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Les hauts fonctionnaires québécois: Paramètres synergiques de puissance et de servitude

Published online by Cambridge University Press:  10 November 2009

Jacques Bourgault
Affiliation:
Université du Québec à Montréal

Abstract

This article is intended to shed more light on the processes and mechanisms by which the senior civil servants exercise influence and enjoy power. It appears that simultaneously these processes and mechanisms restrain the senior civil servants and therefore limit their range of action and influence. This exchange of resources and constraints results from a complex process of communication between the issuer and the recipient of that influence; the number and diversity of the ways of relaying this communication create the conditions for communication and power strategies. The senior civil servants become and remain as powerful as they are constrained.

Résumé

Cet article veut remettre en lumière les processus et mécanismes par lesquels les hauts fonctionnaires exercent une certaine influence et jouissent d'un certain pouvoir. Il appert que simultanément les mêmes processus et mécanismes contraignent les hauts fonctionnaires et ainsi limitent leur champ d'action et d'influence. Cet échange de ressources et contraintes s'exerce par un processus complexe de communication entre un émetteur d'influence et le destinataire de cette influence; le nombre et la diversité des postes de relais de cette communication créent les conditions des stratégies de communication et de pouvoir. Les hauts fonctionnaires deviennent et demeurent aussi puissants que contraints.

Type
Research Article
Copyright
Copyright © Canadian Political Science Association (l'Association canadienne de science politique) and/et la Société québécoise de science politique 1983

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References

1 Nombreux en sont les exemples. Ainsi en 1965, M. Daniel Johnson, alors chef de l'opposition unioniste, demandait à l'Assemblée législative la démission du sous-ministre de I'éducation, Arthur Tremblay (devenu bouc émissaire de la réforme scolaire au Québec); de même tout récemment des membres des cabinets ministériels du Parti québécois dénonçaient l'influence qu'ils estimaient démesurée des sous-ministres sur les ministres (Le Devoir, 11 septembre, 1981, 7).

2 Expression employée par plusieurs des sous-ministres eux-mêmes, lors d'une série de 72 entrevues réalisées en mai et juin 1981 avec les personnes qui étaient ou avaient été sous-ministres et sous-ministres adjoints au Québec.

3 Dans le présent texte, I'expression hauts fonctionnaires référera aux sous-ministres, sous-ministres associés, sous-ministres adjoints, secrétaire général (et adjoint du Conseil exécutif et secrétaire du Conseil du trésor. Au gouvemement du Québec, depuis 1977 on appelle les titulaires de ces postes et des autres organismes sous tutelle ministérielle, «employés supérieurs », réservant l'expression «hauts fonctionnaires » aux titulaires de postes de la catégorie d'emploi administrates.

4 Lois du Québec 1978, 15, « Loi de la Fonction publique », 72, parag. (a): « Les sous-ministres, les secrétaires généraux associes du Conseil exécutif, les secrétaires adjoints du Conseil du trésor et les sous-ministres associés ou adjoints sont nommés ou promus par le gouvemement sur recommandation du premier ministre ».

5 Voir à ce sujet Roch Bolduc, « Les cadres supérieurs quinze ans après », Revue d'Administration Publique du Canada 21 (1978), notamment 636-39.

6 Baccigalupo, Alain, Les grands rouages de la machine administrative québécoise (Montréal: Agence d'Arc, 1978), 153.Google Scholar

7 Bernard, Louis, « Le fonctionnaire est au politicien ce que I'ingénieur est à I'architecte », Le DevoirGoogle Scholar, 14 septembre, 1978, 2. Dès 1970 en Europe, Putnam observait déjà le remplacement des « classical bureaucrats » par les « political bureaucrats », Dogan, dans Mattei, The Mandarin of Western Europe (New York: Sage Publications, 1975), 87128.Google Scholar

8 Jacques Bourgault, «Les sous-ministres québécois 1945-1970 », Thèse de maîtrise, Université de Montréal, 1971; Jacques Bourgault et Yves Chagnon, Les conseillers dans les bureaux de sous-ministres au Québec et au Canada en 1974 (Université du Québec à Montréal, Département de science politique), note de recherche no 9/10, 87 pages; et Jacques Bourgault, « Les sous-ministres adjoints au Québec et au Canada en 1973 » (avril 1977), texte ronéotype, 112 pages.

