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Le « mythe » d'Arthur : la royauté et l'idéologie

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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La fonction du roi Arthur dans la littérature romanesque du XIIe siècle a été définie (surtout en ce qui concerne l'oeuvre de Chrétien de Troyes) comme « la personnification d'un principe » — ce principe étant un « état supranational », soustrait à l'emprise d'un souverain centralisateur, et dont les aspirations universalistes se fondent sur la vertu d'une chevalerie parfaite. L'Arthur romanesque serait, selon E. Köhler, un des moyens d'affirmation des rois normands et angevins — vassaux du roi de France, qui cherchent à sauvegarder leurs prérogatives vis-à-vis d'une royauté française revigorée.

Dans l'Historia Regum Britanniae de Geoffroi de Monmouth Arthur et son royaume légendaire sont (...) les moyens d'une fin très concrète. Il est permis de supposer a priori qu'il en va de même pour l'Arthur du roman, mais de façon plus vague et plus générale, parce qu'il est au service d'une couche de la féodalité courtoise qui prend tout juste conscience de soi

Summary

Summary

Through a detailed analysis of Beroul's Roman de Tristan, the present study criticizes the now classical conception that treats Arthurian romance of the 12th and 13th century as an “ideal representation” or “mirror” of feudal kingship and chivalric ideology.

The interpretation of the structural particularities of this text leads to the discovery of an independent esthetic discourse in which political views escaping front the so-called “dominant doctrine” take shape; at the same time the relationship of the king and his chivalry in the romances of Chrétien de Troyes appears in the light of an opening of the feudal model of kingship that prefigures the absolute power of the Prince.

Type
L'Idéologie Royale
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1984

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References

Notes

1. Kôhler, E., L'Aventure chevaleresque. Idéal et réalité dans le roman courtois, Paris, Gallimard, 1970, p. 43.Google Scholar

2. Ibid., p. 10.

3. Ibid., p. 30.

4. Ibid., p. 173 : « … la “ version commune ” (dont Tristan fait partie) se situait encore, sur le plan littéraire, en marge de la culture courtoise qui prenait seulement conscience de sa valeur spécifique : c'était un conte, une histoire merveilleuse (philtre d'amour) sans lien avec la réalité et sa problématique. »

5. Un autre passage dans l'ouvrage de Kôhler montre bien que celui-ci conçoit la littérature comme initialement indépendante de la politique et de l'idéologie ; selon lui, elle semble recevoir une charge idéologique après sa création, par un acte de volonté du côté de la « réception » (certains individus du public). Cf. loc. cit., p. 173 : « Même les matières arthuriennes (…) ne furent rien d'autre (que des contes…) tant qu'elles ne furent pas mises au service de l'image de l'honneur courtois. »

6. Les textes intéressant la présente étude sont : - Les Romans de Chrétien de Troyes, t. I, Erec et Enide, publié par Mario Roques, 1973 ; t. II, Cligès, publié par A. Micha, 1975 ; Chrétien De Troyes, Guillaume d'Angleterre, publié par M. Wilmotte, 1978, Paris, Champion. - Le Roman de Tristan de Béroul, édité par Payen, J.-Ch. dans : Tristan et Yseut, édition nouvelle, Paris, Garnier, 1974.Google Scholar

7. Cet emprisonnement — allusion à la « joie » emprisonnée dans Erec — est présenté comme la funeste conséquence de la « fraude » amoureuse des héros.

8. Dans son introduction de ce roman (édition citée note 6), J.-Ch. Payen résume cette position comme suit : « Tout se passe comme si Béroul avait mis bout à bout des lais un peu disparates et point toujours cohérents entre eux ; d'où les contradictions de cet ensemble dont la moindre n'est pas celle-ci : il y a trois félons ennemis du couple ; Tristan en tue un, et ils sont toujours trois !(…) On peut penser aussi que ce Tristan est, comme beaucoup d'oeuvres médiévales, un travail d'atelier, sous la direction d'un maître : si le maître est attentif à la rigueur de l'ensemble, l'oeuvre prend une structure logique, et satisfait notre goût moderne de la cohérence (…) » (pp. VII-VIII).

9. Cette intangibilité symbolique du nombre qui peut aller à rencontre du vraisemblable narratif, a été relevée par Ludwig Stomma, qui, lors d'une conférence donnée au séminaire de Jacques Le Goff en avril 1982, citait à ce propos les remarques de Thomas Mann dans Joseph et ses frères.

10. Cet usage d'une généalogie non biologique correspond aux pratiques généalogiques universelles. La généalogie ne décrit pas la réalité biologique mais représente la cohésion d'une collectivité qui n'est pas nécessairement liée par le sang. Appartient donc aux ancêtres (au « lignage ») celui qui y est « apparenté » — soit matériellement, soit par des mérites.

11. Cf. Tûrk, E., Nugae Curialium. Le règne d'Henri II Plantagenêt et l'éthique politique, Genève, Droz, 1977, p. 102.Google Scholar

12. Ibid.,p. XIV.

13. Cf. Richardson, H. G. et Sayles, G. O., The Governance of MédiévalEngland from the Conquest to Magna Carta, Edimbourg, University Press, 1963, pp. 283284.Google Scholar

14. Cf. Eliade, Mircea, Mythes, rêves et mystères, Paris, Gallimard, 1957, p. 266 Google Scholar, p. 268 ss, p. 273 ss.

15. La thématique initiatique est particulièrement sensible dans Les Lais anonymes des XIIe et XIIIe siècles, éd. par P. M. O'Hara-tobin, Genève, Droz, 1976 ; et dans Les Lais de Marie de France, éd. par J. Rychner, Paris, Champion, 1980.

16. L'allusion au cheval ne semble guère innocente : - Le rite des danses des chevaux de bois s'est attiré les condamnations ecclésiastiques (on connaît deux exempta d'Etienne de Bourbon, cf. Schmitt, J.-Cl., « Jeunes et danses des chevaux de bois », dans Cahiers de Fanjeaux, 11, 1976, p. 144 Google Scholar ss) dont la cible est précisément les caractéristiques qui constituent la faute de Marc : le libre cours donné à la fougue passionnelle qui risque de mettre en cause la paix de la cité terrestre. - « Sire Fauvel » — dont la cour abonde en personnifications de la vanité, de la flatterie et de la médisance — est représenté, lui aussi, avec une tête de cheval. - La Fauvaine (jument fauve) représente tout au long du Moyen Age la vanité, l'ambiguïté, l'incertitude (l'entre-deux-états) ; cf. Bus, Gervais DU, Le Roman de Fauvel, publié par Langfors, A., S.A.T.F., Paris, 1914 Google Scholar, surtout chap. IX, p. LXXXIV SS.

17. Schramm, P. E., A History of the English Coronation, Oxford, Clarendon Press, 1937, p. 28.Google Scholar

18. Bloch, Marc, La Société féodale, Paris, Albin Michel, 1968, 597 p.Google Scholar

19. Pour l'aspect de cette ouverture du « système fermé » du Moyen Age, cf. K. Holzermayr, « La métamorphose du roi Guillaume », Médiévales, juin 1983.