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Le grec à Rome à l'époque de Cicéron, extension et qualité du bilinguisme

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Michel Dubuisson*
Affiliation:
Universités de Liège et de Bruxelles

Extract

«Who speaks what language to whom and when? ». Tel est, formulé de façon lapidaire par J. Fishman, le «pense-bête” des sociolinguistes qui entreprennent de décrire une société bilingue (ou multilingue) . Ils disposent pour cela de méthodes et d'instruments empruntés aux autres sciences sociales : constitution d'échantillons de locuteurs natifs, enregistrement de conversations, traitement statistique des résultats, réinterrogation des locuteurs pour tester les premières hypothèses.

L'historien qui cherche à rendre compte des comportements linguistiques dans une société du passé n'est évidemment pas en mesure de recourir aux mêmes techniques : privé de tout contact avec l'expérience orale, il ne peut que s'efforcer d'exploiter des corpus écrits et d'interpréter des témoignages.

Summary

Summary

Who, in Cicero's Rome, spoke Greek, to whom, in what circumstances and with how much ease? The textual data, though they obviously provide neither for a modern kind of socio-linguistic survey nor for a statistical treatment, are far from negligible. Their re-examination allows us to draw the contours of a bilingualism which was unequally distributed across the social classes and whose quality was surprisingly high at least in the upper classes (Greek was even the first language of numerous influential figures). This phenomenon was due to the education received by wealthier Romans, as well as to their constant contacts with Greek intellectuals.

Type
Sociétés Pluriculturelles
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1992

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References

1. Fishman, J., dans Linguistique, 1965, n° 2, pp. 67-88. Voir du même auteur, Sociolinguistique, Bruxelles-Paris, 1981.Google Scholar

2. Voir notamment Weinreich, U., Languages in contact, New York, 1953 Google Scholar (réimpr. La Haye, 1970) ; Vildomec, V., Multilingualism. A study in gênerai linguistic andpsycholinguistics, Leyde, 1963 Google Scholar ; Mackey, W. F., Bilinguisme et contact des langues, Paris, 1976 Google Scholar ; Bell, R. T., Sociolinguistics. Goals, approaches and problems, Londres, 1976 Google Scholar; Garmadi, J., La sociolinguistique, Paris, 1981 Google Scholar ; Beardsmore, H. Baetens, Bilingualism: basicprinciples, Clevedon, 1982 Google Scholar; Fasold, R., The sociolinguistics ofsociety, Oxford, 1984.Google Scholar

3. Vogt, J., «Empire building and a common language in the roman republic», dans CF, 30 (1976), pp. 107126 Google Scholar, spéc. p. 109 : « The extraordinary social significance language achieved in the ancient world ». Opelt, I., « La coscienza linguistica dei Romani » dans A & R, 14 (1969), pp. 2137.Google Scholar

4. Cf. Boyancé, P., «La connaissance du grec à Rome», dans REL, 34 (1956), pp. 111131.Google Scholar

5. C'est le cas, à mon sens, de la synthèse du reste utile de Kaimio, J., The Romans and the Greek language, Helsinki, 1979 Google Scholar, comme j'ai essayé de le montrer ailleurs, Dubuisson, M., «La place du grec dans la société romaine: à propos d'un ouvrage récent», dans RBPh., 63 (1985), pp. 108115.Google Scholar

6. Cf. Trouard, M. A., Cicero's attitudes towards the Greeks, Chicago, 1952 Google Scholar; Ruch, M., « Nationalisme culturel et culture internationale dans la pensée de Cicéron », dans REL, 36 (1958), pp. 187204 Google Scholar ; Petrochilos, N. K., Roman attitudes to the Greeks, Athènes, 1974.Google Scholar

7. Pour le comportement des empereurs eux-mêmes, cf. Bardon, H., Les empereurs et les lettres latines d'Auguste à Hadrien, Paris, 1940 Google Scholar; Lienhart, G., Tiberius, Caligula, Claudius, Nero quid extra munera imperatoria scripserint et quomodo litteris fauerint aut obtrectauerint fragmentis et testimoniis collectis demonstrantur, Fribourg, 1934 Google Scholar ; Best, E. E. Jr., « Suetonius : the use of Greek among the Julio-Claudian emperors», dans CB, 53 (1977), pp. 3945 Google Scholar ; Berthet, J.-F., « La culture homérique des Césars d'après Suétone », dans REL, 56 (1978), pp. 314334.Google Scholar

8. Cic., Brut., 104; 169; 175; 205. Cf. Stjmner, G. V., The orators in Cicero'sBrutus:prosopography andchronology, Toronto, 1973 Google Scholar. Sall., Jug., 95, 3 ss.

