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Un modèle de mobilité sociale préindustrielle. Turin à l’époque napoléonienne

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Luciano Allegra*
Affiliation:
Università di Torino

Résumé

Les sociétés d’Ancien Régime ont été traditionnellement réprésentées comme des sociétés immobiles, caractérisées par un rigide compartimentage en ordres, corps, corporations ; les comportements des individus y étaient dominés par le poids des rôles et des hiérarchies sociales et productives. Cette image repose sur le double postulat d’une mobilité sociale contenue et d’une mobilité professionnelle quasiment inexistante : on donne pour assuré le fait que les métiers se seraient mécaniquement transmis de père en fils. Le but de cet article est de mettre à l’épreuve ce postulat à partir d’une étude de cas : la ville de Turin entre la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle.À travers l’analyse croisée des sources, nous avons essayé d’appliquer au cas turinois les méthodes quantitatives de mesure de la mobilité professionnelle adoptées par les sciences sociales. Par rapport à celles-ci, toutefois, nous avons changé d’unité de mesure. Au lieu de comparer les professions à l’intérieur du couple père-fils, nous avons choisi de focaliser l’attention sur le noyau domestique. Cette perspective permet de mettre au jour au moins trois aspects du problème qui, jusqu’à présent, ont été largement négligés. En repérant l’éventail des choix professionnels pour tous les membres de chaque famille, nous avons individualisé des stratégies d’entrée des fils sur le marché du travail. En croisant les données concernant les professions et l’origine géographique des époux, il devient possible de proposer un modèle multi-factoriel d’explication de la mobilité. En prenant en considération la profession des femmes, enfin, on introduit une variable décisive, et jusqu’ici négligée, des processus de mobilité intergénérationnelle. Le stéréotype d’une société fermée et monolithique se révèle ainsi dépourvu de fondement. L’Ancien Régime nous apparaît plutôt comme une société mobile et ouverte, dans laquelle les individus semblent jouir d’une grande liberté d’accès au marché du travail, et les mécanismes de mobilité ascendante paraissent largement dépendants de la position professionnelle des femmes.

Abstract

Abstract

The Old Regime is usually represented as an immobile society, one characterised by rigid compartments and dominated by the weight of ascription on individual lives. This image rests upon the double axiom of poor social mobility and of the absence of occupational mobility: the mechanical father-son transmission of professions is taken for granted. This article aims to test the validity of this thesis by taking eighteenth- and nineteenth-century Turin as a case-study. It tries to use the quantitative methods of the social sciences to measure occupational mobility, but changes the unit of analysis. Rather than compare occupation in the father-son dyad, as the social sciences do, the household is here brought to the centre of attention. This perspective helps to cast light upon at least three neglected aspects of the problem. By analysing the range of occupational choices within the family, we can grasp the existence of a variety of strategies enacted by sons as they address the labour market. Cross-referencing occupational positions against the geographic origin of married couples suggests a multifactor explanatory model of mobility. Consideration of women's work draws our attention to a crucial yet commonly neglected variable in processes of mobility. As a result, the stereotype of a closed, straitjacketed society is belied. On the contrary, the Old Regime becomes visible as a mobile, open society, where individuals seem to enjoy considerable freedom in accessing the labour market and paths of upward mobility seem basically dependent on women's work.

Type
Le travail sous l‘Angien Régime. Pour en finir avec le modèle standard
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2005

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References

1 - Bouchard, Gérard, Le village immobile. Sennely-en-Sologne au XVIIIe siècle, Paris, Plon,1972.Google Scholar L’image de l’Ancien Régime comme une « longue histoire immobile» a été diffu-sée entre les années 1970 et 1980 par quelques-uns des auteurs les plus influents del’historiographie française ; de même, l’économie préindustrielle a été considéréecomme statique par rapport à celle de l’époque industrielle : voir par exemple Davidrose, (dir.), Social stratification and economic change, Londres, Hutchinson, 1988.Google Scholar

