Published online by Cambridge University Press: 05 May 2010
Le présent article se propose, pour rendre hommage à l'admirable travail du Pr Martial Gueroult sur l'Éthique de Spinoza, non de tenter une revue critique qui manquerait inévitablement d'ampleur et de précision, mais d'examiner un point important de la doctrine: instruit par les analyses du commentateur, nous voudrions présenter quelques réflexions complémentaires sur la délicate question des rapports de la Substance et des Attributs.
1 Martial Gueroult, Membre de l'Institut de France, Pr honoraire au Collège de France. Spinoza, I, Dieu (Éthique, I) et II, L'Âme (Éthique, II), Paris, Aubier, 1968, et 1974, 2 vol. de 623 et 671 p. (Coll. «Analyses et raisons»). En préparation: III. Servitude et libération. — Sauf indication contraire, nous renvoyons cidessous aux deux premiers tomes simplement par les numéros I et II, suivis de ceux des pages concernées. — Une recension de I a paru dans la présente Revue sous la signature de J.P. Brodeur (no X-1 de 1971, p. 162–164).
2 Cette expression scolaire d'apparence trop modeste désigne en fait un exercice très difficile («difficile autant que rare», comme eût dit Spinoza), au centre même de l'historiographie philosophique.
3 V. Hugo, William Shakespeare, 1, 2.
4 I, p. 9.
5 Ce qui échappe au regard de l'entendement humain ne le domine ni ne le relativise. Le savoir spinoziste est sans bornes, quoique limité, exactement à l'inverse du savoir kantien (cf. les termes de Schranke et Grenze, Prolegomena…. § 57).
6 La question de savoir si et dans quelles conditions cet accès au savoir absolu est possible pour tout être humain sera ici laissée de côté. Signalons à ce propos que la relation de l'Éthique aux œuvres politiques a été étudiée dans un ouvrage excellent, le seul qui, à notre connaissance, examine en détail comment s'articule l'ensemble des œuvres de Spinoza: Matheron, A., Individu et commnnanté chez Spinoza, Paris, Ed. de Minuit, 1969Google Scholar (voir aussi du même Le Christ et le Salut des Ignorants chez Spinoza, Paris, Aubier, 1971).
7 I, p. 13.
8 «Deum, sive omnia Dei attributa». Cor. II post Prop.XX in Ethica I, trad. Appuhn. — Définition de la substance: Eth. I, Def. III. — Substance et attribut. «idem est», Eth. I, Prop. IV, Demonstr.
9 Eth. I, Def. VI et Explicatio.
10 «Substantiam constantem infinitis attributis», Eth. I, Def. VI. La formule perd en francais son sens actif et la nuance de solide cohesion dont le verbe constare n'est jamais entièrement dépouillé.
11 I, p. 402.
12 I, p. 70 (les mots toutefois et par sont soulignés par nous).
13 Voie aristotélicienne. Cf. Aristote, Métaphysique Z, 1041 b 10–34.
14 Impitoyablement passées au crible, avec le détail des contresens, dans I, Appendice no3, p. 428–461. Entre autres intérêts, cette revue aide à comprendre, nous semble-t-il, la désaffection de certains milieux philosophiques pour l'histoire de la philosophie. À partir du moment où ce qui se fait passer pour cette discipline est incapable de se décentrer de quelques schémas plus ou moins modernes et parfois très usés, l'originalité des grands penseurs, leur force propre, leur «utilité» pour notre réflexion, restent insoupçonnées. Le manque d'ouverture de l'historien speécialisé fait qu'autour de lui on ne ressent plus le besoin d'une histoire de la philosophie. C'est exactement de la même façon que certaines formes de «contre-cultures» (qui, dans les meilleurs cas, devraient refuser ce terme significatif) ont commencé par se figurer que la culture était réellement et authentiquement ce qu'on leur offrait sous ce nom.
15 On a parfois l'impression que les interprètes se fixent sur une étape de la formation de Spinoza, sans vouloir l'accompagner jusqu'au bout. Par exemple, Hartmann (cf. I. p. 455) semble proche de tel passage du Court Traité (premier «Dialogue» après I, chap. II, trad. fr. dans les Œuvres complètes — presque complètes —, Paris, 1954, trad. R. Caillois et M. Francès) où s'opposent non la raison et 1'entendement, qui y sont toutefois distingués, mais la raison et une «concupiscence» qui reste proche parente d'un entendement séparateur et par là maitre de fausseté. C'est la concupiscence qui prétend «que la substance qui pense n'a rien de commun avec la substance étendue» (p. 83) et elle se fait tancer par la raison.
16 Cf. I, p. 446–447. Opp. Cogitata, II, chap. V. Ici encore, c'est à un Spinoza pré-spinoziste qu'on raccorderait aisément les interprétations traditionnelles. en l'espèce celles qui sont dans le style d'Erdmann. Le chapitre cité des Cogitata réduit les différences entre attributs à des distinctions de raison, « doctrine traditionnelle que Spinoza a rejetée dans tous ses autres ouvrages» (I. p. 446).
17 Opp. Eth. I, Prop. IX et Sch. post Prop. X.
18 Cf. Eth. I, Prop. V, — dont la contradictoire ruinerait l'option fondamentale (cf. I, p. 119).
19 Cf. Eth. I, Prop. XIII.
20 Cf. I, p. 184 et 185. — C'est l'objection d'Oldenburg. lettre III, rappelée par M. Gueroult en I, p. 141 et n. 1.
21 1. p. 447.