9. Cic, De or., II, 153 ss.

10. Cic.,Att., I, 19, 10; PLUT., LUC, 1,4.

11. SALL., Jug., 85, 32; PLUT., Mar., 2, 2.

12. Cic, 2 Verr., 5 (Suppl.), 148.

13. Pidlostr., V. Soph., II, 10, 5 : le sophiste Adrianos à un tel succès qu'il donne envie de l'entendre même à ceux qui ignorent le grec (coç Km xoiç aÇuvExoiç yX.coxxr|ç EXlaSoç epcoxa napaaeiv aKpoaaECOç) Cf. Geiger, Nep., p. 70 et réf.

14. D. C , LX, 16, 7 : après le suicide de Paetus, Claude, vindicatif, choisit pour mot d'ordre le vers d'Homère âvôp’ à7ta|j.ûvao6ai ÔXË XIÇ TtpôxEpoç xaejtfjvrj 369; déjà cité par Cic, Att., II, 9, 3) et fait devant ses gardes et au Sénat un certain nombre d'autres allusions, toujours en grec, qui témoignent de sa rancoeur persistance ; il provoque ainsi les rires « de ceux qui sont capables de comprendre quelque chose à ce qu'il dit” (Coote YEXcoxa rcapa xoiç ôuvanEvoiç EOXIV a auxcov ouvsivai otpXiaKavEiv).

15. Cic., Flacc., 10 : l'expression ôaveiÇe u.oi napxupiav (da mihi testimonium mutuum) est si célèbre qu'elle est connue même de ceux qui ignorent le grec (ut etiam qui Graece nesciunt hoc quibus uerbis a Graecis dici soleat sciant) ; cf. APOST., V, 80 a (CPG., II, p. 356).

16. PL., Pseud., 712. Cf. Grimal, P., Le siècle des Scipions, 2e éd., Paris, 1975, pp. 5051 Google Scholar ; 84; 97, n. 2 ss.

17. Cic, Fam., VII, 1, 3 (Graeci ludi); Att., XVI, 5, 1; SUET., Ces., 39, 1. Kaimio, op. cit., p. 215.

18. Kaimio, pp. 21-22.

19. Juv., 3, 58. Sur l'afflux des immigrants, cf. SEN., Helv., 6, 2-5. Q. Cic, Comm. pet., 54 : ciuitas ex nationum conuentu constituta; D. H., I, 4, 2; SALL., Hist., IV, 69, Maurenbrecher.

20. Kaimio, pp. 22-23.

21. Juv., 11, 148 : dans un éloge de la sobriété, il loue en particulier le fait d'avoir un esclave qui est un incultus puer et n'est ni Phrygien ni Lycien ; avantage supplémentaire : cum posées, posce Latine. C'est bien la preuve qu'on s'adressait en grec aux esclaves, au moins à ceux — la majorité — qui étaient d'origine grecque. Cf. encore la Graecula ancilla de TAC, Dial., 29

22. Kramer, J., « L'influence du grec sur le latin populaire. Quelques réflexions », dans Stud- Clas, 18 (1979), pp. 127135 Google Scholar ; Steffenelli, A., Die Volkssprache im Werk des Petrons, Vienne, 1962.Google Scholar

23. Sur cette expression et la réalité qu'elle recouvre, cf. Fraenkel, E., Rome and greek culture, Oxford, 1936 Google Scholar; Veyne, P., « L'hellénisation de Rome et la problématique des acculturations », dans Diogène, 1979, n° 106, pp. 329.Google Scholar

