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Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
La transformation des pratiques professionnelles au cours des dernières décennies a fait l'objet d'études sociologiques relativement nombreuses. Pour rendre compte de cette transformation en cours, on y analyse le jeu interactif de facteurs d'ordres divers: le développement scientifique et technologique, qui aurait modifié de façon radicale les pratiques professionnelles et leur statut propre en les faisant passer de l'art à la technoscience; le souci croissant, dans les sociétés démocratiques néo-libérales, du respect de l'autonomie des personnes, et l'appel corrélatif à la prise en charge d'elles-mêmes par les personnes et par les collectivitées; l'institutionnalisation des pratiques professionnelles, comme plus largement de toutes les pratiques de travail, et leur soumission conséquente aux exigences des rationalités économique (et proprement budgétaire et comptable) et administrative (et souvent bureaucratique); l'interdépendance de facto des diverses pratiques professionnelles, interdépendance désormais requise en vue de la prise en compte de la complexité des interactions dans la dynamique de réalités et de situations toujours mouvantes; les réclamations d'un contrôle démocratique plus rigoureux tant des interventions professionnelles elles-mêmes et de leurs orientations que de leur instrumentation.
1 J'ai traité de ces thématiques, à propos des pratiques professionnelles dans le champ biomédical, dans L'éthique et le droit face aux nouvelles technologies biomédicales. Prolégomènes pour une bioéthique, Montréal, Presses de l'Université de Montréal; Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1990Google Scholar. Voir aussi la revue de littérature présentée par Bourgeault, Guy, Kaudem, Édouard et Minta, Souleymane, «Développement technologique, éthique professionnelle et formation permanente: éléments de problématique», informel, vol. 4, no 1 (1991), p. 41–51.Google Scholar
2 Sur les distinctions et les rapports entre éthique, morale et déontologie, voir les «points de repére» proposés par Gaudette, Pierre, sous le titre «Éthique, morale, déontologie: une question de mots?», dans L'éthique professionnelle. Réalités du présent et perspectives d'avenir au Québec (Cahiers de recherche éthique, no 13), Montréal, Fides, 1989, p. 23–29.Google Scholar
3 Au sujet de la distinction faite ici éntre morale et éthique, je renvoie aux propos de mon article sur «L'éthique et le droit face á la technologies» Revue juridique Thémis, vol. 22, no 3 (1988), p. 275–376Google Scholar, spécialement p. 282: «J'entends par morale(s) ce qui est système(s) et codification(s) d'exigences régissant la conduite humaine, réservant le mot éthique pour désigner ce qui, échappant aux systèmes et aux codes et les transcendant tout en y inscrivant parfois les résultats de ses démarches, oriente néanmoins, par ses questions et ses propositions plus que par l'imposition de règies, la conduite humaine.» Voir aussi L' éthique et le droit, p. 51–63.
