Un prince assassin : le fait, au moyen âge, est assez banal. Et si le successeur désigné est en place, l'événement n'a que la portée d'un incident ; il en va autrement si, à ce moment précis, manque l'indispensable et indiscutable successeur. Ce qui caractérise, en effet, les institutions gouvernementales du moyen âge, c'est que l'administration, la bureaucratie si l'on veut, n'est pas encore cette puissance autonome capable d'agir en vertu de sa force acquise, d'amortir les chocs et de traverser sans dommage les époques d'intérim toujours dangereuses. D'autre part, l'autorité suprême du VIIe au XIIIe siècle, c'est bien, — malgré la fugitive parenthèse carolingienne, — l'autorité proche du prince territorial, cette complexe combinaison de pouvoirs régaliens, personnels, domaniaux et autres qui pèse sur les conditions d'existence des habitants d'une grande, mais non trop vaste région.

L'Économie médiévale exprime — pour reprendre une belle formule de G. Le Bras — une nouvelle invasion de l'Eglise dans la cité : Paffluence des pèlerins aux centres de dévotion populaire fournit l'occasion de foires actives, dont le clergé tire un large profit; au développement des échanges, l'Église médiévale contribue en procurant les techniques essentielles du crédit et de la monnaie ; le rôle des monastères comme établissements de crédit est bien connu; enfin, encouragées par la désagrégation de l'État carolingien, abbatiales, collégiales et cathédrales ont annexé, en grand nombre, un monnayage à leur temporel et procèdent à des émissions régulière.

Le débat reste toujours ouvert sur la valeur réelle de la contribution apportée par les romanciers à la connaissance de l'histoire sociale. Sans doute tel bon juge n'a-t-il pas hésité à sacrer « Balzac historien », tel autre invoque, en le discutant, le témoignage de Zola sur la vie paysanne en France vers le milieu du XIXe siècle. Mais cette confiance n'est pas la règle. « L'origine des deux romanciers, leurs partis pris politiques restreignent et altèrent leur vision », déclare un critique pour qui les options politiques semblent primordiales, à ce point que ni Les Paysans, ni La Terre ne trouvent grâce à ses yeux : « Ni l'un ni l'autre n'ont le sang-froid nécessaire à une description objective… Devant le peuple des villes et des campagnes, l'homme de droite et l'homme de gauche se rejoignent dans l'ignorance… Chez Zola, une documentation livresque et des conversations avec quelques amis bourgeois, complétées par une promenade à travers la Beauce, aboutissent à La Terre, ce chefd'œuvre "naturaliste"… On n'entrera pas sans méfiance… dans les fermes de Zola ». Mais un tel jugement me semble un peu rapide.

La carte que présentent les Annales sous bande en fin de livraison, est le résultat d'une collaboration scientifique internationale de grande importance : pour plusieurs raisons qui, sans peine, apparaîtront à nos lecteurs. Elle s'intègre dans un vaste plan de travail connu sous le nom de Sung project (projet relatif à l'histoire des Song) qui a mobilisé, à travers le monde entier, des savants de renom international, spécialistes de la Chine, tels (et notre énumération n'est pas exhaustive) : H. Franke, de Munich ; J. Needham, E. G. Pulleyblank et P. Van der Loon, de Cambridge ; E. A. Kracke Jr., de Chicago ; L. Petech, de Rome ; O. B. Van der Sprenkel, de Canberra ; H. Wilhelm, de Seattle.

Au XVIe siècle le port de La Rochelle, largement ouvert aux trafics atlantiques, possède un arrière-pays bien délimité : ses liens sont étroits avec l'Aunis et la Saintonge dont il vend le vin et le sel, et aussi avec le Bas-Poitou dont il exporte le blé dans les bonnes années. Les marchands du Poitou, jusqu'aux confins tourangeaux, ceux d'Angoumois, de Limousin et même d'Auvergne fréquentent régulièrement la ville, y achetant métaux, cuirs et épices. Mais au delà de cet arrière-pays les provinces situées plus au Sud paraissent naturellement tournées vers Bordeaux à qui l'unissent leurs rivières.