24. Kaimio, pp. 168-180; Solin, H., Die griechischen Personennamen in Rom. Ein Namembuch, 3 vols, Berlin, 1981.Google Scholar

25. PLUT., Cic, 5, 2: xaûxa §f| xà ‘Vïw^aiav xoîç pavauaoxàxoiç npô/Eipa KOÙ ouvnxti (Wjuaxa rpaucôç KOÙ axoXaaxiKÔç rxKoOcov (durant sa jeunesse). D. C , XLVI, 18, 18: Q. Fufius, défendant Antoine en réponse à une Philippique, traite l'orateur de rpouKouXoç

26. PLUT., Mar., 2, 2. Cf. ibid., 31,5; SALL., Jug., 63, 3 et 85, 32 ; Cic, Arch., 20; V. MAX., 11,2,3.

27. SALL., Jug., 95, 3 : Sulia… litteris Graecis atque Latinis iuxta atque doctissumi eruditus.

28. GELL., XV, 11, 1 : C. Fannio StraboneM. Valerio Messala coss. senatus consultum dephilosophis et de rhetoribus Latinis factum est: «M. Pomponius praetor senatum consuluit. Quod uerbafacta sunt de philosophis et de rhetoribus, de ea re ita consuerunt uti M. Pomponius praetor animaduerteret çuraretque uti e republica fideque sua uideretur uti Romae ne essent». Peut-être Aulu-Gelle n'a-t-il pas eu d'autre motif de croire qu'il s'agissait de philosophes et de rhéteurs latins que la comparaison avec le texte relatif à l'affaire Plotius Gallus cité ensuite (cf. infra) ; il pouvait tout simplement s'agir en 161, d'une expulsion de philosophes et de rhéteurs grecs, qui ne serait pas sans parallèle (cf. ibid., paragraphes 3-5).

29. SUÉT., Rhet., 2: de hoc Cicero in epistula ad M. Titinnium sic refert: equidem memoria teneo pueris nobis primum Latine docere coepisse Plotium quendam. Ad quem cum fieret concursus, quod studiosissimus quisque apud eum exerceretur, dolebam mihi idem non licere. Continebar autem doctissimorum hominum auctoritate, qui existimabant Graecis exercitationibus ali melius ingénia posse.

30. Cic, De or., III, 93-94. Ce texte, ainsi que le fragment rapporté par Suétone (cf. note préc), semble être la seule source des autres allusions à cet épisode qui nous ont été conservées : SÉN., Rh., Contr., II, pr., 5 ; Quint., II, 4, 42; TAC, Dial. or., 35, 1 ; GELL., XV, 11, 2; JER., Chron., Ol. 173, p. 232, 1, 20-24 Fotheringham.

31. Au contraire, L. Aelius Stilo Praeconinus, chevalier d'origine plébéienne qui semble avoir été le premier grammairien latin (Suét., Gramm., 3, 1-3), ne suscita aucune opposition: l'enjeu n'était pas le même.

32. C\c.,Arch., 20: itaque illeMarius item eximieL. Plotium dilexit, cuius ingenioputabat ae quae gesseratposse celebrari, Kaimio, p. 198.

33. Voir sur ce sujet Freeman, E., « Some points in the later history of the greek language », dans JHS, 3 (1882), pp. 361392 Google Scholar ; FRôsen, J., Prolegomena to a study of greek language in thefirst centuries A. D. The problem of koine and atticism, Helsinki, 1974 Google Scholar, et encore, malgré son âge, Schmid, W., Der Atticismus in seinen Hauptvertretern, 4 t., Stuttgart, 1887-1896.Google Scholar

34. Dubuisson, M., Le latin de Polybe. Les implications historiques d'un cas de bilinguisme, Paris, 1985, p. 298 Google Scholar, n. 17.

35. Horsfall, N., Doctus sermones utriusque linguae? dans Échos du monde classique, 23 (1979), pp. 7995.Google Scholar

36. MACR., I, 5, 14: athicnoster… interhos(Graecos)… itasuilocuplesinterpresest, utnescias qua lingua facilius uel ornamentius expleat operam disserendi. (Les mss ont Caelius, mais le contexte montre qu'il ne peut s'agir que de ce même C. Acilius qui écrivit une Histoire en grec et accueillit au Sénat les ambassadeurs athéniens de 156 [cf. GELL., VI, 14, 8] ; la faute s'explique aisément paléographiquement parlant).