9 Lemieux, Vincent, Les cheminements de l'influence (Québec: P.U.L., 1977).Google Scholar

10 Les lois de chaque ministère ont des articles conférant ces pouvoirs au sous-ministre; par exemple, les articles 12 et 15 de la « Loi sur la Fonction publique » (1978), 15, prescrivent pratiquement: « Les ordres des sous-ministres doivent être exécutés de la même manière que ceuxdu ministre »; « son autorité est celle du ministre …, » « nul acte, document ou écrit n'engage le ministre, ni ne peut être attribué au ministre, s'il n'est signé par lui, par le sous-ministre … » (15).

11 Stéphane Dion énumère dix facteurs qui rendaient difficile « de garder les hauts fonctionnaires dans un rôle de subalteme » (« Les partis de gouvernement et les administrateurs publics: un champ d'interactions mal connu », Revue d'Administration Publique du Canada 23 [1980], 414).Google Scholar

12 Dès 1975 et surtout depuis 1977, le dossier des emplois supérieurs a reçu du premier ministre et du Conseil exécutif une attention toute particulière avec l'adoption de l'Arrêté en conseil no 116-77 (12.1.77) créant un poste de secrétaire général associé responsable auprès du Conseil exécutif de la gestion des cadres « employés supérieurs ». En 1980, un processus de sélection et d'évaluation des titulaires a été mis sur pied pour « gérer » cet arbitral re: les nécessités de la vie politique et administrative en rendent l'application aléatoire et partielle. Un comité formé du chef de cabinet du premier ministre, du secrétaire général du Conseil exécutif et du secrétaire général associé aux emplois supérieurs supervise ce processus.

13 Voir à ce sujet l'excellent témoignage de Rocher, Guy, « Le sociologue et la sociologie dans 1'administration publique et l'exercice du pouvoir politique » Sociologie et Societés 12 (1980), 4564; I'auteur y relate son expérience d'employé supérieur du gouvernement durant près de deux ans.CrossRefGoogle Scholar

14 Lemieux, (Les cheminements de I'influence) a fait un relevé assez complet des écoles ayant proposxyw des définitions de pouvoir et d'influence et cite notamment Robert Dahl (L'analyse politique contemporaine [Paris: Lafont, 1973, 148] pour établir sa définition de l'influence.Google Scholar

15 Lemieux, , Les cheminements de l'influence, 149. Voir aussi sur la diversité des cheminements et du nombre d'intervenants « correcteurs », Michel Duval et Pierre Leclerc, « Le secrétaire général du Conseil exécutif », Rapport de stage E.N.A.P., (Sainte-Foy, décembre 1979) 13 et 103.Google Scholar

16 Lemieux, Vincent, « Théorie de la communication et analyse de politique », dans Réjean Landry (dir.), Introduction à I'analyse des politiques (Québec: P.U.L., 1980), 2, 105-37.Google Scholar

17 Lemieux, « Théorie de la communication », 113.

18 II sera question plus loin du pouvoir de réputation.

19 Par ailleurs ii peut arriver qu'une convergence d'intérêts ou que d'autres facteurs conjoncturels fassent coïncider une requête d'un haut fonctionnaire et une action d'un décideur et que le résultat du processus ne représente pas le pouvoir réel du requérant.

20 Rocher, « Le sociologue et la sociologie », 55.

21 Lemieux. « Théorie de la communication », 129-43 et particulierement 151.

22 Lois du Québec 1978, 15, 53, « un sous-ministre est chargé, sous la direction du ministre titulaire, de la direction générate … ».

23 Voir au sujet des différents styles de ministres Bruce Win Heady, « A typology of Ministers: implications for Minister-Civil Servant relationships in Britain » dans Mattei Dogan, The Mandarin of Western Europe, 67.

24 D'après Le Conseil exécutif et son fonctionnement (Secrétariat général du Conseil exécutif, mars 1980), 15.

25 Baccigalupo, Les grandes rouages de la machine administrative, 222-28.

26 Micheline Plasse, « Les chefs de cabinets ministériels, Memoîre de maîtrise, Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal, 1979.