2 - Voir Guenzi, Alberto, Massa, Paola et Moioli, Angelo (dir.), Corporazioni e gruppiprofessionali nell’Italia moderna, Milan, Franco Angeli, 1999,Google Scholar et Berengo, Marino,L’Europa delle città, Turin, Einaudi, 1999.Google Scholar Dans les dernières années, toutefois, quelquesspécialistes ont essayé de restituer une image bien plus nuancée des corporations, ens’attardant sur les possibilités de mobilité ascendante que celles-ci ouvraient à leursmembres : EDWARD J. SHEPARD, « Social and geographicmobility of the eighteenth-centuryguild artisan: an analysis of guild receptionsin Dijon, 1700-1790», inS. L. KAPLAN etC. J. KOEPP (dir.), Work in France. Representations, meaning, organization, and practice,Ithaca-Londres, Cornell University Press, 1986, pp. 97-130 ; STEVE RAPPAPORT, Worldswithin worlds: structures of life in sixteenth-century London, Cambridge, Cambridge Univer-sity Press, 1989 ; JOHAN DAMBRUYNE, «Guilds, social mobility and status in sixteenth-century Ghent», International review of social history, 43, 1, 1998, pp. 31-78 ; Erutti, Simonac, La ville et les métiers. Naissance d’un langage corporatif (Turin, 17e-18e siècles),Paris, éditions de l’EHESS, 1990.Google Scholar

3 - Voir par exemple les trois postulats sur la base desquels, dans un beau petit livre dela célèbre collection «Que sais je ?», HUBERT MéTHIVIER (L’Ancien Régime, Paris, PUF,1961) étiquetait cette période : «L’Ancien Régime est d’abord une société, dont lastructure offre un triple aspect : elle est coutumière ; les “coutumes” héritées des longssiècles médiévaux sont les lois qui règlent les rapports entre individus et entre commu-nautés diverses d’un même “pays”. […] Un autre aspect de cette société est d’êtrecorporative et hiérarchisée. L’individu ne compte pas en lui-même, sauf son âme chré-tienne, mais il n’a pas d’autres droits que ceux dont jouit son groupement social […].Enfin, dernier aspect : cette société est catholique» (pp. 5-7).

4 - PIERRE GOUBERT et DANIEL ROCHE, Les Français et l’Ancien Régime, I, La société etl’état, Paris, Armand Colin, 1984, pp. 160-161.

5 - «La lutte pour l’individualisme agraire dans la France du XVIIIe siècle : l’œuvre despouvoirs d’Ancien Régime», Annales d’histoire économique et sociale, II, 1930, pp. 329-381(repris dans ID., Mélanges historiques, Paris, SEVPEN, vol. II, 1963, pp. 592-637). Unetentative, inégalement réussie, de ramener au centre de l’attention des historiens lethème de l’individualisme fut par la suite effectué par Farlane, Alan Mac, The originsof English individualism. The family, property and social transition, Oxford, Basil Black-well, 1978.Google Scholar

6 - Voir Levi, Giovanni, « Il piccolo, il grande e il piccolo»,Meridiana, 10, 1990, pp. 211234 Google Scholar, et «Reciprocidad mediterranea», Hispania. Revista española de historia, LX, 1, 204,2000, pp. 103-126.

7 - La tradition des études sur le marché du travail urbain préindustriel s’appuie aujour-d’hui encore sur le postulat du monopole de la structure corporative. Parmi les remisesen question de cette approche, voir surtout JACQUES REVEL, « Présentation», AnnalesESC, 43-2, «Corps et communautés d’Ancien Régime», 1988, pp. 295-299, et ID.,« Corps et communautés dans la France d’Ancien Régime», in Angiolini, F. et Roche, D. (dir.), Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne, Paris, éditionsde l’EHESS, 1995, pp. 555575 Google Scholar ; MICHAEL SONENSCHER, « Journeymen, the courts andthe French trades, 1781-1791», Past&Present, 114, 1987, pp. 77-109 ; ID., Work andwages: natural law, politics, and eighteenth-century French trades, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 ; ID., «Work and wages in Paris in the eighteenth century», inM. BERG, P. HUDSON et M. SONENSCHER (dir.),Manufacture in town and country before thefactory, Cambridge, Cambridge University Press, 1983, pp. 147-172 ; Farr, James R.On the shop floor: guilds, artisans, and the European market economy, 1350-1750»,Journal of early modern history, 1, 1, 1997, pp. 2425.CrossRefGoogle Scholar

8 - Sur la mobilité sociale comme mesure de l’écart entre choix individuel et apparte-nance sociale attribuée ou présumée, voir Gribaudi, Maurizio, Itinéraires ouvriers.Espaces et groupes sociaux à Turin au début du XXe siècle, Paris, éditions de l’EHESS, 1987.Google Scholar

