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Vers Une Reforme Du Secretariat Des Nations Unies?

Published online by Cambridge University Press:  22 May 2009

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Les derniers mois de 1960, les premiers mois de 1961 ont suffi a provoquer, dans l'histoire des Nations Unies, un tournant spectaculaire et peut-etre decisif, bien qu'il soit encore fort difficile de discerner la direction dans laquelle l'Organisation internationale va se trouver engagée. Au moment où ces lignes étaient écrites, les changements d'atmosphere et de perspectives etaient deja impressionnants. La diplomatic sovietique a été le moteur principal de cette evolution, l'affaire du Congo, l'occasion, ou le levier, la position du Secrétariat et de son chef, l'objectif. Car on ne saurait douter que si la personne de M. Dag Hammarskjöld est aussi violemment mise en cause, c'est, à travers elle, l'institution qu'il incarne et à laquelle il avait su conferer un prestige et des moyens d'action sans précédent qui est visée et c'est ce qui fait la gravite de la crise. Aussi n'est-il pas inutile, peut-etre, au moment où, passees les premières protestations, certains commencent à penser que des changements sont inévitables, de se demander ce qui est réellement en jeu. Pour ce faire, force est de se tourner d'abord vers le passé et de considérer comment s'est formée, dans la pratique des Nations Unies, la fonction politique dont ont été charges le Secretariat et surtout son chef. Nous devrons ensuite examiner les attaques dont elle a été l'objet et apprécier les propositions de réforme qui ont été avancées.

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References

1 V. une excellente analyse de cette activité administrative dans Nicholas, H. G., The United Nations as a Political Institution, London, Oxford University Press, 1959, p. 146151Google Scholar. Add. infra, p. 10.

2 Résolution 906 (IX). Nous nous permettons sur ce point comme sur l'ensemble des développements consacrés à l'analyse des fonctions diplomatiques du Secrétaire général, de renvoyer à notre étude sur “Le rôle politique du Secrétaire général des Nations Unies,” Annuaire Français de Droit International, 1958, p. 360–399. Cf., en particulier, p. 377.

3 Kasme, Badr. La Capacité de l'Organisation des Nations Unies de Conclure des Traités, Paris, L.G.D.J., 1960. V. en particulier, p. 187 à 194Google Scholar.

4 V. par exemple, la résolution du Conseil de Sécurité du 4 avril 1956.

5 V. par exemple sa déclaration devant le Conseil de Sécurité le 13 juillet 1960 (S/P.V. 873).

6 Cf. par exemple ses conférences de presse des 2 janvier et 20 février 1958.

7 V. par exemple la déclaration du Secrétaire général devant le Conseil de Sécurité le 7 décembre 1960 (S/P.V. 913).

8 Cf. Etude sommaire sur l'expérience tirée de la création et du fonctionnement de la Force (A/3943), No. 174. Le Secrétaire général a encore précisé qu'il ne s'estimait pas autorisé à intervenir dans un conflit interne avec des forces armées lorsque le Conseil de Sécurité n'a pas expressément adopté des mesures de coercition conformément aux art. 41 et 42 (S/P.V. 887 et S/P.V. 920).

9 V. les importantes déclarations du Secrétaire général devant le Conseil de Sécurité, les 7 et 13 décembre 1960 (S/P.V. 913 et 920) et devant l'Assemblée générale, les 17 et 19 décembre 1960 (A/P.V. 953 et 957). Cf. avec son attitude dans l'affaire du Liban. V. infra note 11.

10 Déclaration devant l'Assemblée générale du 26 septembre 1957 (A/P.V. 690).

11 Dans l'affaire du Liban, par exemple, cf. la déclaration du Secrétaire général devant lc Conseil de Sécurité, le 22 juillet 1958 (S/P.V. 837).

