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Pour une Localisation du Royaume de Gaoga*

Published online by Cambridge University Press:  22 January 2009

Pierre Kalck
Affiliation:
Metz

Extract

Le terme Gaoga, qui figure fréquemment au centre des cartes anciennes de l'Afrique, se retrouve dans un seul texte, la ‘description de l'Afrique’, du diplomate marocain, Léon l'Africain, publiée en italien en 1550 par Ramusio. Relevant de fréquentes confusions avec la ville de Gao sur le Niger, certains africanistes en tirent la conclusion hâtive que le voyage de Léon se serait limité aux pays du Niger. Selon eux, le reste des notes ne ferait que reproduire des récits de caravaniers, plus ou moms fantaisistes. Pierre Kalck, ancien administrateur français, auteur d'une thèse de doctorat ès lettres sur l'histoire des règions qu'il a administrées, estime au contraire que le voyage de Léon du Bornou en Egypte fut bien effectué et qu'il a existé un Etat du nom de Gaoga, semblable aux grandes entités politiques africaines de l'époque. Il fait d'abord le point sur les hypothèses formées par ceux qui refusent la thèse simpliste d'une confusion Gao-Gaoga. Pour Barth, Gaoga était le nom, non d'une contrée, mais déune dynastie boulala installée à Yao (Yaoga) sur le lac Fitri. Pour Carbou, le Gaoga n'était autre que le Kanem, séparé du Bornou—Modat rappelait cependant que, d'après les notes mêmes de Léon, il ne pouvait s'agir que d'une région montagneuse: le Dar Zagaoua au nord du Darfour. Palmer voyait dans le Gaoga un pays situé sur l'oued Batha et peuplé par des réfugiés nubiens. Kaick se réfère, non seulement au passage spécialement consacré au Gaoga par Léon, mais aux mentions éparses, et parfois déformées, dans le reste du texte publié par Ramusio. Il établit que Léon, après avoir quitté le Bornou, a gagné le Darfour par la piste dite du treizième parallèle, puis a rejoint Assiout en haute Egypte par l'antique route caravanière dite des quarante jours (Darb al Arbaïn) qui passe par l'oasis de Kharga. Scion lui, le Gaoga, fondé au quinzième siècle par des réfugiés nubiens, s'étendait, lors du passage de Léeon vers 1512–1514, sur une superficie qui comprenait l'est du Tchad (Ouadaï, Salamat, Rounga), l'ouest du Soudan (Darfour) et le nord-est de la République Centrafricaine (Fertit). Le Ouadaï est encore aujourd'hui appelé Kouka (corruption de Gaoga) par les Teda du nord et ce terme de Kouka est conservé par un groupe ethnique du Tchad. Citant la découverte par Arkell, à Aïn Fara et à Ouri dans le Darfour, de vestiges nubiens chrétiens, Kalck estime que céest dans cette région montagneuse qui constituait l'ancien Gaoga que se trouve la solution de bien des énigmes de l'histoire de l'Afrique Centrale. Le texte de Léon, aussi bref soit-il, apparaît comme un premier fil conducteur.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Cambridge University Press 1972

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References

1 Idriss Alaoma (1571–1603).

2 Nous utiliserons au cours de cet article la traduction du médecin-général Epaulard, parue à Paris en 1956, chez Maisonneuve et qui constitue un instrument de travail plus commode que l'ancienne édition Scheffer qui remonte à 1898.

3 Dans plusieurs textes arabes antérieurs à Léon (note Lhote, en traduction Epaulard, 1956, 470), notamment dans Khawarizmi en 883 et dana Yakoubi vers 872, on trouve les formes Koukou ou Kaoukaou pour désigner Gao sur le Niger. Léon l'Africain a employé pour désigner Gao, la forme marocaine Gago (Epaulard, 1956, 9, n. 77). Il emploiera cependant parfois la forme berbére Gaogao, cc qui dans l'édition de Ramusio et lea traductions successives, sera la source des multiples confusions (ou coquilles) entre Gao et le Gaoga. Mauny, Voir—‘Notes d'archéologie au sujet de Gao’, Bulletin Institut français d'Afrique noire (juillet-09 1951), 837–52.Google Scholar Dans le texte de Temporal (édition Scheffer, voir plus loin) Gaoga a été employée pour Gao la yule du Niger (III, 300–1). Dans l'édition Epaulard la forme Gaogao a été employée à diverses reprises pour le royaume de Gaoga, (pp. 16 et 412).Google Scholar

4 Cette biographie de Léon nous est connue par la dédicace de l'ouvrage faite par Ramusio en 1550 (voir plus loin) à Un grand de son époque, Jérôme Frescator.