9 - Sur la démographie turinoise au XVIIIe siècle, voir les Archives nationales de Turin[AST], Section 1, Paesi. Provincia di Torino, ms 5, n. 1, Stati delle anime di Torino. 1701-1739; ms 2, supplément, n. 6, Stati delle anime di Torino. 1744-1773; ms 5, supplément,n. 5, Stati delle anime di Torino. 1789-1793; GIUSEPPE PRATO, «Censimenti e popolazionein Piemonte nei secoli XVI, XVIIe XVIII», Rivista italiana di sociologia, 1906 ; Casanova, Enrico, « I censimenti di Torino alla vigilia dell’assedio», in Le campagne di guerrain Piemonte, Turin, Fratelli Bocca, 1909, vol. VIII, pp. 3152 Google Scholar; ROSALBA DAVICO, «Démo-graphie et économie : ville et campagne en Piémont à l’époque française», Annales dedémographie historique, V, 1968, pp. 139-164 ; Levi, Giovanni, «Gli aritmetici politici ela demografia piemontese negli ultimi anni del Settecento», Rivista storica italiana,LXXXVI, 1974, pp. 201265 ;Google Scholar ID., Centro e periferia di uno stato assoluto. Tre saggi sulPiemonte e Liguria in età moderna, Turin, Rosenberg&Sellier, 1985, pp. 11-69.

10 - Sur Turin et la soie, voir en particulier Chicco, Giuseppe, La seta in Piemonte.1650-1800. Un sistema industriale d’Ancien Régime, Milan, Angeli, 1995 ;Google Scholar Bracco, Giuseppe (dir.), Torino sul filo della seta, Turin, Archivio storico della Città di Torino,1992 ;Google Scholar Caligaris, Giacomina, « Il grande affare della seta e la formazione professionalea Torino nel Settecento», Bollettino storico-bibliografico subalpino, XCIX, 2001, fasc. II,pp. 61103.Google Scholar

11 - Duboin, Federico Amato, Raccolta per ordine di materie delle leggi e cioè editti, patenti,manifesti, ecc., emanati negli Stati di Terraferma sino all’8 dicembre 1798 sa sovrani della RealCasa di Savoia, Turin, 1849, t. 16, vol. 18, pp. 6869.Google Scholar Les résultats de ce recensementdes « artistes» sont publiés aussi dans ESTER DE FORT, «Mastri e lavoranti nelle univer-sità di mestiere fra Settecento e Ottocento», in Agosti, A. et Bravo, G. M. (dir.), Storiadel movimento operaio, del socialismo e delle lotte sociali in Piemonte vol. I, Dall’età preindus-triale alla fine dell’Ottocento, Bari, De Donato, 1979, pp. 89142 ;Google Scholar GIOVANNI LEVI, « Car-rières d’artisans et marché du travail à Turin (XVIIIe au XIXe siècles)», Annales ESC, 45-6,1990, pp. 1351-1364.

12 - Respectivement avec 927, 668, 610 et 530 cas.

13 - Un regard plus général sur la physionomie professionnelle de la population turinoisede cette époque se trouve dans Conti, Germana Muttini, Un censimento torinese ne l1802, Turin, Giappichelli, 1951, pp. 46 et 93152.Google Scholar Sur les corporations citadines, voir Sacco, Italo Mario, Professioni, arti e mestieri e Torino dal secolo XIV al secolo XVIII, Turin,Editrice Libraria Italiana, 1940,Google Scholar et surtout S. CERUTTI, La ville et les métiers…, op. cit.

14 - Sur le travail des femmes et sur l’importance du secteur des services à Turin aucours de la seconde moitié du XVIIIe siècle, voir ELISA ANNA PAGNUCCO, « Vive de’ suoitravagli». Donne, lavoro e famiglia nella Torino di fine Ancien Régime, Mémoire delicence, Université de Turin, 1999-2000.