22 Particulièrement, mais non pas exclusivement dans les cultures de langue française. Par ex., Maréchal, J., Précis d'Histoire de la Philosophie moderne, 1, Bruxelles, 1951, p. 106Google Scholar: «À partir de 1660–1661, c'est nettement la philosophie cartésienne qui domine sa pensée» (la pensée de Spinoza) et p. 118: «La Méthode ‘géométrique’ de l'Éthique est celle du rationalisme mathématiste de Descartes» tandis que, p. 112, «l'influence du philosophe anglais» — Hobbes — «se fait sentir dans le Tractatus theologico-politicus et dans la rédaction finale des 3e et 4e parties de l'Éthique», sans plus. — De même, Wolfson, H.A., dans The Philosophy of Spinoza, 1934, réimpr. New-York, 1958, vol. 1, chap. IIGoogle Scholar, en examinant la méthode géométrique, se réfère principalement à Descartes et ne souffle mot de Hobbes.
23 «La mathématique (…) est concue par Descartes d'après l'analyse des anciens et l'algèbre des modernes, elle est conçue par Spinoza d'apres la géométrie d'Euclide. réformée par Saville et par Hobbes, réforme qui confère un caractère hautement génétique au procédé euclidien» (I, p. 36–37). Cette indication est développée en II. p. 467–487, surtout p. 480–482 (divergence de Descartes et de Spinoza) et p. 482–487 (source hobbienne de la genèse spinoziste).
24 II. p. 486.
25 Une raison suffisante de cette discrétion était la mauvaise réputation de l'auteur. surtout sous la Restauration. Sa théorie autoritariste-réaliste du pouvoir, évidemment hostile aux idéaux démocratiques, n'en heurtait pas moins l'idéologie de la monarchic absolue de droit divin. En 1670, Leibniz lui écrivit pourtant, arm de lui dire toute l'étendue de sa dette (cf. Philosophischen Schriften, éd. Gerhardt, 1. p. 82 ou VII. p. 572).
26 Cette orientation traditionnelle, préjudiciable tant à une interprétation correcte de la science politique de Hobbes qu'à une évaluation suffisamment généreuse de l'ensemble de son œuvre, se modifie depuis quelques lustres. Elle avait été moins nettement restrictive en Allemagne et en Italie que chez les Anglo-Saxons et en France. — Voir la «storia della critica» de A. Pacchi, Introduzione a Hobbes, Bari, 1971, p. 125–151.
27 Il avait aussi servi Bacon et travaillé avec lui (vers 1623–25?); il rencontra personnellement Galilée en 1635, Descartes en 1648. Son exil parisien. qui s'ouvre sur une polémique avec Descartes sur la Dioptrique de celui-ci, dura 11 ans (fin 1640-fin 1651) et il avait fait auparavant plusieurs autres voyages en France et en Italic.
28 Hobbes a rédigé trois traités d'optique, deux en latin (vers 1640 et vers 1644–45) et un en anglais (1645–46, dont une partie se retrouve dans le De Homine).
29 Henry Savile (mieux que Saville), 1549–1622, fonda à Oxford une première chaire de géométrie en 1619 et ouvrit son enseignement l'année suivante. Sorti de l'Université dès 1608, Hobbes n'y avait connu aucun enseignement de mathématiques. C'est vraisemblablement peu après sa «découverte» d'Euclide (1629 ou 1630) qu'il s'intéressa aux conceptions de Savile, dont les Praelectiones tresdecim in Principium Elementorum Euclidis avaient paru à Oxford en 1621.
30 Cf. II, p. 483, n. 60; les principaux textes de Hobbes sur la réforme de la géométrie sont publiés entre 1655 et 1660. Le De Intellectus Emendatione (Réforme de l'Entendement) datant à peu près de l'hiver 1661, la chronologie ne fait pas difficulté, d'autant que Spinoza connaissait Oldenburg depuis juillet 1661 et ne pouvait done ignorer les problèmes scientifiques débattus au grand jour dans la nation voisine. On sait par ailleurs qu'il possédait dans sa bibliotheque les Opera philosophica que Hobbes fit publier à Amsterdam en 1668. Brunschvicg, Étapes de la philosophie mathematique, Paris, 3e éd., 1947, ne suit qu'avec trop d'hésitation, p. 91, n. 3, les indications données par Cassirer en 1907, au t. II de Das Erkenntnisproblem; on ne peut se contenter de «soupçonner» la filiation. Davantage: c'est très probablement l'Examinatio et emendatio mathematicae hodiernae de 1660 qui a été sa source essentielle, sinon exclusive; c'est le texte de Hobbes où les principes de la géométrie génétique sont les plus nets, le titre de l'ouvrage de Spinoza qui suit de peu comporte un terme identique, on trouve des ressemblances jusque dans certains détails non nécessaires (par ex. les derniers mots de l'Éthique. auxquels nous avons fait allusion ci-dessus en n. 2, semblent à rapprocher de l'Examinatio, Dialogus II, Opera latina, éd. Molesworth, réimpr. Aalen, 1966, IV, p. 85: «Scio quae pulchra sunt, difficilia esse», par ailleurs, comme on sait, derniers mots du Grand Hippias de Platon).
