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Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Sous un titre qui évoque les grandes expéditions de la fin du siècle dernier, Aux sources du chômage réunit une série d'articles rédigés par un groupe d'historiens, d'économistes, de sociologues, de juristes et de géographes français et britanniques. Le pari qu'ils tentent de relever est celui d'une comparaison internationale et disciplinaire permettant de porter un regard neuf sur un phénomène que, de l'avis des maîtres d'œuvre de ce travail, nous aurions aujourd'hui quelque peine à voir en perspective: le chômage.
Cette entreprise affiche son originalité: elle ne cherche pas à expliquer les causes de ce phénomène, mais à rendre compte des multiples enjeux qui, à l'entrée dans le 20e siècle, ont entouré sa « découverte », sa définition et son traitement.
* A propos de l'ouvrage de Mansfield, M., Salais, R., Whiteside, N., Aux sources du chômage 1880-1914, Paris, Belin, 1994, 477 p.Google Scholar Cet article a été écrit à la demande de Bernard Lepetit, c'est-à-dire un peu pour lui. Qu'on me permette donc de le lui dédier, tout simplement.
1. Op. cit., p. 411.
2. Ibid., pp. 6-7.
3. Il faut signaler que cette question se pose, au moins, depuis le début de ce siècle. A ce sujet, cf. Cassirer, E., Substance et fonction, Paris, Éditions de Minuit, 1977 [1910]Google Scholar ; ou Kojève, A., L'idée du déterminisme dans la physique classique et la physique moderne, Paris, Le Livre de Poche, 1990 [1932].Google Scholar
4. M. Mansfield, R. Salais, N. Whiteside, op. cit., p. 9.
5. Un écho du débat peut être saisi dans Granger, G. G., La science et les sciences, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1993 Google Scholar ; et Passeron, J.-C., Le raisonnement sociologique, Paris, Nathan, 1991.Google Scholar
6. Le dernier avatar du positivisme, la théorie de l'acteur rationnel, marque l'empire actuellement exercé par le modèle d'explication de l'économie sur ceux qui voudraient voir les sciences sociales obtenir définitivement le statut de sciences.
7. On peut se reporter à la discussion proposée à ce sujet par Colliot-Thélène, C., Le désenchantement de l'État. De Hegel à Weber, Paris, Éditions de Minuit, 1992 Google Scholar.
8. Ce choix repose sur une fameuse recommandation : « 109 — […] Et nous ne devons construire aucune théorie. Il ne doit y avoir rien d'hypothétique dans nos considérations. Toute explication doit disparaître et n'être remplacée que par de la description », Wittgenstein, L., Investigations philosophiques, Paris, Gallimard Google Scholar, « Tel », 1986 [1945], p. 164. Cette perspective est un peu celle que l'ethno-méthodologie suggère d'adopter. Pour avoir une idée de l'état de la question de l'explication en sciences sociales, il faut lire Ogien, R., Les causes et les raisons, Paris, J. Chambon, 1995 Google Scholar.
9. Citations de M. Mansfield, R. Salais, N. Whiteside, op. cit., pp. 5-6.
10. Id., p. 322.
11. M. Mansfield, «Naissance d'une définition institutionnelle du chômage en Grande- Bretagne (1890-1910) », dans M. Mansfield, R. Salais, N. Whiteside, Aux sources du chômage, op. cit., pp. 295-323.
12. D. Tanner, « Travail, salaires et chômage : l'économie politique du Labour à l'époque édouardienne (1900-1914) », op. cit., pp. 325-353.
13. B. Reynaud, « La genèse de la catégorie “chômeur” en France, du modèle du statisticien aux modèles d'interprétation des personnes », op. cit., pp. 251-278.
14. C. Didry, « Le chômage entre conciliation et contrat de travail », op. cit., pp. 183-211.
15. C. Guitton, « Le chômage entre question sociale et question pénale en France au tournant du siècle », op. cit., pp. 63-89.
16. N. Whiteside, « Définir le chômage : traditions syndicales et politique nationale en Grande-Bretagne avant la première guerre mondiale », op. cit., pp. 381-411.