15 - Voir par exemple Garden, Maurice, Lyon et les Lyonnais au XVIIIe siècle, Paris, Flam-marion, 1975.Google Scholar

16 - Sur ce thème, la bibliographie est très vaste. Je me limite à rappeler les considéra-tions introductives à Groppi, Angela (dir.), Il lavoro delle donne, Bari-Rome, Laterza,1996,Google Scholar pp. V-XVI, et celles de Palazzi, Maura , Donne sole. Storia dell’altra faccia dell’Italiatra antico regime e società contemporanea, Milan, B. Mondadori, 1997, pp. 1533.Google Scholar

17 - Voir Allegra, Luciano, «La mobilità zoppa: Torino in età napoleonica», Quadernistorici, 104, 2, 2000, pp. 423435.Google Scholar

18 - On peut naturellement affronter le problème de la mobilité sociale sans mener desenquêtes nominatives, comme l’avait expérimenté, dans un célèbre article, LAWRENCESTONE, « Social mobility in England», Past&Present, 33, 1966, pp. 16-55. Au-delà ducaractère vague des conclusions auxquelles cette démarche basée sur l’examen comparédes fortunes de vastes groupes sociaux et professionnels permet de parvenir, elle finitpar être totalement dépendante des estimations de l’époque, sur la crédibilité desquellesbeaucoup de doutes ont depuis toujours été manifestés. Plus convaincante, justementparce que plus encline à utiliser des recherches généalogiques, est la contribution de ALAN EVERETT, « Social mobility in early Modern England», Past&Present, 33, 1966,pp. 56-73.

19 - Sewell, William, Structure and mobility. The men and women of Marseille, 1820-1870,Cambridge, Cambridge University Press, 1985.Google Scholar

20 - Outre W. Sewell, voir quelques utilisations de la source dans GIOVANNI GOZZINI,«Matrimonio emobilità sociale nella Firenze di primoOttocento»,Quaderni storici, 57, 3,1984, pp. 909-939 ; ID., Firenze francese. Famiglie e mestieri ai primi dell’Ottocento, Florence,Ponte alle Grazie, 1989 ; NUNZIO GRECO, «Matrimoni, mobilità e alfabetizzazione a Cosenza nell’Ottocento preunitario», inL. ALLEGRA et R. DE LORENZO (dir.), Città diperiferia. Cosenza nell’Ottocento, Cosenza, Rubbettino, 1996 ; MAURICE GARDEN, «Mariagesparisiens à la fin du XIXe siècle : une micro-analyse quantitative», Annales de démographiehistorique, 1998, 1, pp. 111-133. Pour une utilisation purement démographique, maistotalement indifférente aux implications sociales des unions conjugales, voir OLIVIERFARON, La ville des destins croisés. Recherches sur la société milanaise du XIXe siècle, Rome,école française de Rome, 1997, pp. 351-384, qui par ailleurs ignore curieusement lethème de la mobilité sociale.

21 - Les mariages célébrés de septembre 1803 à fin 1805 ont fait l’objet de deuxmémoires de licence : MARIA TERESA NEGRO, Mobilità geografica e sociale a Torinoall’inizio del XIX secolo. Indagine sugli atti di matrimonio, Université de Turin, 1994-1995, et LAURA PAVESIO, Stratificazione sociale a Torino all’inizio del XIX secolo. Inda-gine sugli atti di matrimonio, Université de Turin, 1994-1995. Je tiens à remercier lesdeux auteurs ainsi que Maria Carla Lamberti, qui ont mis à ma disposition la base dedonnées des actes relative à ces années-là .

22 - L’œuvre certainement la plus significative publiée dans ce domaine à la fin du XXe siècle est celle de Goldthorpe, John Harry , Social mobility and class structure inmodern Britain, Oxford, The Clarendon Press, 1987.Google Scholar Sur le plan général, il existequelques guides très utiles ciblés parmi l’immense bibliographie existant sur ce thème : Cobalti, Antonio et Schizzerotto, Antonio, La mobilità sociale in Italia, Bologne,Società editrice il Mulino, 1994 ;Google Scholar Cobalti, Antonio, Lo studio della mobilità. Metodi eprospettive dell’indagine sociologica, Rome, La Nuova Italia, 1995 ;Google Scholar MAURIZIO PISATI, Lamobilità sociale, Bologne, Società editrice il Mulino, 2000.

23 - Une exception illustre : Katz, Michael, «Occupational classification in history»,Journal of interdisciplinary history, III, 1, 1972, pp. 6388.CrossRefGoogle Scholar

24 - MAURIZIO GRIBAUDI et ALAIN BLUM, «Des catégories aux liens individuels : l’ana-lyse statistique de l’espace social», Annales ESC, 45-6, 1990, pp. 1365-1402. Sur cemêmethème, voir aussi Cottereau, Alain et Gribaudi, Maurizio, Précarités, cheminements etformes de cohérence sociale au XIXe siècle, Paris, éditions de l’EHESS, 1999.Google Scholar Sur les prémissesthéoriques et méthodologiques de ces essais, voir Revel, Jacques, Jeux d’échelles. Lamicro-analyse à l’expérience, Paris, Le Seuil/Gallimard, «Hautes études», 1996.Google Scholar

25 - L. ALLEGRA, «La mobilità zoppa…», art. cit.