31 Tiré de l'Examinatio de 1660 et traduit par M. Gueroult en II, p. 484 (Opera latina, IV, p. 86–87). Le texte repris par Molesworth est celui des Op. philosophica de 1668. identique sur ce point à l'éd. de 1660 (p. 54–55). — Cf. Savile, Praelectiones, p. 59: «generatio lineae», etc.
32 «Optime definiunt illi, qui generationem rei in definitione explicant» (Op. Latina, IV, p. 87 = éd. de 1660, p. 55).
33 Cf. Op. latina, IV, p. 76.
34 Cf. II, p. 481, qui se réfère a Brunschvicg, Étapes, p. 138–141, on peut ajouter ibid., p. 112. Le texte du Monde, VII, Adam-Tannery, XI, p. 39, sur le mouvement du point expliquant la ligne, etc., est évidemment proche parent de celui de l'Examinatio, Op. latina, IV, p. 31, 33, 58, mais Descartes ne prend pas l'idée à son compte. Voir ci-dessous, à la n. 51.
35 II, p. 481.
36 Cf. Regulae, Adam-Tannery, X, p. 421 et Belaval, Y., Leibniz critique de Descartes, Paris, 1960, p. 135Google Scholar: «sa Géométrie (de Descartes) se borne à décrire des courbes par points coordonnés, elle fixe des positions, elle procède par équations statiques, elle exclut l'infini.» La composition selon Descartes qui pense les éléments un à un avant de les réunir en un tout est sans garantie aux yeux de Leibniz, cf. ibid., p. 155 sq. Leibniz ne critique pas moins l'analyse cartésienne des idées, cf. p. 153 sq., mais si les définitions per genesim de la géométrie sont posées comme fictives, purement idéales, ce que précisent Hobbes dans l'Examinatio, Op. lat. IV, p. 87 (après Savile, Praelectiones, p. 138) et Spinoza dans le De Emendatione, éd. Koyré, 2e éd., Paris, 1951, p. 58–59, alors la critique de l'analyse perd son fondement réaliste. Leibniz est plus proche de Hobbes et de Spinoza que de Descartes: songeons seulement à la différence de la géométrie métrique de Descartes et du dynamisme interne du calcul différentiel.
37 Cf. II, p. 485–486.
38 On comparera Euclide, livre XI, déf. 14, Hobbes, op. cit., p. 87 et Spinoza, op. cit., p. 58–61. Le texte d'Euclide est le plus précis, les deux autres. plus allusifs, le supposent connu. Texte dans l'éd. Heath, Euclid's Elements, éd. de 1956, New-York, III, p. 269, avec un commentaire; trad. p. 261.
39 Euclide, livre I, déf. 15 et 16 (cercle et centre du cercle), 17 (diamètre) et 18 (demi-cercle), éd. Heath, I, p. 183, 185 et 186 pour texte et comm., 153–154 pour trad. Critique de Hobbes, op. cit., p. 87, qui relève le postulat 3 (possibilité de décrire des cercles de tout centre et de toute taille) comme se référant à une définition génétique manquante (cf. Heath, I, p. 184).
40 Spinoza rappelle à son tour que l'entendement «perçoit les corps s'engendrant par le mouvement du plan (ex motu alicujus plani corpus… oriri percipit), le plan par celui de la ligne, enfin (denique) la ligne par celui du point» (De Intell. Emendatione, p. 88–89, trad. Koyré). Les caractères de la connaissance géométrique selon Spinoza sont détaillés en II, p. 473–477 et plusieurs parallèles précis avec Hobbes sont relevés ibid., p. 484 et n. 68.
41 II, p. 485. La «propriété fondamentale» est ce que Spinoza nomme «quantité infinie» (De Intell. Emendatione, p. 88–89) et il précise dans l'Éthique I, Sch. post Prop. XV, éd. Appuhn, Paris, 1934, p. 54, qu'il s'agit de ce qui correspond idéalement à l'attribut-substance de l'étendue, «infinita, unica, et indivisibilis». C'est ce que Hobbes nomme «spatium imaginarium» (De Corpore, II, 8, 5. Op. latina I, p. 93), «infinitum» en ce qu'il peut dépasser toute détermination chiffrée (Principia et problemata. Op. latina V, p. 212), mais, — Hobbes s'affirmant nominaliste, — sans correspondre à un attribut-substance.
42 Cf. I, p. 172–173 et de Intell. Emendatione, p. 76–77. Sur ce point, c'est à Descartes, cette fois, qu'il finit par se rallier. Pour Hobbes, Dieu est sans cause et cela ne fait pas problème, position fort traditionnelle avant Descartes. Le texte du De Cive, II, 15. 14 n'autorise pas le traitement que lui fait subir R. Polin, Politique et philosophic chez Hobbes, Paris, 1953, p. XV, en y introduisant arbitrairement que «tout être sans cause est contradictoire», alors que le texte rappelle au contraire comme vérité communément admise que «ce qui est éternel ne peut avoir de cause» («aeterni causa esse non potest», Op. latina II, p. 340).
43 Encore s'agit-il plutôt de reconstruction et de réagencement, plus souvent encore d'une sorte de soumission éclairée. Comprendre qu'il faut obéir et en conséquence se soumettre effectivement, tel est l'essentiel de l'accord du savoir et du faire pour presque tous et presque en toute circonstance. La science, en fin de compte, ne mord que bien timidement, chez Hobbes, sur le réel, même dans le domaine humain.
