La première fois que je suis tombé, au caprice de mes lectures, sur quelques pages signées par le Père Teilhard de Chardin, j'ai éprouvé cet élan cordial que provoque la brusque révélation d'une vision du monde à la fois resplendissante et fortement fondée sur des bases scientifiques — très capable de satisfaire les curiosités d'êtres humains profondément différents les uns des autres par le contenu de leurs idées et, sans doute, par une large part de leurs préoccupations personnelles, mais tous également soucieux de substituer à l'émiettement de ce qu'on pourrait appeler «la science quotidienne », l'unité d'une synthèse ouverte, harmonieuse et vivante. L'homme, je l'avais entrevu un matin que, témérairement, je tentais de négocier une paix au moins relative entre des savants, tous éminents sans doute, mais tous retranchés derrière leur éminence, ce qui vouait l'anthropologie française à l'état assez misérable que l'on sait : rivalités, conflits, dénigrements et, par suite, cette trahison : le refus de collaborer et l'incapacité de mettre au monde et de faire vivre une véritable revue française d'anthropologie.