L’objet de cette note critique est d’analyser les principaux apports de la recherche historique, et, dans une moindre mesure, sociologique et anthropologique, des dix dernières années dans trois domaines distincts mais imbriqués : l’histoire de l’eugénisme, de l’hérédité et de la notion biologique de race. Après avoir clarifié les relations existant entre ces différents objets trop souvent amalgamés, l’article s’emploie à comparer l’évolution de leurs champs de recherche respectifs, en distinguant ce qui relève de l’approfondissement de thèmes déjà abordés précédemment et ce qui participe de l’exploration de perspectives nouvelles. Des développements sont consacrés aux approfondissements historiographiques relatifs aux politiques eugénistes de stérilisation forcée, au rapport étroit qui a pu se nouer entre eugénisme et natalisme dans certains pays comme la France, ou encore à la généalogie de la catégorie de race et aux dispositifs d’objectivation de la diversité raciale. Le renouvellement profond des trois domaines de recherche au cours de la période considérée est analysé à travers deux dimensions complémentaires : l’élargissement notable de l’horizon géographique des enquêtes et la reproblématisation des objets scientifiques. Alors même que la focalisation des travaux antérieurs sur les expériences européennes et nord-américaines avait pu laisser croire que la biopolitique, l’eugénisme et le « racisme scientifique » étaient l’apanage des pays occidentaux, la multiplication récente de recherches portant sur l’Amérique latine, l’Asie et, dans une moindre mesure, le Moyen-Orient et l’Afrique, a définitivement invalidé cette vision réductrice. Parallèlement, une meilleure prise en compte des perspectives de genre, l’exploration des continuités historiques entre eugénisme et génétique médicale, ainsi que la réévaluation du rôle de la (bio)médecine dans les débats sur l’hérédité humaine et la notion de race ont profondément renouvelé les trois champs de recherche étudiés.