17. M. Pigenet, « Droit, syndicalisme et identité sociale. Les bûcherons et la loi sur les accidents du travail (1898-1914) », op. cit., pp. 355-379.
18. R. Vorspan, « Le vagabondage et la nouvelle Loi sur les pauvres en Angleterre à la fin de l'époque victorienne et sous le règne d'Edouard VII », op. cit., pp. 41-61.
19. J. N. Retiere, « L'industrie des tabacs dans la seconde moitié du 19e siècle. Un patronage d'État », op. cit., pp. 111-139.
20. H. Barkaï, « Travail, emploi et salaires dans l'économie néo-classique : les conceptions marshalliennes au tournant du siècle », op. cit., pp. 153-182.
21. D. Gilbert et H. Southall, « Les multiples dimensions de la misère : les manifestations de la pauvreté d'origine économique en Grande-Bretagne à la fin de la période victorienne », op. cit., pp. 213-250.
22. R. Salais relève la nature de cette convergence : « Le traitement statistique fait par David Gilbert et Humphrey Southall s'apparente, dans son esprit, à celui tenté par Alfred Marshall. Les statistiques ne servent pas à établir le constat global d'un chômage de masse qui justifierait une action macro-économique de l'État selon une norme générale, édictée et surveillée par lui : telle sera, en revanche, la voie suivie plus tard par les politiques de plein emploi, spécialement en France », M. Mansfield, R. Salais, N. Whiteside, op. cit., p. 150.
23. Ibid., p. 149.
24. Id.
25. Ibid., p. 150.
26. Id., p. 28.
27. Pour cette conception de la notion de concept, cf. A. Ogien, « Les propriétés sociologiques du concept », dans B. Fradin, L. Quéré et Widmer, J. éds, L'enquête sur tes catégories, Paris, Éditions de l'EHESS, « Raisons pratiques, 5 », 1994.Google Scholar
28. Leach, E., Rethinking Anthropology, Londres, Athlone Press, 1961.Google Scholar
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30. Durkheim, E., Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1977 [1895], p. XXII.Google Scholar
31. La démarche fonctionnaliste peut parfois prendre une allure moins dogmatique et caricaturale. Pour s'en convaincre, on peut se reporter à l'analyse de l'œuvre de Talcott Parsons proposée par Bourricaud, F., L'individualisme institutionnel, Paris, PUF, 1977.Google Scholar
32. On peut dire de ce problème qu'il est la version sociologique de celui auquel la philosophie analytique entend se mesurer. Car, comme l'affirme Bouveresse, J., « ce que nous devons essayer de comprendre est justement comment l'usage du langage peut être, par certains côtés, aussi systématique et prédictible et en même temps, d'une autre manière, aussi imprévisible et novateur », dans La force de la règle, Paris, Éditions de Minuit, 1987, p. 14.Google Scholar
33. M. Douglas, Ainsi pensent les institutions, Paris, Usher, 1989.
34. Ibid., p. 61.
35. On peut également penser, en outre, qu'elle ne s'écarte pas radicalement des thèses structuralo-fonctionnalistes ou de l'idée d'habitus avancée par P. Bourdieu.
36. Livet, P., « Limitations cognitives et communication collective », dans Andler, D. (sous la direction de), Introduction aux sciences cognitives, Paris, Gallimard, « Folio-Essais », 1992, pp. 447–471.Google Scholar
37. Livet différencie quatre modalités de communication : interindividuelle ; publique ; collective “plurielle” ; collective “anonyme”. Il établit, par ailleurs, une hiérarchie entre niveaux de communication, « chacun d'eux étant lié à une exigence de la communication, à une limitation provoquée par cette exigence même. Mais en revanche cette limitation nous permet de réaliser une version affaiblie du but proposé par l'exigence initiale » (p. 454).
38. Ibid., p. 471.
39. Id.
40. C'est une conception de ce type que j'ai essayé de développer en analysant la nature et les formes de l'obligation émanant d'une institution particulière : l'État. Cf. A. Ogien, , L'esprit gestionnaire, Paris, Éditions de l'EHESS, 1995, pp. 161–166.Google Scholar