E. (2012). Le rôle des déictiques de manière dans le cadre d'une typologie de la deixis. Bulletin de la Société de Linguistique de Paris, 107.1: 1142.Google Scholar
Krötsch, M. et Sabban, A. (1990). Bleu, je veux – Remarques sur la focalisation en francais. Zeitschrift für romanische Philologie, 96: 8097.Google Scholar
Lahousse, K. (2011). Quand passent les cigognes: le sujet nominal postverbal en français moderne. (Series Sciences du Langage). Paris: Presses Universitaires de Vincennes.Google Scholar
Lahousse, K. et Borremans, M. (2014). The distribution of functional-pragmatic types of clefts in adverbial clauses. Linguistics, 52.3: 793836.Google Scholar
Lahousse, K. et Lamiroy, B. (2012). Word Order in French, Spanish and Italian: a Grammaticalization Account. Folia Linguistica: Acta Societatis Linguisticae Europaeae, 46.2: 387415.Google Scholar
Lahousse, K. et Lamiroy, B. (2014). Grammaticalisatie en taalvergelijking: Nederlands ‘het is zo dat’ vs Frans ‘c'est ainsi que’. In: Van de Velde, F., Smessaert, H., Van Eynde, F. et Verbrugge, S. (dir.), Patroon en argument: een dubbelfeestbundel bij het emeritaat van William Van Belle en Joop van der Horst. Leuven: Universitaire pers, pp. 163179.CrossRefGoogle Scholar
Lamiroy, B. (1999). Auxiliaires, langues romanes et grammaticalisation. Langages, 135, 3346.Google Scholar
Lambrecht, K. (1994). Information Structure and Sentence Form. Cambridge: Cambridge University Press.Google Scholar
Lambrecht, K. (2001). A framework for the analysis of cleft constructions. Linguistics, 39.3: 463516.Google Scholar
Lamiroy, B. et Charolles, M. (2005). Utilisation d'un Corpus pour l'évaluation d'hypothèses linguistiques. Etude de ‘autrement’. In: Condamines, A. (dir.), Sémantique et Corpus. Paris: Hermès, pp. 109147.Google Scholar
Le Bidois, R. (1952). L'inversion du sujet dans la prose contemporaine (1900–1950). Paris: Artrey.Google Scholar
Lehmann, C. (1985). Grammaticalization: Synchronic variation and diachronic change. Lingua e Stile, 20.3: 303318.Google Scholar
Lehmann, C. (2002). New reflections on grammaticalization and lexicalization. In: Wischer, I. et Diewald, G. (dir.), New Reflections on Grammaticalization. Amsterdam: Benjamins, pp. 118.Google Scholar
Lehmann, C. (2008). Information structure and grammaticalization. In: Seoane, E. et Xosé López-Couso, M. (dir.), Theoretical and Empirical Issues in Grammaticalization (Typological Studies in Language, 77). Amsterdam: Benjamins, pp. 207229.Google Scholar
Marchello-Nizia, C. (1999). Le français en diachronie: douze siècles d’évolution. Paris: Ophrys.Google Scholar
Martin, R. (1974). La notion d'adverbe de phrase, essai d'interprétation en grammaire générative. In: Rohrer, C. et Ruwet, N. (dir.), Actes du colloque franco-allemand de grammaire transformationnelle, vol. 1. Tübingen: Niemeyer, pp. 6675.Google Scholar
Meillet, Antoine. 1912. L’évolution des formes grammaticales. Scientia (Rivista di Scienza) 12, 26. Linguistique historique et linguistique générale: 130–48. Paris: Librairie Ancienne Honoré Champion.Google Scholar
Mertens, P. (2006). A predictive approach to the analysis of intonation in discourse in French. In: Kawaguchi, Y., Fonagy, I. et Moriguchi, T. (dir.), Prosody and Syntax (Series “Usage-Based Linguistic Informatics” 3). Amsterdam: John Benjamins, pp. 64101.Google Scholar
Mertens, P. (2008). Syntaxe, prosodie et structure informationnelle: une approche prédictive pour l'analyse de l'intonation dans le discours. Travaux de Linguistique, 56.1: 87124.Google Scholar
Mertens, P. (2011). Prosodie, syntaxe, discours : autour d'une approche prédictive. In : Hi-Yon, Y. et Delais-Roussarie, E. (dir.), Actes d'IDP. Paris, Septembre 2009, pp. 1932.Google Scholar
Molinier, C. (2013). Ainsi: deux emplois complémentaires d'un adverbe type. In: Radimsky, J. et Mirto, I. (dir.), Autour de l'adverbe. Amsterdam: John Benjamins, pp. 120128.Google Scholar
Nølke, H. (1990). Les adverbiaux contextuels: problèmes de classification. Langue Française, 88: 1227.CrossRefGoogle Scholar
Patten, A. L. (2012) The English it-cleft: A constructional account and a diachronic investigation. (Topics in English Linguistics TiEL 79). Berlin: De Gruyter Mouton.CrossRefGoogle Scholar
Prince, E. (1978). A comparison of wh-clefts and it-clefts in discourse. Language, 54: 883906.Google Scholar
Rialland, A., Doetjes, J. et Rebuschi, G. (2002). What is focused in c'est XP qui/que cleft sentences in French? Paper presented at the Conference on Proceedings Speech Prosody, Aix-en-Provence, 1113 April.Google Scholar
Riegel, M., et al. (2009). Grammaire méthodique du français. Paris: PUF.Google Scholar
Roubaud, M.-N. et Sabio, F. (2015), Les clivées en C'est là que, C'est là où : structures et usages en français moderne, Repères DoRiF, 6, Recherches sur la syntaxe verbale en français et en italien. Hommage à Claire Blanche-Benveniste, coordonné par Alberto Bramati. Publication en ligne http://www.dorif.it/ezine/ezine_issues.php.Google Scholar
Rouget, C. et Salze, L. (1985). C'est. . . qui, c'est. . . que : le jeu des quatre familles. Recherches sur le français parlé, 7: 117141.Google Scholar
Sabio, F. et Benzitoun, C. (2013). Sur les relations entre syntaxe et discours: dispositifs de la rection et dispositifs macrosyntaxiques. Studia Universitatis Babeş-Bolyai Philologia, 58.4: 97110.Google Scholar
Scappini, S.-A. (2006). Etude du dispositif d'extraction en “c'est qu-”, différenciation entre extraction et relative. Thèse de Doctorat non publiée, Aix-en-Provence.Google Scholar
Scappini, S-A. (2013). Un sous-type de la construction clivée en « c'est. . .qu » : la structure d'enchaînement « et c'est pour ça que. . . . et autres exemples ». Studia Universitatis Babeş-Bolyai Philologia, 4: 8195.Google Scholar
Trousdale, G. (2010). Issues in constructional approaches to grammaticalization. In: Stathi, K., Gehweiler, E. et König, E. (dir.), Grammaticalization: Current Views and Issues. Amsterdam: John Benjamins, pp. 5171.Google Scholar
Trousdale, G. (2012). Grammaticalization, constructions and the grammaticalization of constructions. In: Davidse, K., Breban, T., Brems, L. et Mortelmans, T. (dir.), Grammaticalization and Language Change. Amsterdam: John Benjamins, pp. 167199.Google Scholar
Figure 0

Table 1

Figure 1

Table 2