5 Dates données par Epaulard, 1956 (voir plus loin) dans son introduction, vii, viii.

6 La date de la rédaction de la Description de l'Afrique est donné par Léon lui-même à la fin de son livre (édition Epaulard, 579): ‘L'An du christ 1526, le 10 mars’, ainsi que le lieu ‘alors que j'étais à Rome’.Google Scholar

7 Cette supposition provient d'une phrase de J. Albert Widmannstad, qui avait accompagné, en 1529, l'empereur Charles—Quint à Rome pour son couronnement. Dans in préface de sea Evangiles syriaques, parus en 1555, Widmannstad manifestait en effet le regret de n'avoir pas rencontré, lors de son voyage, Jean-Léon qui était retourné à Tunis où il avait de nouveau embrassé l'isiamisme, la religion de son pére (cité par Scheffer 1898, pp. xvi et xvii dans son introduction de la réédition de la traduction Temporal).

8 Dés 1570, on retrouve sur les cartes is majorité des indications données dans la ‘Description de l'Afrique’ et celles-ci ne varièrent guère jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle. En 1898, Ch. Scheffer rééditait la traduction de Temporal dans le recueil des voyages et documents pour servir à l'histoire de la géographie publié sous la direction de Ch. Schefer et Henri Cordier. En 1906, Louis Massignon publiait une étude intituiée: ‘Le Maroc dana les premières années du XVIe siè;cle, tableau géographique d'aprés Léon l'Africain’, mais cet ouvrage ne devait pas traiter des parties du récit relatives à l'Afrique noire.

9 Epaulard (introduction, p. v) fait observer à juste titre que l'archaïsme de l'édition Temporal constituait une gêne.

10 Massignon (suivant Epaulard, p. vi) ‘a très bien vu que Léon avait directemerit écrit son livre en italien sur des notes prises en arabe’. Leon l'Africain (Epaulard, 1956, 579) indique lui-même comment il a procédé: “J'ai noté avec soin au jour le jour, toutes les choses qui m'ont parues digne de mémoire, telles que je les ai vues. Celles que je n'ai pas vues, je m'en suis fait donner une véridique et complète information par les personnes dignes de foi. Puis, j'ai mis de l'ordre dans ces notes au mieux de ma commodité (notre italique, P.K.). Schefer, (op. cit. 1898, p. ii)Google Scholar affirme l'existence d'une ‘description de l'Afrique’ en arabe. ll cite Colomiès (Mélanges historiques, 1675, 79–80) qui écrivait: ‘L'original s'est vu dana la riche bibliothèque Pinelli, le père des muses de l'Italie. Depuis s'étant fait chrétien, il (Léon) le mit à Rome en langue italienne d'où il fut traduit en latin par Jean Fleurian, mais peu fidèlement et en francais par Jean Temporal.’ Page xxiii de son ouvrage, Schefer signalait qu'après la mort de Vincenzo Pinelli, sa bibliothèque fut transportée par mer à Naples, par deux navires. L'un d'entre eux fut pris par lea pirates, qui jetèrent les livres à la mer (dont probablement le manuscrit arabe de Léon). Cedernier manuscrit devait être un journal de voyage bien plus riche que le texte italien établi par la suite. D'après Epaulard (1956, p. vi) le texte utilisé par Ramusio en 1550 aurait été déjà une très mauvaise copie, du genre de cehe qui figure à la bibliothèque de Rome sous le No 953 (acquise dana une vente en 1931). Une étude de ce manuscrit avait été comniandée avant la 2° guerre mondiale par le Ministre de l'Instruction Publique d'Itaiie à Madame Angela Codazzi, professeur d'histoire à Milan.

11 Barth, Heinrich, Reisen und Entdeckungen Nord und Zentral Afrika, III, 381–3.Google Scholar

12 Carbou, Henri, La région du Tchad et du Ouadaī (Paris, Leroux, 1912), 1, 290, 299.Google Scholar

13 Modat, Capitaine, Une tournée en pays fertyt (Paris, Comité Afrique française, 1912), 7980.Google Scholar

14 Palmer, R., ‘The kingdom of Gaoga of Leo Africanus’, Journal of the Royal African Society, XXIX (19291930), 280–4 et 350–69.Google Scholar

15 ‘The so-called Kuka of Fitry are commonly called Nuba’.

16 Palmer écrit: ‘It is evident that Leo Africanus's Gaogha was a Daju kingdom in the Fitri region, which was doubtless under Bulala dominance at the time Leo Africanus wrote’ (‘The kingdom of Gaoga’, 283).