44 Voir surtout à ce sujet II, p. 486–487, avec pour Hobbes les références au De Corpore et au De Homine. On peut y ajouter un texte important de l'Épître dédicatoire aux Six Lessons de 1656, English Works, éd. Molesworth, VII, p. 183. — Une des raisons pour lesquelles, aux yeux de Hobbes, la certitude scientifique nous échappe en physique est le principe qui veut qu'un même effet puisse avoir plusieurs causes, cf. Hobbes, Critique du De Mundo de White, éd. Jacquot-Jones. Paris, 1973, p. 192–193 (texte datant de l'hiver 1643 environ).
45 Selon l'impressionnante formule de la lettre LVI à Boxel: «Ad quaestionem tuam, an de Deo tam claram, quam de triangulo habeam ideam, respondeo affirmando» (éd. Gebhardt des Opera, Heidelberg, 1924, IV, p. 261, cite Gueroult. I, p. 11, n.4). «Vous m'avez demandé si j'ai de Dieu une idée aussi claire que du triangle. Je réponds que oui» (trad. Misrahi, in Œuvres complètes, p. 1303).
46 Cf. éd. Heath, I, p. 240 sq.
47 Cf. ibid., p. 154 et 187–188.
48 Si l'on ne tient pas à conserver la priorité discutable qu'accorde Euclide au triangle sur le parallélogramme, étudié seulement à partir de I, prop. 33 (car en réalité la construction de I, prop. I donne deux triangles, soit un parallélogramme), la définition du triangle se fera plus simplement par la division du parallélogramme selon la diagonale (cf. définition du demi-cercle). Une définition génétique n'est pas nécessairement unique, elle peut changer avec les variations de présentation (systemes dits équivalents en axiomatique) ou même avec la pluralité des voies dans un même systeme, ce qui nous rappelle (cf.n.44 ci-dessus) la pluralité des causes possibles pour un même effet. Mais comme modèle de la métaphysique spinoziste, la géométrie ne retiendra pas ces possibilités de variation.
49 Sur Dieu et le triangle, cf. I, p. 142–143 et 166–167.
50 Cf. I, p. 171, n. 95: «il faut distinguer deux concepts de sphère: 1o le concept comme norme de la construction genetique; 2o le concept comme produit de cette construction».
51 Cf. Eth., sch. post Prop. XV, éd. Appuhn, p. 52, où Spinoza précise qu'il est absurde de considérer une ligne comme composée de points («lineam ex punctis componi»); il y aurait composition du continu par addition finie d'éléments (cf. la lettre XII). D'oà l'importance du mouvement dans la genèse de la ligne à partir du point, de la surface à partir de la ligne, etc., chez Spinoza et chez Leibniz. Descartes cite ce processus génétique (cf. ci-dessus, n.34), mais n'en trouve pas I'emploi, parce que sa géométrie refuse les courbes «mécaniques». Quant à Hobbes, son empirisme lui simplifie le problème: le point est une grandeur dont on néglige la quantitè, comme la largeur dans le cas de la ligne; l'incommensurabilité au sens de l'axiome d'Eudoxe-Archimède lui échappe et il se contente de l'incomparabilité» physique» ou sensible en faisant appel à une analogie d'ordre astronomique (la Terre comme point par rapport à son orbite de révolution annuelle), cf. Examinatio, Dialogus I, Op. latina IV, p. 33. Cette réduction de la mathématique à la «physique» a pour résultat de maintenir d'un bout à I'autre la genèse dans l'homogene et la continuité est offerte en quelque sorte au mouvement avant qu'il commence, sans qu'il ait besoin de se la conférer par lui-même. — Ces questions de genèse mathématique sont très anciennes et étroitement liées à l'opération géométrique: quadratrice d'Hippias (Dumont, , Les sophistes, Paris, 1959, p. 154–155Google Scholar), duplication du cube par Archytas (Diogène Laërce, VIII, 83), théories de Poseidonios et de Géminos (Bréhier, , Études de philosophie antique, Paris, 1955, p. 128Google Scholar). Chez les modernes, Savile n'est pas une exception et Hobbes a pu être influencé aussi par Kepler, Cavalieri (qu'il cite plusieurs fois et ne comprend guère) et même un certain Souvey (sur ce dernier Brunschvicg, Étapes, p. 166). — Le point et la ligne: Aristote, De Anima, 409 a 4. De Caelo. 299 a 6; Géminos, in Proclos, Comm. Encl., 185, 10; Savile, Praelectiones, p. 59 sq.
52 Spinoza traite des distinctions réelle, modale et de raison dans les Cogitata, II, chap. V, début (cf. Œuvres complètes, p. 329–330, trad. Roland Caillois). Sur la conception des attributs comme réellement distincts («realiter distincta»). Eth. I, sch. post Prop. X, début, éd. Appuhn, p. 34. Les attributs sont par là substantiels, bien qu'ils ne forment pas plusieurs êtres («entia»). c'est-à-dire une pluralité de substances séparées (cf. ibid.).