37. NEP., Att., 4, 1 : sic enim Graece loquebatur ut Athenis natus uideretur; tanta autem suauitas erat sermonis Latini ut appareret in eo natiuum quemdam leporem esse, non ascitum. Idem poemata pronuntiabat et Graece et Latine sic ut supra nihilposset addi.

38. Cic, De or., II, 2. On remarquera que ce jugement, qui sous-entend que la connaissance d'une autre langue pourrait porter atteinte à la correction de la première, implique une conscience du phénomène de l'interférence, auquel d'autres auteurs font des allusions plus explicites ; cf. infra pp. 12-13.

39. Id., ibid., II, 28: Catulus… cui non solum nos Latini sermonis sed etiam Graeci ipsi soient suae linguae subtilitatem elegantiamque concedere. On remarquera l'importance attachée au jugement des Grecs.

40. Citons encore PL. J., VII, 25, 4, à propos de l'activité littéraire de Terentius Iunior : quam tersa omnia ! quam Latina ! quam Graeca ! Nam tantum utraque lingua ualet, ut ea magis uideatur excellere, qua cum maxime loquitur.

41. Cf. Wardman, A., Rome's debt to Greece, Londres, 1976, pp. 4648 Google Scholar; Kroll, W., Die Kultur der ciceronischen Zeit, Leipzig, 1933 Google Scholar (réimpr. Darmstadt, 1975), spéc. ch. 11 : Die griechische Bildung.

42. Kroll, op. cit., p. 241 et la n. 12 (références) ; M. L. Clarke, « Cicero at school », dans G & R, 15(1968), pp. 18-22.

43. Cic, Fam., XIII, 15.

44. Cf.TAC,Ann.,IV,52,7;Suét., 7ïô.,53, 1. Townend, G. B., «The sources of the Greek in Suetonius», dans Hermès, 88 (1960), pp. 98120 Google Scholar; Ammon, G., «Kaiser Tiberius und das Griechische », dans Siluae Monacenses, Munich-Berlin, 1926, pp. 29 Google Scholar; Dubuisson, M., «Purisme et politique : Suétone, Tibère et le grec au Sénat », dans Hommages à Jozef Veremans, Bruxelles, 1986, pp. 109120 Google Scholar. Cf. également SUÉT, Aug., 65, 10.

45. J. M. Pabón, «El griego, lengua de la intimidad entre los Romanos», dans Emerita, 1 (1939), pp. 126-131.

46. TAC, Ann., VI, 20, 3 : non omiserim praesagium Tiberii de Seruio Galba tum consule; quem accitum et diversis sermonibus pertemptatum postremo Graecis uerbis in hanc sententiam adlocutus est : « Et tu, Galba, quandoque degustabis imperium «.

47. PL. J., VI, 31,12. Pline participe à une session judiciaire présidée par l'empereur ; soudain celui-ci se tourne vers lui et lui dit émaxiîaaxe quidfacere debeamus. Le grec souligne la bienveillance de Trajan envers son conseiller.

48. César écrit de même à son légat Quintus Cicéron, en 54, une lettre en grec (litteris Graecis, B.G., V, 48, 4, cf. D.C., XL, 9, 3 êXXr|viaxi et H. Bannert, « Caesars Brief an Q. Cicero und die Verwendung von griechischer Sprache und Schrift in Gallien », dans WSt, 90 (1977), pp. 80-95 ; ce n'est assurément pas pour ne pas être compris, en cas d'interception, par l'ennemi gaulois, à qui le grec était plus familier que le latin.