26 - En réalité, le problème avait été posé dès 1963 par ADELINE DAUMARD, «Uneréférence pour l’étude des sociétés urbaines en France aux XVIIIe et XIXe siècles. Projetde code socio-professionnel», Revue d’histoire moderne et contemporaine, X, 1963, pp. 185-210. Voir ensuite l’apport important de ALAN W. ARMSTRONG, «The use of informationabout occupation», inE. A. WRIGLEY (dir.), Nineteenth century societies, Cambridge, Cam-bridge University Press, 1972, pp. 191-310. Pour l’Italie, outre les études pionnières deEdoardo Grendi, surtout la fondamentale Introduzione alla storia della Repubblica geno-vese, Gênes, Bozzi, 1967, voir ALBERTO MARIO BANTI, « Per lo studio dei gruppi socio-professionali urbani: fonti censuarie e fonti fiscali a Lucca del XIX secolo», et ANTONIOSANTINI, « Le strutture socio-demografiche della popolazione urbana», in La demografiastorica delle città italiane, Bologne, Clueb, 1982, pp. 205-224 et pp. 125-146. Dans unautre contexte, une tentative intéressante a été celle de PIERRE J. HAMEL et JEANRENAUD, « Social mobility in New France, 1681-1744», Social stratification and mobility,11, 1992, pp. 281-292.

27 - Le problème a été surtout étudié pour l’Italie du Sud : voir RENATA DE LORENZO,Proprietà fondiaria e fisco nel Mezzogiorno: la riforma della tassazione nel decennio francese(1806-1815), Salerne, Centro studi per il Cilento e il Vallo di Diano, 1984, et ERSILIALAINO, « Fisco e società a Cosenza agli inizi dell’Ottocento», inL. ALLEGRA et R. DELORENZO (dir.), Città di periferia…, op. cit., pp. 123-179. La loi établissant la patentedans les états des Savoie, conjointement à la répartition des différentes classes decontribuables, se trouve dans le Bulletin des Lois, an VII, pp. 4-23.

28 - Archives historiques de la mairie de Turin [ASCT], catégorie V, Registro patentidell’anno XII cioè 1803, e 1804, vol. 797.

29 - Ce n’est ici qu’une mesure purement indicative et qui ne prétend pas avoir unevaleur statistique : la valeur de référence est plutôt l’écart quadratique moyen qui appa-raît dans le tableau 2.

30 - On va par exemple de l’« entrepreneur de voitures» à l’imprésario de théâtre ou àl’entrepreneur en bâtiments.

31 - J’ai pris comme discriminant un écart quadratique moyen équivalent à 10 : vingt-trois métiers se situent au-dessous de cette valeur, tandis que tous les autres sont au-dessus.

32 - Pour les sociétés d’Ancien Régime, il n’existe malheureusement pas, me semble-t-il, d’analyses portant sur la dispersion des revenus et des charges fiscales dans chaqueprofession. Même le meilleur travail d’histoire urbaine de ces dernières décennies(JEAN-CLAUDE PERROT, Genèse d’une ville moderne. Caen au XVIIIe siècle, Paris-La Haye,Mouton, 1975) tend à agréger les données fiscales et les indications sur les niveauxsalariaux, et ce passage, dans cette étude, semble avoir pour finalité de confronter lesdiverses catégories entre elles et de construire une hiérarchie des métiers (voir surtoutvol. I, pp. 123-128 et 246-262 ; et vol. II, pp. 720-729, 780-789 et 793-795).

33 - C’est le cas pour les conditions ou postes de travail exclusifs de certaines tranchesgénérationnelles : que l’on pense aux étudiants ou aux apprentis et, en général, auxgarçons de boutique.

34 - Sur les conditions et les caractéristiques du métier de boulanger sous l’Ancien Régime, voir Kaplan, Steven L., The bakers of Paris and the bread questions, 1700-1775,Durham-Londres, Duke University Press, 1996,CrossRefGoogle Scholar et ID., Le meilleur pain du monde : lesboulangers de Paris au XVIIIe siècle, Paris, Fayard, 1996.