17 selon Carbou—ce dermer cite la grande bataille tribale qui eut lieu au début du dix eptième siècle et qui opposa lea Dadjo (commandés par leur grand chef de guerre Nebdounia), lea Bilala (du sultan Djili Esa Toubou, appelé par Barth, Djilchikoméni et les Am-Semen (chef Délékaroua). Cette batailie cut effectivement lieu près du lac Fitri, situé sur la voie de retraite des Dadjo. L'argiie noire du pays est encore appelée, selon Carbou, dam bouiala, sang des Bilaia ou Boulala.

18 Epaulard, , 1956, p. 1.Google Scholar

19 Il s'agit bien de l'ancien royaume qui avait nom Dongola (appelé Dangala par Léon qui en donne une description) et non de celui d'Aloa, sur lequel, comme nous le relèverons plus loin, l'auteur reste muet.

20 Edrissi, , Description de l'Afrique et de l'Espagne, tr. Dozy, R. et Goeje, M. J. (Leyde, 1866), 11;Google Scholar Ibn Said dans Kamal, Y., Monumenta cartographica Africae et Aegypti (Le Caire et Leyde, 19261951), IV, fol. I (1936), 1082.Google Scholar

21 Tradition qui explique bien la longue lutte que ceux-ci méneront, tout en étant devenus musulmans, contre des families arabes méprisantes à leur égard (telles que les Djalisin).

22 Une monnaie de Dioclétien (284–305, dates précédant de peu la destruction de Méroë) a été trouvée à El Obeid au Kordofan (OSudan Notes and Records (xvi) 187). Leclant (Kush XI (1963), 312–13) a relevé que les découvertes de monnaies anciennes au Soudan sont rares. Cet état de choses semble confirmer la coutume (à laquelle fait allusion Léon) de vendre des monnaies comme marchandises aux caravaniers égyptiens. On sait que pendant de longs siècles toutes les monnaies avaient cours en Egypte. Sur les monnaies ptolémaïques du Soudan, voir aussi Mauny, , Lybica, IV (1956), 254.Google Scholar

23 Sur le Darb al Arbaïn voir Shaw, W. B. K.—‘Darb al Arbaïn’, Sudan Notes and Records, XII (1929), 6371Google Scholar et article, Encyclopédie de l'Islam (nouvelle édition, Leyde, Brill et Paris, Maisonneuve-Larose-1965), II, 160–1.

24 D'autre part, Léon l'Africain, malgré la race noire des habitants de Kharga, qu'il ne conteste pas, tenait-il aussi à la ranger dans ‘l'Afrique blanche’. Il la citait déjà (Epaulard, 1956, 7–8) sous le nom d'El Oacat ou El Oachet, comme la dernière des oasis de la Numidie en commençant par l'ouest.

25 A l'extrémité du Darb al Arbaïn à Assiout, il existait depuis longtemps une forte communauté chrétienne monophysite. Selon Yakout (édition Wüustenfeld, I, 272, cité par Scheffer, op.1cit. III, 399), la ville était réputée pour ‘ses étoffes, son sucre, ses coings et ses oignons’. Elle comprenait ‘75 églises chrétiennes et des monastères avec une centaine de moines’.

26 Sur les fragments de poterie d'Aïn Fara: dans, A. J. ArkellKush, VII (1959), 115–19—3 figures et planche XXVIIGoogle Scholar et Simon, J., Bibl. Copte, 12—(1959), no 530 dans Orientalia, no29 (Rome, 1960).Google Scholar

27 Epaulard, , op. cit. 1956, 16.Google Scholar

28 Mauny, , Tableau géographique de l'Ouest Africain au Moyen-Age (Dakar, 1961).Google Scholar

29 Le Rouvreur, A., Sahariens et Sahéliens (Paris, Berger-Levrault, 1962), 108–9.Google Scholar

30 Léon emploie pour désigner l'Abyssinie, l'expression haute-Ethiopie alors également utilisée à Rome (Cuvelier, Jadin) par opposition à la basse-Ethiopie ou Congo. On sait que dès 1513 une ambassade congolaise s'était rendue de Lisbonne à Rome par voie de terre (Lopez—Pigafetta).

31 Rappelons la mission de Covilham et de Païva en 1487 dont le caractère plus politique qu'apostolique était évident et la mission Alvarez en Abyssinie en 1520. Une bulle du 4 janvier 1554 du pape Nicolas V louait le roi Alphonse et le prince Henri du Congo d'avoir arraché aux infidèles des contrées inconnues et d'avoir recherché la route vers des peuples do l'Inde, vénérant le nom du Christ.