49. Sur cette exclamation, que SUÉT., Ces., 32, 3, aurait dû traduire par aléa iacta sit (ou est o > , comme le proposait déjà Érasme), voir E. Bickel, « Iacta aléa est » dans Paideia, 7 (1952), pp. 269-273 ; M. Markovic, « Was hat Caesar bei Rubico eigentlich gesagt ? », dans ZAnt, 2 (1952), pp. 53-64 (titre du résumé allemand; l'article est en serbo-croate) ; Glaesener, H., Un mot historique de César, dans AntCl, 22 (1953), pp. 103105 Google Scholar. Nos sources littéraires latines rapportant des citations grecques ont en général tendance, pour des raisons d'unité, à les traduire. Suétone a sur ce point des attitudes qui varient d'une Vie à l'autre ; les citations en grec, rares au début, se multiplient à partir de la Vie de Claude (cf. Townend, op. cit., n. 43). PLUT., Ces., 32, 8 et Pomp., 60, 2, a évidemment àveppûpGoû Kopoç, mais il précise que ces mots ont été prononcés. êXXriviod. Du reste, ils ne pouvaient guère l'être que dans cette langue, où ils correspondent à un proverbe (CPG), ce qui n'est pas le cas en latin, où d'ailleurs les jeux de hasard étaient interdits (PL., M/7., 164 mentionne déjà une lexalearia; cf. Cic.,Phil., II, 56; Rotondi, G., Legespublicae populi Romani, Milan, 1912, p. 261 Google Scholar).

50. Le texte de Plut., Ces., 46, 2 est le suivant : xaùxa (priai rioXXicov ‘Aoîvioç xà piînaxa ‘Pconaïoxi nsv àvacpOéy^aaBai xôv Kaiaapa, ‘EXAnviaxi 6 û(p aûxoO Y6ypd(p6ai. Il pose un problème souvent discuté : rien n'indique, en effet qu'Asinius Pollion ait écrit son oeuvre en grec (cf. Kaimio, op. cit., n. 5, p. 131 n. 4 et 237 n. 157). Si, par contre, avec Madvig, Peter, Garzetti, Schwarz, Groebe, Kohi et encore récemment R. Flacelière (dans son éd., CUF, Paris, 1975, pp. 138-139 et 195-196), on conclut à une interversion des deux mots ‘Pconatoxi et EXXnviaxi, le passage entre alors dans la série traitée ici. César se serait exprimé en grec (non pas, comme le suggère Flacelière p. 138, «pour n'être pas compris de tout le monde», mais parce qu'il laissait échapper un cri du coeur), et Asinius Pollion aurait traduit ces mots en latin, suivant la pratique ordinaire des historiens romains (cf. supra n. 49) et comme le fait d'aileurs SUÉT., Ces., 30, 5 (cf. Townend, Sources, p. 100).

51. TAC, Ann., III, 65, 3 : memoriaeproditur Tiberium, quotiens curia egrederetur, Graecis uerbis in hune modum eloqui solitum : « O homines ad seruitutem paratos ! ». Cf. encore SUÉT. , Nér., 49, 3.

52. Juv., VI, 187: omnia Graece, /…/ hoc sermone pauent, hoc iram, gaudia, curas, /hoc cuncta effundunt animi sécréta. Quid ultra ? Concumbunt Graece.

53. Dubuisson, M., « Toi aussi, mon fils ? », dans Latomus, 39 (1980), pp. 881890.Google Scholar

54. Nie. Dam., Vie de César (Auguste), 90 F 130 J., 89. Cf. Plut., Ces., 66, 8 : ô ôè nXi\l,ac, ‗EXXryviatX 7tpôç xôv àSeXxpôv ‘AôeXcpe, PofjBsi; Brut., 17, 5.

55. SUÉT., Ces., 82, 3 ; D.C., XLIV, 19, 5. La tradition scolaire, en popularisant la traduction moderne (inventée par des grammairiens de la Renaissance) tu quoque, fili mi, a en effet non seulement fait perdre de vue que ces mots avaient été prononcés en grec, mais en a, en les édulcorant, gravement faussé le sens. Kai où, comme l'a bien montré Russell, J., « Julius Caesar's last words. A reinterpretation », dans Vindex humanitatis (Mélanges J. H. Bishop), Armidale, 1980, pp. 123128 Google Scholar, est en réalité une formule de malédiction, bien attestée par ailleurs, en particulier dans les graffiti et les représentations figurées (cf. P. Veyne, «L'obscénité et le « folklore» chez les Romains», dans L'Histoire, n° 46 (juin 1982), pp. 42-49): «Puisse-t-il t'en arriver autant!», « Puisses-tu toi aussi, être tué comme tu tues maintenant ! » (Russell : « to hell with you, lad ! ». L'expression, qui appartient à la langue la plus courante, vient aussi naturellement à la bouche que le Gesundheit ! de l'allemand en cas d'éternuement (Russell, op. cit., p. 127). Quant à Xékvov, il est surtout attesté chez les auteurs de la période hellénistique et dans les papyrus, et ne se trouve guère en attique classique dans ce sens (qui est celui de nouç) ; cf. LSJ s.v.

