Une nuit d'orage un fakīr (musulman) s'abrita dans un temple en ruine dont le
shiva-Linga était intact. Le fakīr s'assit dessus et mangea des kebabs. Un
paysan hindou déboula dans le temple afin de se protéger du temps peu clément.
Il fut abasourdi à la vue du fakīr. Celui-ci ne desserra pas les lèvres, mais
le dieu fut moins amical. D'une voix terrible le linga déclara: «Mon cher
fakīr, déplacez légèrement vos pieds ; laissez-moi passer afin que je brise le nez
de cet hindou ! Comment ose-t-il, cet individu de basse extraction, entrer dans
mon temple les pieds boueux et les vêtements sales ?
C. DATTA, Purano Katha, Calcutta, reprint Vishva-Bharati 1962, 24.Nombreuses sont les monographies d'anthropologie sociale consacrées en partie ou en totalité à des temples de l'Inde, ceux du sud notamment . Qu'elles analysent par le menu leur fonctionnement actuel ou privilégient l'approche ethno-historique, toutes, conformément à la nature de l'objet décrit, focalisent logiquement sur les caractères proprement hindous de ces institutions essentielles, hier comme aujourd'hui, à la vie sociale indienne. Or, ce faisant, elles adoptent la perspective des membres dominants de la société, des «propriétaires » du temple ou des clients. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement dans un univers social où les hindous représentent une incomparable majorité ? A plus forte raison lorsque l'enquête s'effectue dans un cadre socioreligieux aussi circonscrit qui, de surcroît, sert de plus en plus aux hindous à définir leur identité. Rares sont les études qui mentionnent l'éventuelle participation aux activités du temple de communautés plus ou moins étrangères à l'hindouisme — que ce soit un fait historique avéré ou un phénomène actuel limité.