35 - Sur le métier de serviteur en Italie, voir, parmi les nombreux travaux de Lasarti, Raffael, « Il servizio domestico come problema storiografico», Storia e problemi contempora-nei, 20, 1997, pp. 159184 Google Scholar, et ANGIOLINA ARRU, Servo. Storia di una carriera nel Settecento,Bologne, Società editrice il Mulino, 1995.

36 - C’est le thème de A. COTTEREAU et M. GRIBAUDI, Précarités, cheminements…, op. cit.,qui insistent sur le concept de « proximité» dans la transmission du travail au long desgénérations (voir surtout pp. 158-176).

37 - J’ai préféré procéder ainsi au lieu de recourir au calcul des composantes complexes,parce que la population de données, pour autant qu’elle soit suffisamment grande, nepermet pas d’estimations significatives une fois disséminée – et désagrégée – danschaque métier.

38 - Les chapeliers employaient par exemple un grand nombre de salariés temporaireschargés d’effectuer les travaux les plus routiniers : entrer dans les rangs de ces « journa-liers» constituait selon toute probabilité l’une des rares ressources accessibles pour quine pouvait compter sur une tradition artisanale paternelle ou bien se trouvait dans unecondition marginale. Sur la conflictualité des rapports entre les deux composantes decet art, voir Sonenscher, Michael, The hatters of eighteenth-century France, Berkeley-LosAngeles-Londres, University of California Press, 1987, pp. 32-61 et 8196.Google Scholar Les cordon-niers, quant à eux, comme tous les métiers qui travaillaient le cuir, occupaient les niveauxles plus bas dans la perception sociale des métiers d’Ancien Régime. Sur les aspectssymboliques relatifs à ce métier, voir ANTON BLOK, De Bokkerrijders: roversbenden en gehemegenootschappen in de Landen van Overmaas (1730-1774), Amsterdam, Prometheus, 1991.

39 - JEAN-PAUL ARON, Le mangeur du XIXe siècle, Paris, Robert Laffont, 1973, pp. 17-35de l’édition italienne (Turin, Einaudi, 1978).

40 - ASCT, Collezione XII, Censimento della popolazione. 1802, vol. 173-178. Le calculde l’âge moyen des porteurs, comme tout autre calcul statistique relatif au recensement,a été rendu possible grâce au transfert des données sur support informatique (Microsoft Access). Je tiens ici à remercier Maria Carla Lamberti et l’équipe chargée de collationnerles données, qui ont gracieusement mis à ma disposition la totalité des archives.

41 - Je renvoie aux travaux exemplaires de Levi, Giovanni, Centro e periferia di uno statoassoluto. Tre saggi su Piemonte e Liguria in età moderna, Turin, Rosenberg&Sellier, 1985 Google Scholar,et ID., L’eredità immateriale. Carriera di un esorcista nel Piemonte del Seicento, Turin, Einaudi,1985, ainsi que de M. GRIBAUDI, Itinéraires ouvriers…, op. cit.

42 - En réalité, l’échantillon se réduit à 255 familles, car 23 reconstructions de ménagesne comprennent pas plusieurs descendants mâles, mais seulement des cas de secondesnoces du même fils.

43 - J’ai évité de regrouper dans le tableau sous la rubrique «Divers» les activités dontle nombre d’acteurs est limité : telle la catégorie la plus importante, celle des militaires,qui ne comprend que cinq individus.

44 - Parmi les couples de frères « hétérogènes», figurent les cas d’un notaire et uncultivateur, d’un notaire et un fileur de soie, d’un homme de loi et un cuisinier, d’unavocat et un menuisier.

45 - Comme le fait au contraire Giovanni Levi dans le chapitre de L’eredità immaterialeconsacré aux stratégies parentales (pp. 44-82).