27 Voir un cas analogue dans Lipset, S. M., Agrarian Socialism (Calgary: University of Calgary Press, 1971); malgré la défiance du nouveau gouvemement les sous-ministres le convainquent de leur compétence et de leur versatilité politique.Google Scholar

28 Voir le manifeste accusant spécifiquement deux sous-ministres et résumé dans Le Devoir, 11 septembre, 1981, 6.

29 Loi sur l'exécutif (SRQ, 1979), 18, 10, 3ème paragraphe.

30 Benjamin, Jacques et Pierre O'Neil, Les mandarins du pouvoir (Montréal: Québec-Amérique, 1978), 4 et 7.Google Scholar

31 Voir à ce sujet Guy Rocher, « Le sociologue et la sociologie », 56.

32 Voir à ce sujet Colin Campbell et Szablowski, George J., The Superbureaucrats: Structure and Behaviour in Central Agencies (Toronto: Macmillan, 1979), particuliérement 170-71.Google Scholar

33 De façon très simplificatrice on dira que le Bureau du premier ministre cherche à faciliter les décisions de celui-ci, à protéger son image et s'assurer que ses objectifs politiques sont transmis aux systèmes politiques administratifs. Le comité des priorités a pour fonctions de recommander I'établissement des priorités du gouvemement et de voir à leur mise en application (A-C 4151-76 et A-C 2645-79). Le Secrétariat général assure la liaison entre le Conseil des ministres, ses comités, les ministères et les organismes. II veille à ce que les comités fonctionnent adéquatement. II prépare l'ordre du jour du Conseil des ministres, fait préparer les mémoires et dossiers et s'assure du suivi des décisions prises (d'après Le Conseil exécutif et son fonctionnement, 16, Gouvemement du Québec, ministère du Conseil exécutif, Secrétariat général, 21 mars 1980). Quant au Conseil du trésor, en plus de préparer les prévisions budgétaires, d'autoriser la plupart des dépenses et engagements financiers, de réglementer les conditions de paiement et les systèmes de comptabilité, d'approuver les plans d'organisation et d'effectifs des ministères et des conditions de travail des employés, il élabore et approuve la politique administrative générate (voir L.R.Q., A.6).

34 Voir Dion, « Les partis de gouvernement et les administrateurs publics », 422.

35 Rocher (« Le sociologue et la sociologie », 51) réfere:... lutte quotidienne entre des membres du cabinet politique qui font le travail ou prétendent faire le travail des fonctionnaires et des fonctionnaires qui bloquent la machine pour empêcher ces interventions jugées trop politiques soit maladroites, soit incompétentes. Voir aussi Baccigalupo, Les grands rouages de la machine administrative, 221-24, et Micheline Plasse-Couture, « Les chefs de cabinets ministériels au Québec », cette REVUE 14 (1981), 309-35.

36 Rocher met en relief l'obligation des subaltemes de mener le même combat que leurs supérieurs « … on compte sur leur loyauté, on s'efforce d'eviter les trahisons … » (« La sociologue et la sociologie », 50).

37 Bourgault, « Les sous-ministres québécois 1945-1970 ».

38 Ils font ainsi circuler rapidement vers des lieux stratégiques des informations « sélectives » de nature à diriger vers les décideurs les pressions directes et indirectes qui pourraient concourir à l'atteinte des objectifs de l'acteur administratif. Par ailleurs I'intervention publique des sous-ministres est plus fréquent de nos jours: une première conférence à incidence politique a été prononcée par un sous-ministre en 1969, un article de même nature a été écrit en 1970, et ceux-ci, depuis 1974 et surtout depuis 1977 accordent des interviews à des journalistes, défendent les politiques en public, donnent des conférences de presse et prononcent des discours devant des groupes de pression.

39 Voir Rocher: « … on s'arrache deux biens rares: l'argent d'une part, le temps des décideurs d'autre part » (« La sociologue et la sociologie », 56).

40 Rocher parle de temps chaud et tiéde qui module 1'intérêt des hommes politiques à formuler de grandes politiques selon la proximité d'échéances électorates; il dit que les hauts fonctionnaires savent tirer parti de ce cycle (ibid.. 54).

41 La loi de 1978 a fait disparaitre la sécurité parfaite de rang et de salaire.

42 Voir les intéressantes remarques de Rocher sur les intéréts de carrière comme mobile inavoué de la motricité administrative (« La sociologue et la sociologie », 50).

43 En 1981, deux seuls ministères échappaient à ce modèle de transmission dé l'information.

44 Crozier, Michel et Ehrard Friedberg décrivent bien les limites de la notion de rationalité des acteurs décisionnels (L'acteur el le système [Paris: Editions de l'Organisation, 1974], 276–81).Google Scholar

45 Lemieux, , Les cheminements de l'influence, 148–53.Google Scholar

46 Lemieux, Voir, Théorie de la communication, 105–13.Google Scholar