53 Cf. ci-dessus, p. 554 et n.20.
54 I, p. 142.
55 Cf. ci-dessus, n.50.
56 Tout comme l'énoncé d'un théorème s'identifie essentiellement à sa démonstration directe et ostensive.
57 I, p. 167.
58 Cf. I, p. 238 et la n. 36 qui précise que Robinson, Lewis, dans son Kommentar zu Spinozas Ethik, Bd I, Leipzig, 1928, p. 246 sq., 275 sq.Google Scholar, a conçu ainsi l'unité des attributs en Dieu, sans d'ailleurs se référer au modèle géométrique.
59 Homogénéité au sens large, incluant les «homogones» de Leibniz (passage d'un homogone à un autre par changement continu). Cf. Mathematischen Schriflen, éd. Gerhardt, VII, p. 20, cité et commenté par Paul Schrecker, «Leibniz et le principe du tiers exclu», Actualités sc. et industr, no393, Paris, 1936 (= Actes du Congrès intern, de Philosophie scientiflque, Sorbonne, 1935, t. VI), surtout p. 76–77, — ainsi que par Y. Belaval, Leibniz critique de Descartes, p. 333–334. — Pour l'homogénéité au sens restreint et pour la position de Hobbes, cf. ci-dessus, n. 51.
60 Cf. ci-dessus, n.41.
61 Cf. I. p. 239 et 378–380.
62 Cf. II, p. 471. — Sur le caractère fictif des êtres géométriques, cf. ci-dessus, n.36.
63 Des Propriétés de «l'étendue même des choses, (…) perdue adéquatement en nous», I, p. 423.
64 Cf. I, p. 422, la figure géométrique comme être de raison.
65 Cf. ci-dessus, n. 41.
66 Cf. I, p. 78–79.
67 Cf. I, p. 31–33 (non sans tenir compte des réserves des p. 148–149, relatives aux constructions auxiliaires et préparatoires). Reprenant une expression des Cogitata, I, chap. VI, sur les idées qui seraient «des récits ou des histoires de la nature dans l'esprit», le commentateur écrit: «Mais la Nature se raconte à l'esprit, etc…», p. 33. Le De Emendatione dit très bien que «l'idée se comporte objectivement (objective) de la même façon que son idéat se comporte réellement». texte et trad, ibid., p. 102 et 103 ou éd. Koyré, p. 32–33 (cf. Eth. I, Ax. VI). Sans cette concordance, la définition purement interne (Eth. II, Def. IV) de l'idée adéquate ne pourrait surmonter la référence externe qu'implique, au moins dans une conception non idéaliste (au sens mineur de ce terme, en opposition avec «réaliste»), la notion d'adéquation. La concordance, à son tour, résulte de «l'unité ontologique des attributs en Dieu» (II, p. 84; cf. p. 84–87) et plus précisément de l'unité originaire en Dieu de la puissance de penser et de la puissance d'agir («cogitandi potentia» et «agendi potentia», cf. Eth. II, Cor. post Prop. VII). Spinoza dit la première égale («aequalis») à la seconde (ibid.), au sens d'une correspondance, d'une adéquation parfaite (cf. II, p. 80), qui n'empêche pas les attributs d'avoir tous une égale puissance d'agir (cf. II, p. 83–84), mais réserve toute représentation, y compris celle de Dieu, aux modes d'un seul attribut.
68 Cette dissociation, entreprise pour des raisons très différentes de celles de Spinoza, est un des traits les plus caractéristiques du progrès de la réflexion chez Platon, qui réagit à l'égard des naturalismes antérieurs à peu près comme Spinoza à l'égard de Hobbes, quelle que soit par ailleurs l'hostilité de Spinoza à 1'égard du platonisme. Qu'il nous soit permis de renvoyer aux analyses de notre Platon et le matérialisme ancien, Paris, 1971, p. 171–204 et plus brièvement à notre chapitre «Aristote» de l'Histoire de la Philosophie dirigée par F. Châtelet, I, Paris, 1972. où le refus de cet esprit de genèse dans l'intelligible nous a paru à la racine de l'esprit aristotélicien.
69 Cf. I, p. 28. — Nous pensons que chez Hobbes, le sentiment de la liberté réglée de composition géométrique a été déterminant lorsque, vers 1630, à peine sorti de sa traduction de Thucydide, il a découvert les Éléments d'Euclide, avec l'enthousiasme d'un philosophe préoccupé par l'avenir de la société anglaise et mal satisfait du quasi-fatalisme rétrospectif de l'historien. Cette liberté s'investit, sans se perdre, dans chaque définition choisie, à partir de laquelle s'opère la déduction rigoureuse des propriétés de l'entité définie. Aussi le rapprochement, fort légitime, des conceptions de Hobbes et de Spinoza (les définitions enveloppent toutes les propriétés du défini, à en déduire par démarche synthétique interne, cf. II. p. 484–485) réserve-t-il entre les deux negateurs du libre arbitre les différences qui séparent l'activité temporelle du géomètre empiriste de la réflexion théocentrique du métaphysicien.
69 bis. Hypothèse que nombre d'interprètes ont soutenue avec assurance, par ex. E. von Hartmann, Lagneau, Huan, Lasbax, Lachièze-Rey, Brunschvicg… Cf. I. p. 448–449. surtout n.86 et 88.
70 Cf. I, p. 378–380.
71 Sur potestas et potentia, cf. I, 387–389.
72 «L'unicité propre à la nature infiniment infinie de Dieu est le principe de l'unité en lui de toutes les substances qui le constituent» (I, p. 226).