12 Par exemple, en faveur de la proposition américaine de système d'inspection dans la région arctique, en vue de prévenir les attaques par surprise (Déclaration devant le Conseil de Sécurité du 29 avril 1958: S/P.V. 751). De la même façon, M. Dag Hammarskjöld avait précédemment salué l'initiative prise par l'U.R.S.S. en dehors de l'Organisation, de suspendre unilatéralement les explosions expérimentales de bombes atomiques.

13 C'est ainsi que le Secrétaire général soumit au Conseil de Sécurité la requête qu'il avait reçue du Laos en s'appuyant sur la pratique l'autorisant à être entendu par le Conseil chaque fois qu'il le demande et en écartant expressément l'application de l'article 99 (V. le débat de procédure qui s'est élevé à ce propos: S/P.V. 847).

14 Cf. étude, notre: “Les Nations Unies et l'affaire du Congo en 1960, aperçus sur le fonctionnement des institutions,” Annuaire Français de Droit International, 1960Google Scholar.

15 V. le document S/4418 du 6 août 1960.

16 Notamment le Ghana: cf. S/4416, S/4420, et S/4427.

17 887, 888, et 889èmes séances du 21 août 1960.

18 S/4446.

19 Lettre datée du 20 août, du représentant permanent de l'U.R.S.S. au Secrétaire général (S/4450).

20 Séance du 14 septembre 1960 (S/P.V. 901).

21 Séance du 17 septembre 1960 (A/P.V. 858).

22 Séance du 23 septembre 1960 (A/P.V. 869).

23 Séance du 3 octobre 1960 (A/P.V. 882).

24 Séance du 3 octobre 1960 (A/P.V. 883).

25 Séance du 10 octobre 1960 (A/P.V. 896).

26 Séance du 3 octobre 1960 (A/P.V.882).

27 On a rapproché, évidemment, cette déclaration de l'attitude adoptée par l'U.R.S.S. à l'égard de M. Trygve Lie, qu'elle avait également cessé de reconnaître comme Secrétaire général après le 12 février 1951. Toutefois, dans ce dernier cas, la position soviétique pouvait invoquer, avec quelques apparences de raison, l'irrégularité du maintien en fonctions du Secrétaire général par une décision de l'Assemblée écartant les conséquences du veto opposé par l'U.R.S.S. à son renouvellement. Dans la présente occasion, une telle justification est exclue et la décision prise est juridiquement indéfendable.

28 Ajoutons que la position soviétique ne s'affirma pas seulement au sein de l'O.N.U. Les mêmes critiques contre l'action “unilatérale” et la mauvaise “distribution géographique” du personnel et les mêmes propositions de triumvirat furent rendues publiques dans certaines Institutions spécialisées, notamment à l'UNESCO, au cours de la IIème Conférence générale.

29 Cette note n'avait pas été publiée officiellement au moment où furent écrites ces lignes.

30 Dans la déclaration qu'il fit le 18 janvier 1961 devant la commission sénatoriale des Affaires étrangères, M. Adlai Stevenson devait déclarer “the United Nations—as an idea and as an institution—is an extension of Western ideals; … of Western ideology.”

31 Cf. la déclaration du délégué soviétique à la 5ème commission, M. Rochtchine, le 19 novembre 1960 (A/C.5/SR.792) et celle, plus précise dans le sens de l'égalité entre les trois groupes, du délégué tchèque le 17 novembre (A/C.5/SR.791).

32 On n'en donnera qu'une illustration, faisant apparaître une inconséquence frappante dans les propos de M. Krouchtchev. Il définit le 23 septembre (A/P.V. 869) l'un des blocs comme constitué par “les Etats membres qui appartiennent aux blocs militaires des Puissances occidentales,” ce qui exclut évidemment la Suède, qui n'a adhéré à aucun de ces “blocs” et quiest citée, d'ailleurs, dans une autre partie du même discours, parmi les “pays capitalistes neutres” dont les relations avec les pays du camp socialiste sont désignées comme un exemple de coexistence pacifique. La Suède doit donc, en toute logique, figurer dans le troisième groupe, des Etats “neutres.” Pourtant le 3 octobre (A/P.V. 882), M. Krouchtchev déclare que “le poste de Secrétaire général est tenu par un représentant des Puissances occidentales.” On sait que M. Dag Hammarskjöld est ressortissant suédois. Que vaut alors l'idée de représentation des “groupes” par des nationaux des Etats qui les composent? Il est pourtant d'autant plus difficile de dire dans ce cas que “les puissances occidentales … utilisent ce poste dans leur intérêt en proposant un candidat qui leur plaît” (discours du 23 septembre), que l'U.R.S.S. peut s'opposer, par son veto, à tout candidat qui n'a pas son agrément.