4 Antoine, Pierre, Morale sans anthropologie, Paris, Éd. de l'Épi, 1970.Google Scholar
5 Sur la prévention universelle de morales qui, ne pouvant étre que partielles et partiales, sont nécessairement «tribales», et sur l'effet de domination résultant de cette prévention ou se fondant sur elle, voir les propos de Lagadec, Claude, La morale de la liberté, Longueuil, Éd. du Préambule, 1984, p. 61sqq.Google Scholar; ou de Noël, Lise, L'intolérance. Une problématique générate, Montréal, Boréal; Paris, Seuil, 1989.Google Scholar
6 Habermas, Jürgen, Théorie de l'agir communicationnel, Paris, Fayard, 1987.Google Scholar
7 Hottois, Gilbert, Le signe et la technique. La philosophie à l'épreuve de la technique, Paris, Aubier, 1984Google Scholar; du meme auteur, Pour une éthique dans un univers technicien, Documents, Bruxelles, Éd. de l'Université de Bruxelles, 1984.Google Scholar
8 L'effort de prévision scientifique, après avoir tenté quelque temps de pallier les aléas d'une providence défaillante et d'une prévoyance insuffisante, doit déclarer forfait, note Serres, Michel, dans les Actes du colloque Génétique, procréation et droit, Paris, Actes Sud/Hubert Nyssen, 1984, p. 147–148.Google Scholar
9 Sur la responsabilité comme nouveau paradigme éthique, je renvoie à un texte publié sous le titre «Une éthique de la responsabilité: perspective, repères, jalons», dans l'ouvrage collectif Des enjeux éthiques pour demain (Cahiers de recherche éthique, no 14), Montréal, Fides, 1990, p. 97–118.Google Scholar
10 Collingridge, David, The Social Control of Technology, London, Frances Pinter, 1980Google Scholar; New York, St. Martin's Press, 1982, p. 19: «The dilemma of control may [ … ] be summarized: attempting to control a technology is difficult, and not rarely impossible, because during its early stages, when it can be controlled, not enough can be known about its harmful social consequences to warrant controlling its development; but by the time these consequences are apparent, control has become costly and slow.» David Collingridge illustre ce phénomène, ce «dilemma», en rappelant que le gouvernement de la Grande-Bretagne c'est vivement préoccupé, en 1908, de la poussière soulevée par les automobiles qui venaient de faire leur apparition sur les routes, prenant les mesures requises pour retenir au sol cette poussière. On ne pouvait guère prévoir alors les embouteillages à venir sur les autoroutes, la pollution rendant irrespirable l'air des mégapoles, l'effet de serre menaçant la vie sur la planéte. Ces effets néfastes sont aujourd'hui connus, mais il n'est pas possible de les contrer ou de simplement les contenir à court terme: la vie économique et sociale dans les régions fortement urbanisées et hautement industrialisées serait bouleversée de façon radicale par la mise au rancart de l'automobile, et les timides mesures de correction que l'on tente d'apporter, outre qu'elles seront vraisemblablement insuffisantes, sont è la fois terriblement coûteuses et lentes à produire leurs effets.
11 Popper, K., Objective Knowledge, Oxford, Oxford University Press, 1972.Google Scholar
12 Sur la nécessaire prise en compte de l'inconnu, voir aussi l'article de Bazelon, David L., «Governing Technology», Technology in Society, vol. 5, no 1 (1983), p. 15–25.CrossRefGoogle ScholarPubMed
13 Lagadec, Patrick, Le risque technologique majeur. Politique, risque et processus de développement, Paris, Pergamon, 1981Google Scholar; du même auteur, La civilisation du risque. Catastrophes technologiques et responsabilité sociale, Paris, Seuil, 1981.Google Scholar
14 Le mot de Talleyrand est cite par Patrick Lagadec, dans La civilisation du risque, p. 205.
15 David Collingridge, The Social Control of Technology, p. 45–147.
16 Elliott, David et Elliott, Ruth, The Control of Technology, London, Wikeham, 1976, p. 132sqq.Google Scholar
17 La technologie contestée. Participation du public et prise de decision en matière de science et de technologie, Paris, OCDE, 1979.Google Scholar
18 Hubert Doucet, ‘Le discours éthique en quête de validité: l'exemple de la bioéthique’, dans les Actes du colloque L' éthique à venir, Rimouski, les Éditions du Groupe de recherche ETHOS (Université du Québec à Rimouski), 1987, p. 343–352; Bourgeault, Guy, «La bioéthique: son objet, sa méthode, ses questions, ses enjeux», Ethica, vol. 1, no 1 (1989), p. 63–93Google Scholar; Bourgeault, Guy, ‘Qu'est-ce que la bioéthique?», dans Marie-Helene Parizeau, dir., Bioéthique: méthodes et fondements (Cahiers scientiflques de l'ACFAS, no 66), Québec, ACFAS, 1989, p. 63–75Google Scholar; Hottois, Gilbert, Le paradigme bioéthique. Une éthique pour la technoscience, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1990.Google Scholar
19 Racine, Louis, «Déontologie et éthique de l'ingénierie», Ethica, vol. 2, no 1 (1990), p. 109–122.Google Scholar