46 - Parmi les rares exceptions, presque toutes étudiées dans un cadre sociologique,voir PETER Y. DEJONG, MILTON J. BRAWER et STANLEY ROBIN, « Patterns of femaleintergenerational occupational mobility: a comparison with male patterns of intergenera-tional occupational mobility», American sociological review, 36, 6, 1971, pp. 1033-1042 ;ELIZABETH M. HAVENS et JUDY C. TULLY, « Female intergenerational mobility: comparison of pattern?»,American sociological review, 37, 6, 1972, pp. 774-777 ; Rogofframsoy, Natalie, « Patterns of female intergenerational occupational mobility: a comment»,American sociological review, 38, 6, 1973, pp. 806807 ;Google Scholar ELIZABETH GARNSEY, «Women’swork and theories of class stratification», Sociology. The journal of the British sociologicalassociation, 12, 2, 1978, pp. 223-243 ; RACHEL A. ROSENFELD, «Women's intergeneratio-nal occupational mobility», American sociological review, 43, 1, 1978, pp. 36-46 ; Sociology,18, 4, 1984 : ANTHONY HEATH et NICKY BRITTEN, «Women's jobs do make a difference:a reply to Goldthorpe», pp. 475-490 ; JOHN H. GOLDTHORPE, «Women and class analy-sis: a reply to the replies», pp. 491-499 ; ROBERT ERIKSON, « Social class of men, womenand families», pp. 500-514 ; GEOFF PAYNE et PAMELA ABBOTT (dir.), The social mobilityof women: beyond male mobility models, Londres-New York-Philadelphie, The FalmerPress, 1990 ; AZIZA KHAZZOOM, «The impact of mothers’ occupations on children’soccupational destinations», Research in social stratification and mobility, 15, 1997, pp. 57-89. Dans la recherche historique, surtout sur le monde préindustriel, la mobilité fémi-nine n’a donné lieu qu’à une attention médiocre. Quelques indications, par ailleurslimitées à des cas individuels, dans Cavallo, Sandra et Warner, Lyndan, Widowoodin Medieval and early Modern Europe, Londres, Longman, 1999.Google Scholar

47 - Ce présupposé a été l’une des cibles préférées des women's studiesdès les années1970. Parmi les nombreuses interventions dont il a fait l’objet, voir au moins MICHELLEPERROT, « De la nourrice à l’employée. Travaux de femmes dans la France du XIXe siècle», Le mouvement social, 105, 1978, pp. 3-10 ; ARLETTE FARGE, « Pratiques eteffets de l’histoire des femmes», inM. PERROT (dir.), Une histoire des femmes est-ellepossible ?, Paris, Rivages, 1984, pp. 17-35 ; JOAN W. SCOTT, «Gender: a useful categoryof historical analysis», The American historical review, 91, 5, 1986, pp. 1053-1075. Un utileregard d’ensemble est fourni par PAOLA DI CORI (dir.), Altre storie. La critica femministaalla storia, Bologne, Clueb, 1996, et Battagliola, Françoise, Histoire du travail desfemmes, Paris, La Découverte, 2000.Google Scholar

48 - Thernstrom, Stephan, The other Bostonians. Poverty and progress in the American Metropolis, 1880-1970, Cambridge, Harvard University Press, 1974, pp. 67.Google Scholar

49 - Nos conclusions sont de toute évidence fortement conditionnées par les sous-déclarations d’emploi concernant les femmes. Bien que la plus grande partie de lapopulation féminine d’Ancien Régime travaille (donnée sur laquelle l’historiographienourrit désormais peu de doutes), le marché du travail féminin est nettement sousestimé dans la documentation officielle. Par exemple, lors du recensement de la popula-tion turinoise de 1802, sont reportées 9 216 indications professionnelles pour les femmescontre 18 683 pour les hommes. Dans les actes de mariage, l’écart devient encoreplus sensible : 1 972 contre 6 461. Aux hypothèses avancées à propos de cette sous-représentation du travail féminin, au premier rang desquelles la préférence à s’identifierà travers l’état civil plutôt que par le métier, il faut ajouter la conscience pleine etentière, par les femmes, de l’interchangeabilité et donc de la précarité de leurs emplois.D’où la tendance à se déclarer plus volontiers au moyen d’expressions liées à la conjonc-ture ou au cycle de vie – « je fais la femme de chambre» ou « je fais la faseuse [modiste]»plutôt que « je suis femme de chambre» ou « je suis faseuse» – ou la tendance à nepas déclarer du tout un travail non perçu comme stable.

50 - En réalité, l’hypothèse selon laquelle le mariage entre migrants en ville est favorisépar une provenance géographique commune semble davantage le fruit d’un a prioriqu’une preuve documentée. De fait, elle ne se trouve réellement démontrée ni dansles synthèses sur les mouvements migratoires dans l’histoire ni dans les rares étudesconsacrées au marché matrimonial urbain : voir LESLIE PAGE MOCH, Moving Europeans.Migration in Western Europe since 1650, Bloomington-Indianapolis, Indiana UniversityPress, 1992, pp. 55-56 ; DIRK HOERDER et LESLIE PAGE MOCH (dir.), European migrants.Global and local perspectives, Boston, Northeastern University Press, 1996, pp. 117-118,et VIVIEN BRODSKY ELLIOTT, « Single women in the London marriage market: age,status, and mobility, 1598-1619», in OUTHWAITE, R. B. (dir.),Marriage and society. Studiesin the social history of marriage, Londres, Europa Publications Limited, 1981, pp. 81100 Google Scholar,qui, cependant, est fondamentalement centré sur la variable « âge au mariage» et nonsur la provenance géographique des conjoints.