73 Dans l'étendue, ce n'est pas en vertu de l'attribut comme tel que se différencient les figures, bien qu'elles soient en lui des possibilités hypothétiquement déterminées (cf. de façon voisine le rapport des essences des choses à l'essence de l'attribut, I, p. 291–292).
74 Cf. Eth. I, Prop. IX: «plus realitatis aut esse (habere)».
75 Cf. l'axiome d'incommensurabilité, Eth. I, Ax. V et ses conséquences, Gueroult I, p. 98–99; l'incommensurabilité n'est pas absolue, ibid., p. 290. Dieu est «commensurable avec» les choses qu'il produit, commensurable «par la nature de son être, c'est-à-dire par son attribute» ibid., p. 291. II ne s'agit pas ici de l'incommensurabilité non-archimédienne, que nous utilisons plus bas.
76 Eth. I, Sch. post Prop.XXV («eo sensu quo»).
77 I. p. 151. n. 36; cf. p. 159.
78 I, p. 448 (cf. p. 447–449). Le commentateur, bien entendu, ne prend pas cette expression à son compte.
79 Toute une école d'interprètes en dépend, cf. I, App. no 3, p. 428 sq et no 4, p. 462–468.
80 Cf. Steph. Chauvin. Lexicon rationale…, Rotterdam, 1692. s.v. «Distinctio metaphysica».
81 Cf. par ex. la discussion de Descartes avec 1'« Hyperaspistes» sur limite. fini et infini, éd. Adam-Tannery,, III ou, avec trad., Correspondance de Descartes avec Arnauld et Morns, éd. G. Lewis, Paris, 1953Google Scholar. C'est l'usage, dit Descartes, dans sa lettre d'aout 1641, Ad.-Tan. III, p. 427, Corresp., p. 44–45, qui dans le terme d'infini utilise la négation de cette négation qu'est le fini (negatio negationis), mais « ce par quoi l'infini diffère du fini est réel et positif (reale ac positivnm)», antérieur au simple non-être d'une imitation.
82 I. p. 70, parenthése ajoutée par nous (cf. Eth. I, Def. VI, Explic.) À cette page est relevée l'erreur de Léon Brunschvicg, selon lequel chaque attribut. chaque «genre de determination» est «entouré par tous les autres genres comme d'une infinité de négations». Ce rapport d'exclusion rend toute union impossible positivement. Cf. la critique de l'interprétation brunschvicgienne du spinozisme en I. p. 455–459 et p. 488, n. 86. On notera que l'attribut n'est pas une «détermination». mais une perfection sans restriction aucune, cf. I, p. 431, 9° (et p. 466 et n. 10). — Un ouvrage contemporain du Spinoza I, la pénétrante étude de G. Deleuze sur Spinoza et le problème de l'expression, Paris, 1968, a bien montré, en se référant à des remarques de Robinson, mais en les approfondissant dans une pensée notoirement captivée par cet aspect des classiques, que «la philosophic de Spinoza est une philosophic de 1'affirmation pure» qui radicalise «la nouvelle logique» de la distinction réelle, seulement esquissée par Descartes (p.51 et n.15).
83 Cf. ci-dessus, n.52.
84 Ainsi, dans un article d'ailleurs remarquable de R. Misrahi, Encyclopaedia universalis, t. 15, Paris. 1973, s.v. «Spinoza et spinozisme», le problème nous semble enterré: on ne peut considérer les attributs comme de simples «aspects « de la substance absolument infinie (cf. p. 293 a), alors qu'ils en sont les constituants (ce que l'auteur n'ignore certainement pas). — Opp. I, p. 120: «l'attribut spinoziste, qui est une chose physiquement réelle, existant en soi et par soi».
85 Le Spinozisme, Cours professé à la Sorbonne en 1912–1913, Paris. 1916. p. 52 (4e leçon).
86 Notre adhésion aux analyses du Pr Gueroult et l'inspiration qu'elles nous procurent jusque et y compris dans la dernière partie du présent article ne doivent pas nous retenir de préciser que nous prenons sur nous toute la responsabilité de notre interprétation.
87 Cf. Eth. I, Prop. IX: «plura attributa»: «un plus grand nombre d'attributs » (trad. Appuhn, p. 33). Le mot nombre est souligné par nous.
88 Cf. I, p. 158–159.
89 Eth. I, Def. VI. cf. ci-dessus, n. 10.
90 Cf. I, App. no 17. p. 583–584.
91 Cf. ci-dessus. principalement aux n. 40, 51 et 59.
92 I. p. 210: «bien que les attributs soient les constituants de la substance infiniment infinie et qu'il n'y ait en celle-ci aucune autre réalité que la leur, cette substance n'en est pas le simple total, mais l'intégration.» Cf. I, p. 201: «tous les propres fondamentaux des substances a un seul attribut: éternité, infinité, vérité, etc., seront élevés à l'infiniment infini, dés lors que ces substances seront sublimées comme attributs de la substance divine « (souligné par nous).
91 Spinoza ne dit pas «infiniment infini», mais seulement «absolument infini». Le sens est le même, «infini» et «absolu» s'équivalent, cf. Eth. I. Sch. I post Prop. VIII.