L'Institut pour l'Etude comparative des Civilisations, d'Oslo, déjà bien connu chez nous, notamment pour sa publication des Caractères originaux de Yhistoire rurale française de Marc Bloch, vient de publier une première synthèse de recherches approfondies sur les anciennes communautés paysannes de Norvège. Cette étude nous a suggéré une comparaison détaillée des structures rurales norvégiennes qui nous sont ainsi révélées, avec celles des contrées celtiques.

C'est, sauf erreur, en 1951, qu'une suggestive étude du Dr Louis Merle sur le paysage agraire et l'habitat rural en Gâtine de la fin du moyen âge à nos jours, fut pour les spécialistes comme une révélation. Dans la question, fort controversée, de l'origine du Bocage et de,son évolution, l'auteur a depuis apporté des lueurs singulièrement éclairantes. Par l'utilisation non seulement des terriers et minutes notariales, mais aussi des Chartriers seigneuriaux, il vient, dans un livre actuellement sous presse, de retracer les transformations du paysage agraire de la Gâtine poitevine à la suite du remembrement réalisé depuis le seizième siècle par la noblesse, à partir et autour du fief, car le seigneur foncier, pour reprendre l'expression dé Marc Bloch (que se plaît à citer le Dr Merle) était chef d'entreprise ! Ainsi les tenanciers devinrent métayers de leurs seigneurs pour, finalement, se transformer en ouvriers agricoles au sort instable par suite de leur impécuniosité, et menacés d'éviction à chaque sortie de bail.

Notre collaborateur et ami, Etienne Juillard, professeur de géographie à la Faculté des Lettres de Strasbourg, a publié dans un récent numéro de la Revue historique, sous le titre : « Aux frontières de l'histoire et de la géographie », un court plaidoyer en faveur de la spécialisation respective de nos deux disciplines. Le débat n'est pas nouveau. Mais qu'un géographe éminent de la jeune génération vienne briser une lance, — une de plus après tant d'autres plaidoiries (Vidal de La Blache, de Martonne), — c'est sans doute que les jeux ne sont pas faits, même depuis la création, hier, de deux agrégations distinctes.

La critique des méthodes, même purement négative, peut être un facteur de progrès, surtout lorsqu'elle est faite par des spécialistes parfaitement informés. Elle est, peut-être, moins utile lorsqu'elle vient de personnes n'ayant qu'une connaissance insuffisante du sujet ; dans ce cas, elle risque, en effet, de tomber à faux. Je crains fort que les « Remarques inquiètes » de M. René Baehrel n'appartiennent, en grande partie, à la catégorie des critiques sans objet.

A la généreuse curiosité d'esprit de Lucien Febvre, à la vision « méditerranéenne » de l'Histoire de M. Fernand Braudel, doit naissance, à la VIe Section de l'Ecole des Hautes Etudes, un groupe de travail dont on peut provisoirement définir ainsi le programme : « Documents et recherches sur la vie économique et les relations extérieures des pays de la Méditerranée orientale, de la mer Noire et du Proche- Orient au moyen âge ».

C'est un travail tout à fait neuf, et des plus attachants, que nous apporte, des Archives départementales de Nice, M. Robert Jeancard avec son livre sur Les fermes communales de Cannes (XVIe-XVIIIe siècles). La population de Cannes, à la fin de l'Ancien Régime, ne dépassant pas 2 700 habitants, nous avons affaire à un gros bourg, profondément engagé dans l'économie rurale de l'arrière-pays.

L'introduction historique expose les conditions de la vie communale avant la Révolution. Le bourg, ou plutôt la communauté de Cannes, procède à l'affermage des impôts : le premier et le plus ancien, s'appelle le Rêve, d'un nom singulier ; traduisons par octroi. Mais il faudrait étendre à bien d'autres régions françaises le très intéressant chapitre intitulé : « Le règne de la diversité ».

