Décrivant les grandes tendances de la recherche allemande récente sur la Shoah, cet article montre l’intérêt nouveau pour les acteurs du meurtre et la mise en place d’une histoire sociale et culturelle des bourreaux. L’historiographie du nazisme a en outre pour ambition de prendre en compte toutes les dimensions de la politique de répression nazie. Elle s’intéresse ainsi tant aux criminels qu’aux Tziganes, aux politiques de mise à mort qu’à celles de déportation. Cette nouvelle historiographie trouve sa véritable spécificité dans une série d’études locales sur les politiques d’occupation et des processus d’extermination intervenus en Europe de l’Est occupée. Fondées sur des explorations archivistiques très complètes, un empirisme déclaré et une reconstruction très minutieuse des événements, ces études posent le problème de l’échelle des processus de décision, de la marge de manoeuvre des acteurs sur le terrain et de l’hypothèse d’un consentement européen à la Shoah.

Malgré l’importance majeure de la guerre civile en Russie, l’historiographie du sujet reste, jusqu’à ce jour, singulièrement restreinte. Fondée sur des archives encore inexploitées, la présente étude, concentrée sur la région de Saratov, s’attache à démontrer comment le traumatisme social prolongé des années 1914-1922 exerça une influence capitale sur les événements ultérieurs de l’histoire soviétique, interdisant au bolchevisme de recourir à des alternatives réelles. Après avoir considéré l’impact de la guerre et de la révolution, l’auteur se propose d’analyser quatre aspects qui, en dehors des paramètres d’actions militaires directes, résument les expériences essentielles de la guerre civile : le problème du localisme, la culture politique et la corruption, les stratégies politiques des bolcheviks en milieu rural et l’explosion du mécontentement ouvrier en mars 1921. Selon l’auteur, un grand nombre de formes de gouvernement traditionnellement attribuées à l’ère stalinienne avaient déjà été esquissées, pratiquées et même implantées en profondeur durant la période de 1914- 1922. Ces formes de gouvernement reflètent des éléments connus de la culture politique russe, mais révèlent également des configurations nouvelles, façonnées par les idéologies, les circonstances, les personnages et le hasard, et forgées au brasier de la guerre civile.

L’ouverture des archives en Russie a libéré l’accès à un important corpus de documents qui ont vocation à modifier notre vision du quotidien dans le monde soviétique. Les sources indiquent que bien des pratiques s’écartaient notablement des normes que le régime bolchevique cherchait à imposer, souvent des modes de vie et de comportements, des formes de sociabilité et des réactions aux démarches des autorités, ainsi que des tentatives spontanées pour composer avec une situation grâce à des expédients. Elles s’apparentent à un folklore.Á bien des égards, ce sont des éléments de la culture populaire russe qui étaient ainsi repris, tout autant que des normes d’une culture plébéienne sans frontières. Ce renversement carnavalesque s’est fortement répandu. Si les attitudes carnavalesques avaient une dimension rebelle dans l’URSS d’avant-guerre, elles n’étaient pourtant guère pensées par les acteurs en termes d’opposition au système. La plupart du temps, elles étaient intégrées à la culture soviétique, et il serait erroné de les assimiler en bloc à une résistance délibérée au régime.

Deux notes critiquesde The Cambridge History of the Native Peoples of the Americas, vol. III, South America [CHNPA] ont été publiées dans les Annales :l’une, de Luiz Felipe de Alencastro, relative à l’histoire des peuples natifs du Brésil; l’autre, de Carmen Bernand, portant sur les hautes terres d’Amérique du Sud et le Rio de la Plata. Nous ne dirons (quasiment) rien des commentaires de L. F. de Alencastro : ses critiques et remarques offrent une autre interprétation que celle présentée dans les chapitres consacrés au Brésil. Ainsi notre propos s’adressera-t-il uniquement au point de vue critique de C. Bernand, puisque son article conteste les orientations de l’entreprise éditoriale que nous avons dirigée, offrant une vision alternative de l’américanisme qui y est présenté, qu’elle complète par des perspectives de recherche.