51 - Parmi les nombreux exemples, voir FLAVIO CERAVOLO, MICHAL EVE et CINZIAMERAVIGLIA, «Migrazioni e integrazione sociale: un percorso a stadi», in Bianco, M. L.(dir.), L’Italia delle diseguaglianze, Rome, Carocci, 2001, pp. 83116 Google Scholar, où les auteurs fontsurtout ressortir le rôle de médiation joué par l’instruction pour orienter et décider lesparcours de travail des natifs de Turin et d’ailleurs.

52 - Voir en particulier A. KHAZZOOM, «The impact…», art. cit., p. 78, et R. A. ROSENFELD,«Women’s…», art. cit., p. 37. Tous les modèles pluridimensionnels construits par lessociologues (par exemple ceux de ANDREA TYREE et JUDITH TREAS, «The occupationaland marital mobility of women», American sociological review, 39, 3, 1974, pp. 293-302)confirment les hypothèses ci-dessus. Pour une discussion critique du rôle économiquedes femmes, et surtout des considérations avancées à ce sujet par Talcott Parsons, voir Oppenheimer, Valerie Kincade, «The sociology of women's economic role in the family», American sociological review, 42, 3, 1977, pp. 387406.Google Scholar

53 - Levi, Giovanni, «Terra e strutture familiari in una comunità piemontese del ‘700»,Quaderni storici, 33, 1976, pp. 10951121.Google Scholar

54 - Dans les archives du Consulat du Commerce, qui renferment entre autres ladocumentation relative aux contrats d’apprentissage, on ne trouve qu’une poignéed’actes souscrits par les femmes dans les dernières décennies du XVIIIe siècle : voir AST,Sezioni Riunite, Consolato di Commercio, ms 37, Registro passamantari e bindellai. 1756-1819, ff. 22-23, et ms 67, Registro delle capitolazioni degl’imprendizzi taffettieri, 1783-1798,passim(mais voir surtout cc. 82, 155, 199, 364).

55 - AST, Sezioni Riunite, 2 a Archiviazione, Finanze, ms 70, art. 1, Stati de’ negozianti,Banchieri e commercianti d’ogni genere nella città di Torino, e suoi borghi con l’indivi-duazione de’ fondi esistenti ne’ loro negozi, e della tassa ad essi imposta, s. d. (ms 1797-1798). Pour l’édit qui prescrivait la taxe, cf. Ibid., Interinazioni, 1797, Banchieri emercanti d’ogni genere. Imposizione del dieci per cento sui loro fondi di commercio,6 octobre 1797, ff. 61r-68r.

56 - Il faut cependant préciser que, dans ces milieux professionnels – médecins, avocats,notaires, etc. –, les cas de femmes qui déclarent avoir un métier sont rares.

57 - En principe, dans les travaux de sociologie consacrés au calcul de la mobilité sociale,on adopte la méthode de la régression multiple : ici, toutefois, on a préféré opter pourun procédé plus simple en raison du nombre réduit de variables en jeu – la seuleprofession contre la profession, le niveau d’instruction, la « race» pris en considérationpar les spécialistes en sciences sociales.

58 - Les deux échantillons ont été choisis par la méthode du tirage aléatoire de l’initialedu nom de famille : j’ai dégagé 20% des noms de la combinaison père-mère-fils/fille et 3% de celles parent-fils/fille. La différence entre les deux pourcentages est motivéepar la grande disparité numérique des deux populations examinées et, en particulier, parl’exigence de réussir à identifier un nombre significatif de familles, vu la rareté de la première combinaison. Le croisement par noms a ainsi permis de reconstruire onzegroupes familiaux dans le premier échantillon et dix-sept dans le second.

59 - Ginzburg, Carlo et Poni, Carlo, « Il nome e il come: scanbio ineguale e mercatostoriografico», Quaderni storici, 40, 1979, pp. 181190.Google Scholar