Il faut applaudir des deux mains à l'initiative de trois historiens — A. G. Manry, chargé du Service éducatif des Archives Départementales ; Roger Sève, archiviste en chef du Puy-de-Dôme ; Martial Chaulanges, inspecteur d'Académie — qui ont entrepris de doter les écoles du Puy-de-Dôme et leurs maîtres d'un recueil de documents historiques concernant la Basse- Auvergne et le Puy-de-Dôme et comportant deux volumes dont le second (1789-1919) vient de paraître, le premier devant suivre. Initiative des plus heureuses. Les textes sont remarquablement choisis ; je viens de lire avec un vif plaisir les 168 pages consacrées à la Révolution : c'est excellent, neuf, suggestif.

Les Presses Universitaires viennent d'accueillir sur leurs rayons, en 1956, une importante revue consacrée aux pays allemands, jusqu'alors publiée par les services français en Allemagne. A côté des trimestrielles Etudes germaniques, des mensuels Documents, voici donc, à raison de 6 numéros par an et sous le patronage de tous les germanistes français de quelque renom, une revue d'actualité, animée — et ce n'est sans doute pas un hasard — par un historien qui en assume la rédaction en chef, M. G. Castellan, cependant que M. R. Minder en assure la direction littéraire.

Les recherches de sociologie religieuse ont beaucoup progressé durant ces dernières années grâce à la remarquable direction du professeur Gabriel le Bras. L'équipe formée autour de lui manquait d'un organe permettant de suivre régulièrement les progrès de ces recherches sur la science des religions et la sociologie religieuse. Aujourd'hui, cette lacune est comblée ; le groupe a maintenant sa revue, publiée deux fois l'an.

Depuis environ dix ans, Vestnik drevnej istorii (Revue d'histoire ancienne de l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S.) publie, d'une façon systématique, une série d'articles consacrés aux classes sociales dans les provinces occidentales romaines. L'Afrique y tient une place très importante, sinon la première.

Les auteurs de ces articles, tous éminents savants étudient principalement la population de la campagne : paysans libres, colons, esclaves. Ils examinent ces différentes catégories sociales en les plaçant dans leur contexte économique : situation de l'Afrique sous l'Empire. Après avoir constaté que leur caractéristique commune est la misère et qu'au fond elles ne forment qu'une seule classe sociale, la classe exploitée, ils étudient les différentes formes de révolte de cette classe contre l'ordre social et économique qui lui est imposé.

L'originalité de Raymond de Roover est d'avoir démontré que les doctrines économiques des scolastiques ont eu, sur la pratique des affaires, une influence plus considérable qu'on ne l'admettait. Si quelques erreurs de perspective ont été commises, c'est faute d'avoir confronté suffisamment théories et réalités, et aussi parce que ces théories restent mal connues.

Malgré l'existence de gros ouvrages, tels ceux d'Endemann et de Schreiber, les histoires des doctrines économiques n'accordent pas aux scolastiques la place qui leur revient, principalement dans les pays anglo-saxons : elles commencent généralement par les mercantilistes auxquels elles concèdent une importance excessive.

Voici un livre exceptionnel : deux volumes, près de 200 pages sur l'histoire des trafics et des assurances, le double pour les documents inédits, un glossaire important, enfin une centaine de très belles illustrations. L'histoire des assurances vénitiennes n'a pas été très étudiée, comme si elle manquait d'importance, souligne l'auteur dès la préface : destin commun à tant d'aspects saillants des activités humaines. C'est donc une initiative excellente, réussie, et qu'il faut louer sans plus attendre ; cette publication de documents extraits des Archives d'Etat, à Venise, fête le 125e anniversaire des Assicurazioni Generali: heureux prétexte.