94 Allusions à Cavalieri dans l'Examinutio: Op. lat., IV, p. 75 (confusion de la méthode de Cavalieri avec celle de Kepler), p. 174 (Cavalieri aurait compris par «indivisible» ce qui est seulement pris comme «indivis»; cf. ibid., p. 33. où Cavalieri n'est pas nommé, l'examen du point, quantité non nulle. qui est «indivise» et non «indivisible»). — Spinoza refuse à son tour les indivisibles (sans nommer Cavalieri, mais il pense certainement à lui, en bon lecteur de Hobbes. bien que le terme d'indivisibile soit loin d'appartenir en propre à Cavalieri) en raison du réalisme discontinuiste qu'il leur attribue, quand il entreprend de réfuter les arguments de Zénon dans les Principia, II, Sch. post Prop. VI (trad. Roland Caillois dans les Œvres complètes, p. 261). A-t-on le droit de faire appel à des instants definis chacun comme un temps minimum indivisible, «plus petit que tout temps donné», c'est-à-dire «si petit qu'il n'en puisse exister de plus petit»? C'est «incompréhensible», répond Spinoza (p. 263–264), en raison de la continuité du temps. Spinoza pose ainsi la question centrale qui donne, à notre avis, tout leur poids aux arguments de l'Eléate. Ce qui fait problème et même énigme pour qui voudrait définir le mouvement à partir de notions réputées plus primitives, c'est que le temps avance instant en acte après instant en puissance et qu'il semble ainsi se produire contradictoirement une composition du continuum temporel ou une étrange solidarité de l'acte et de la puissance (cf. la définition aristotélicienne du mouvement). Cette énorme difficulté du continu en train de se faire, Spinoza n'y entre pas: en accord avec sa logique affirmative, le mouvement est chez lui connu de soi, intuitivement (il lui suffit de préciser que le mouvement local implique I'étendue, cf. lettre II à Oldenburg et Principia, II, Def. VIII). Voir aussi la lettre XII à Meyer (trad. Misrahi, Œuvres complètes, p. 1155). Spinoza opte pour le mouvement de la genèse contre toute genèse du mouvement. Cf. toutefois cidessous, n. 127.
95 Cf. II. p. 557–558. P. 557. 1.4 du bas. une erreur matérielle date la parution de l'Éthique de 1674 au lieu de 1677.
96 Cf. ibid., p. 558 et n.4 et ci-dessus, n.30.
97 Cf. ci-dessus, p. 560.
98 Cf. Clavelin, , Philosophic nalurelle de Galilée, Paris, 1968, p. 50Google Scholar sq., pour le problème des indivisibles dans l'antiquité.
99 Cf. Brunschvicg, Étapes, p. 162. — Nous utilisons surtout l'indispensable article de Koyré, «B. Cavalieri et la géométrie des continus», recueilli dans ses Études d'histoire de la pensée scientifique, Paris, 1966, p. 297–324: l'indivisible a une dimension de moins. p. 300; démarche analytique, p. 303; esprit et application de la regula communis, p. 305 sq.; un exemple simple de la méthode, p. 310–311 avec fig. p. 311. Autre exemple dans Brunschvicg, Étapes, p. 162–163. La méthode de Cavalieri est exposée avec ses insuffisances et ses provocations au contresens dans Belaval, Leibniz critique de Descartes, p. 313–316.
100 Cf. ci-dessus, n.51.
101 Cf. Koyré, Études…, p. 307, n. l.
102 Cf. ci-dessus, p. 558 et n.41; p. 565–566.
103 Cf. Belaval, Leibniz,…, p. 341, n. 1 (d'apres Mahnke).
104 II y a en effet là tout un ordre de recherches plus ou moins éparses. dés Fermat, avec Roberval, Pascal, etc. Les études de fractions en séries convergentes de Wallis sont à rapprocher de la règie de Pascal, dans l'opuscule « Sommation des puissances numériques», in Œuvres complètes, éd. Jean Mesnard. t. II. vol. I. Paris, 1970, p. 1271.
105 Cf. Belaval, Leibniz…., p. 339–340.
106 ibid., p. 341–342.
107 C'est la «règie générale relative à la progression naturelle qui commence par l'unité» de Pascal (ci-dessus. n. 104. trad. J. Mesnard): «La somme de toutes les lignes de degré quelconque est à la plus grande élevée au degré supérieur comme l'unité à I'exposant du degré supérieur.»
108 Cf. Brunschvicg. Étapes, p. 184–185; Belaval. Leibniz…, p. 340, n. 2 («evanescere»).
109 Cf. Schrecker, article cité. p. 82.
110 Cf. ibid., p. 77–78.
111 L'analyse a été récemment restructurée dans un corps non-archimédien permettant de recourir à des infinis actuels (cf. Abraham Robinson, Non-Standard Analysis, Amsterdam, 1966 et, sur cet ouvrage, A. Badiou, «La subversion infinitésimale», Cahiers pour l'analyse, no9, été 1968). On consultera aussi le dense exposé de J.T. Desanti, «Infini mathématique», de l'Encyclopaedia universalis. t. 8. Paris, 1970, notamment p. 998.
112 Cf. Schrecker, article cite, p. 82.
113 Cf. Galilée, Discorsi, premiére journée, Opere, ed. naz., VIII, p. 80 sq. et trad. fr. Clavelin, Discours…, Paris, 1970, p. 32 sq. — Analyses correspondantes et commentaires dans la thèse du traducteur. Philosophic natiirelle de Galilée, p. 317–324. — Voir aussi, sur les médiévaux, A.C. Crombie, Grosseteste…, Oxford, 1953, p. 108 et notes.