33 Discours du 3 octobre 1960 (A/P.V. 882).

34 Discours du 3 octobre 1960 (A/P.V. 882).

35 On peut même dire que le “nouveau veto” tend à permettre à la minorité de faire prévaloir, dans tous les cas et à tout moment, sa volonté sur celle de la majorité.

36 Aussi pourrait-on prévoir, sans paradoxe, une attitude plus compréhensive des Etats Unis à l'égard de ce projet, une fois 1'affaire du Congo liquidée, s'il n'existait pas d'autres raisons tactiques qui doivent les en écarter encore longtemps. Ce ne serait pas la première fois que jouerait la solidarité des grandes Puissances.

37 Aussi M. Dag Hammarskjöld a-t-il très logiquement invoqué ses responsabilités primordiales à l'égard de ces Puissances pour refuser de présenter la démission que lui réclamait l'Union soviétique (A/P.V. 883).

38 Cf. l'ouvrage classique de Mme. Bastid, , Les Fonclionnaires Internationaux, Paris, 1931Google Scholar; Bedjzoui, Mohammed, Fonction Publique Internationale et Influences Internationales, Paris, London, 1958Google Scholar.

39 Nous ne tenterons pas de prendre parti dans la querelle souvent reprise au sein de la 5ème commission sur l'importance respective que doivent revêtir ces deux critères—qualités personnelles, répartition géographique—dans la politique de recrutement du Secrétariat. Cette querelle s'alimente surtout à des différences d'exégèse du texte de 1'art. 101, 3. Nous nous contenterons de rappeler que ces deux éléments ne doivent pas être considérés comme contradictoires, mais sont complémentaires.C'est évident et nous croyons l'avoir expliqué avec assez de clarté. L'Assemblée générale ellemême a tenu à 1'affirmer solennellement dans sa résolution 153 (II) du 15 novembre 1947. Personne ne le met plus en doute aujourd'hui, même à la 5ème commission.

40 Les “groupes d'Etats,” confrontés à la pratique, risquent ainsi de n'apparaître que comme une fiction, un écran dissimulant mal la silhouette aisément reconnaissable d'Etats particuliers.

41 Déclaration du 23 septembre 1960 devant l'Assemblée générale (A/P.V. 869). M. Krouchtchev s'est efforcé, il est vrai, de donner plus d'attrait à ce que cette conception restrictive aurait pu avoir de maigre et décevant aux yeux des Etats membres, en organisant le grand show et la grande confrontation diplomatique qu'a été la réunion de l'Assemblée générale “avec la participation des chefs d'Etat et de gouvernement.” Cette démonstration a été gâtée par l'absence totale de résultats concrets et les déconvenues éprouvées par certains leaders. Elle y a sans doute perdu une grande part de sa force convaincante.

42 Le rejet par l'U.R.S.S. des principes posés par l'art. 100, en particulier, risque de soulever des difficultés sérieuses au moment où le nombre des fonctionnaires de nationalité soviétique doit être considérablement relevé.

43 Le délégué soviétique à la 5ème commission a lui-même reconnu l'utilité de ce critère (A/C.5/SR. 792), s'écartant ainsi notamment des positions prises par les représentants d'autres Etats membres du “camp socialiste,” qui n'y voyaient qu'un principe capitaliste (V. par exemple l'intervention du représentant de la Tchécoslovaquie à la même commission: A/C.5/SR. 791).