Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Les pionniers de l'histoire des mentalités — J. Huizinga, M. Bloch et L. Febvre — avaient déjà prêté une grande attention aux phénomènes religieux. Le concept de « culture religieuse populaire » a émergé peu à peu dans ce champ de la recherche. Ce terme lourdement chargé de significations est porteur de tout un programme d'investigation : la religion est considérée comme faisant partie de la culture ; l'adjectif « populaire » met en lumière le fait que la culture est considérée comme stratifiée au moins en deux couches, une culture populaire et une culture ou des cultures de l'élite ou des élites.
The author describes a few divergences between, on the one hand, research on religious culture in the history of mentalities and, on the other hand, post-war German research on paganism and syncretism. He raises the question of whether the two lines of research can be integrated.
Taking account of the fact that the stereotypicity of early medieval sources has given rise to serious doubts regarding the authenticity of their descriptions of paganism and syncretism, the author suggests a number of criteria that could be used to prove or argue that part of the material contained in these sources can reasonably be held to be authentic.
Finally, he considers the possibility of a comparative investigation of the subject. By way of example, he compares certain aspects of the christianization of occidental Europe in the Early Middle Ages and that of Peru in the 16th century.
* Version augmentée de « Heidendom, syncrétisme en religieuze volkscultuur in de vroege Middeleeuwen. Problemen en perspectieven «[Paganisme, syncrétisme et culture religieuse populaire au haut Moyen Âge. Problèmes et perspectives] dans P. Banqe et A. G. Weiler éds, Willibrord, zijn leven en zijn werk [Willibrord, son monde et son oeuvre], Nimègue, «Middeleeuwse studies 6” 1990, pp. 269-281. Je tiens à remercier Bert Demyttenaere et Marco Mostert pour leurs remarques à propos d'une première version, ainsi que Jean-Claude Schmitt, de même que Françoise Chevy, collaboratrice de l'UvA Vertalers, bureau de traduction de l'Université d'Amsterdam.
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4. Le fait que l'aristocratie ait été la première à se convertir au christianisme donne à penser. N'a-t-on pas souvent supposé qu'elle était porteuse d'une conscience de groupe plus forte que celle des membres ordinaires des tribus ? Il est probable que le changement de religion des aristocrates a surtout été inspiré par des motifs d'ordre politique.
5. Blok, D. P., DeFranken in Nederland [Les Francs aux Pays-Bas], Haarlem, 1979, pp. 43–62 Google Scholar et la littérature qui y est citée. Voir pour la Scandinavie : O. Gschwantler, « Bekehrung und Bekehrungsgeschichte. Der Norden» dans Reallexikon der germanischen Altertumskunde, II, pp. 192-205, p. 197.
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10. C'est évident qu'il y a des exceptions, par exemple des auteurs francophones comme R. Folz, L. Genicot, J. Le Goff et J.-C. Schmitt, et des auteurs germanophones comme F. Prinz, H. Fichtenau, O. G. Oexle et P. Dinzelbacher.
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12. Ibidem, p. 49 ss.
13. L'historien tchécoslovaque Frantisek Graus avait une position exceptionnelle à cet égard. Son livre Volk, Herrscher und Heiliger im Reich der Merowinger. Studien zur Hagiographie der Merowingerzeit, Prague, 1965, montre sa profonde connaissance de la recherche allemande en folklore. D'autre part ce livre fait partie de la vague des publications sur l'histoire des mentalités, qui commençait à déferler à cette époque et il a pu influencer celle-ci.
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16. Ibidem, pp. 83-84. Bouchard de Worms, Correctorc. 60, Wasserschleben, F. W. H. éd., Die Bussordnungen der abendlàndischen Kirche, Halle, 1851 Google Scholar, répr. Graz, 1958, p. 645. Klapper déjà avait fait remarquer que la périphrase holda dans le texte de Bouchard ne remontait pas à son prédécesseur Réginon de Prùm (J. Klapper, « Deutscher Volksglaube in Schlesien in àltester Zeit » dans Mitteilungen derschlesischen Gesellschaft fur Volkskunde, 17, 1915, pp. 19-57, pp. 42-43. Il essaie de démontrer que cette croyance avait des racines antiques et en faisant cela il me paraît sous-estimer l'importance du mot en langue vulgaire dans la précision de Bouchard.