114 Discorsi, p. 80.
115 Notamment dans la théorie du mouvement uniformément accéléré. Clavelin. Phil. nat. de Galilée, passe elliptiquement, mais à bon droit. de l'indivisible à l'infiniment petit, p. 324.
116 Une quantité e ne peut être supérieure à zéro et plus petite que toute quantité finie que si elle est incommensurable à cette demière.
117 Toute quantité finie à laquelle on ajoute une quantité infiniment petite reste inchangée en rigueur. Cf. Pascal: »dans le cas d'une grandeur continue, des grandeurs d'un genre quelconque, ajoutées, en lei nombre qu'on voudra, à une grandeur d'un genre supérieur, ne l'augmentent de rien» Œuvres complètes, II, I. trad. J. Mesnard. p. 1271. Dans ce texte, Pascal traite des grandeurs à n — I dimensions, non pas exactement des infiniment petits à n dimensions, mais le raisonnement est le même, à condition que 1'expression «en tel nombre qu'on voudra» ne concerne que des nombres finis.
118 Cf. Pascal, ibid., p. 1271–1272: «les racines ne comptent pas par rapport aux carrés, les carrés par rapport aux cubes, les cubes par rapport aux carréscarrés, etc. Done les degrés inférieurs doivent être négligés comme dépourvus de toute valeur (nullius valoris existentes, non considerandi sunt). Ces points sont familiers à ceux qui ont étudié les indivisibles».
119 Les attributs étant une «pluralité», cf. ci-dessus, p. 572 et n. 87. Ils sont aussi de puissance égale, cf. ci-dessus, n. 67.
120 Cf. ci-dessus, p. 554.
121 Cf. ci-dessus, p.572.
122 Cf. Eth. I, Prop. XIII. — I, chap. VI, p. 205–219 est entièrement consacré à l'indivisibilité de la substance.
123 Il y aurait antériorité des parties sur le tout et non simultanéité (cf. cidessus p. 563 et 567–568). Diviser la substance, infinie, en parties, c'est la nier, dit Spinoza dans la lettre XII, éd. Gebhardt, IV, p. 55 (trad. Œuvres complètes, p. 1153). Il faudrait préciser que, dans cette hypothése intenable, le nombre des parties est fini ou que les parties sont réellement séparables, ce qui est, du reste, le sens propre d'une partition, par opposition à une résolution.
124 Expliquée en détail dans l'Appendice 9 de I, p. 500–528.
125 L'analyse galiléenne se retrouve dans la lettre XII sur l'infini elle-même: la somme des différences de distances entre deux cercles non-concentriques est un continuum fini, à savoir la différence entre maximum et minimum de distance. «L'exemple revient à montrer», écrit le commentateur, que cette différence, aisée à figurer par soustraction géométrique, «comporte une infinité en acte de distances infiniment petites, et par conséquent est indivisible en parties discontinues» (I, p. 525: voir les figures, p. 520 et 524, ainsi que les corrections apportées aux traductions courantes, p. 522 sq.). À travers la lumineuse explication que nous donne le Pr Gueroult de ce texte difficile (cf. déjà «La lettre de Spinoza sur l'infini», Revue de Me'taph. et de Morale, 1966, p. 385–411), on voit jusqu'à quel point Spinoza affine l'intuition géométrique dans le sens d'une spéculation sur l'infini mathématique et physique sans jamais s'orienter vers un calcul (cf. I. p. 522). À notre avis, il n'en faut pas davantage pour cautionner notre interprétation du rapport de l'absolument infini aux infinis en leur genre.
126 On sait que l'un des points les plus choquants pour le conformisme dominant fut, chez Spinoza, l'attribution de l'étendue à Dieu. Mais Dieu est-il bien «étendu»? L'infiniment infini est incommensurable à l'étendue, de sorte que l'on pourrait dire Dieu si peu étendu que rien (cf. ci-dessus. n. 118). Dieu déborde infiniment l'étendue, qui ne fait done que l'exprimer infiniment peu… Naturellement, le même raisonnement s'applique à la pensée (malgré le caractère singulier de la puissance de penser, cf. ci-dessus, n. 67), ce qui fait rebondir le scandale…
127 C'est en ce sens qu'une pensée infinitiste vient peut-être à bout des apories de Zénon. Spinoza nous était apparu plus haut (cf. n. 94) trop intuitionniste pour avoir à se poser le problème de fond de la pensée éléatique, celui de la composition du continu: il y a lieu maintenant de nuancer ce jugement, puisque Spinoza (ci-dessus, n. 125) analyse, au moins spéculativement, la structure infinitésimale du continu. Là-dessus, nous dirions d'abord que si une pensée infinitiste peut seule venir à bout des apories de Zenon, il se pourrait que ce fût la même chose que de n'en pas venir à bout, et ensuite que le problème du temps reste à l'état d'énigme. comme nous le disions en n. 94. On consultera avec fruit sur ces questions les études de H. Barreau, notamment «Zénon d'Élée et les paradoxes du mouvement». Revue de Synthèse, 1972, XCIII, no 67–68, sans oublier. parmi beaucoup d'autres, les articles anciens de Tannery, P. (Revue philosophique, 1885, XX. no 2Google Scholar) et d'A. Koyré (Études d'histoire de la pensée philosophique, Paris, 1961, p. 9–32Google Scholar).