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18. Communication personnelle.
19. J.-C. Schmitt, « Les “ superstitions ” », passim, mais spécialement pp. 421-422.
20. Alcuin, Vita Willibrordi c. 10-11, MGHSS. rer. Merov. VII, pp. 124-126.
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22. Voir note 16. L. Genicot a formulé une règle analogue à propos des pratiques religieuses chrétiennes dans « Discordiae concordantium. Sur l'intérêt des textes hagiographiques » dans Bulletin de la classe des lettres et des sciences morales et politiques [de l'Académie royale de Belgique], 5e série 51, 1965, pp. 65-75.
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24. Épitre 73, H. RAU éd., Briefe des Bonifatius, pp. 212-227, p. 218 ss; Thietmar, Chronicon lib. 8 c. 3, Trillmich, W. éd., Thietmar von Merseburg, Chronik, Darmstadt, « Ausgewàhlte Quellen zur deutschen Geschichte des Mittelalters 9», 1974, p. 442.Google Scholar
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26. Paenitentiale Remense, VI 11, F. B. Asbach éd., Das Poenitentiale Remense und der sogen. Excarpsus Cummeani: Ueberlieferung, Quellen und Entwicklung zweier kontinentaler Bussbucher aus der 1. Hâlfte des 8. Jahrhunderts, Regensburg, 1979, Anhang, 43, Paen. Capitula Iudiciorum, XII1, Schmitz, Die Bussbucher, p. 232, Paen. Halitgarii, VI, 29, classé sous vol uniquement, ibidem, pp. 295-296. Cf. la rubrique à'Excarpsus Cummeani IV, ibidem, p. 619.
27. Paen. Sang, trip., I, 27, Schmitz, Die Bussbucher, p. 181.
28. Communication personnelle. Je lui dois également les textes cités dans les notes 25-27.
29. Voir note 21.
30. Indiculus superstitionum tit. 2, Capitularia regum Francorum I (MGHLL II, I), pp. 222- 223. M. Gysseijng avec la collaboration de W. Pijnenburg éds, Corpus van middeinederlandse teksten tôt en met het jaar 1300 [Collection des textes médionéerlandais jusqu'à 1300 inclusivement]. Reeks II, Literaire handschriften. I, Fragmenten, La Haye, 1980, p. 21. Voir le commentaire pp. 19-21. Les autres mots en langue vulgaire dans ce texte sont nimidas (tit. 6), nodfyr (tit. 15) et .crias (tit. 24).
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34. M. Gysseling, Corpus, p. 26.
35. Alcuin, Vita Willibrordi c. 22, Mghss. rer. Merov. VII, p. 133.
36. F. Graus, Volk, Herrscher und Heiliger im Reich der Merowinger, p. 229.
37. Inger Elzinga a attiré mon attention sur ce fait.
38. Je remercie Anne-Ruth Wertheim pour son aide dans l'élaboration de ce schéma et de son explication.
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40. Une suggestion de Martine De Reu, qui fait des recherches comparatistes sur la mission en Europe occidentale au Haut Moyen Âge et la mission en Afrique à l'époque moderne. Cf. M. De Reu, « De missionering : het eerste contact van heidendom en Christendom “ » La mission : le premier contact entre le paganisme et le christianisme], dans L. Milis éd., De heidense Middeleeuwen [Le Moyen Âge païen] Bruxelles-Rome, « Institut historique belge de Rome, Bibliothèque 32 » 1991, pp. 19-46.
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42. À l'anthropologue Fred Spier je dois un commentaire attentif sur cette partie de mon article et des renseignements bibliographiques.
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