56. Cf. V. Vildomec, Multilingualism (op. cit., n. 2) et Titone, R., Le bilinguisme précoce, traduit de l'italien par R. Soto, Bruxelles, 1974 Google Scholar, qui cite en particulier (p. 38) le cas de Joseph Conrad, chez qui « le polonais restait la langue dominante dans sa vie privée, dans ses accès émotifs et durant sa dernière maladie ».

57. Juv., 6, 187 (cf. n. 52) ; cf. Mart., X, 68, 5. De tels passages sont très différents de LUCR., IV, 1160-1169, ou de Juv., 3, 66-68, où la mode de désigner certains objets de luxe par un nom grec ne prouve rien d'autre que le snobisme de deux qui les emploient.

58. Cf. Kaimio, op. cit., pp. 171-172, qui suggère sans l'adopter la bonne explication pour les defixionum tabellae, mais considère en revanche que l'emploi du grec dans les graffiti hostiles à Néron (SUÉT., Nér., 45, 2 ; cf. Dom., 13) est dû au désir de se cacher. Mais comment, de toute manière, pourrait-on identifier l'auteur d'un graffiti, à moins qu'il n'ait eu l'obligeance de laisser sa signature ? Et pourquoi inscrire un slogan sur un mur si ce n'est dans le but d'influencer le plus grand nombre de gens possible ?

59. Sén., Colère, II, 5, 5 : Volesusnupersubdiuo AugustoproconsulAsiae, cum CCCuno die securipercussisset, incedens inter cadauera uultu superbo, quasi magnificum quiddam conspiciendumque fecisset, Graeceproclamauit: « O rem regiam !»

60. On trouvera des indications détaillées dans les ouvrages cités n. 2 ; cf. un exposé plus développé dans Dubuisson, M., Le latin de Polybe. Les implications historiques d'un cas de bilinguisme, Paris, 1985, pp. 119147.Google Scholar

61. Cf. Green, J., «Mon premier livre en anglais», dans L'apprenti psychiatre, Paris, Le livre de poche, 1977, p. 65.Google Scholar

62. Cf. Rose, H. J., «The Greek of Cicero», dans JHS, 41 (1921), pp. 91116.CrossRefGoogle Scholar

63. Un bel exemple des principaux cas possibles est fourni par Q. fr., II, 16, 5. Cicéron fait part à son frère d'un jugement de César sur un premier livre de poèmes qu'il lui a envoyé et se demande pourquoi il tarde à lui faire connaître son sentiment sur le second : quomodonam, mi f rater, de nostris uersibus Caesar ? Nam primum librum se legisse scripsit ad me ante et prima sic, ut neget ne Graeca quidem meliora legisse; reliqua ad quendam locum pixuixÔTepa; hoc enim utitur uerbo. Die mihi uerum, num aut res eum aut xapaKTrjp non détectât ? Nihil est, quod uereare; ego enim ne pilo quidem minus me amabo. Hac de re (piXaXrjOcoç et, ut soles scribere, fraterne XapaKTfjp est un mot technique, sans équivalent latin ; le composé piX,a\iï0oç devrait être rendu en latin par un complément de plusieurs mots, le parallélisme avec fraterne se trouvant ainsi rompu ; quand à pçtôunoç, c'est le type même du mot chargé de connotations.

64. Sur le purisme et l'hostilité aux emprunts, cf. HOR., Sat., I, 10, 20-21 et 29-30 (polémique contre Lucilius) ; Cic, Off, I, 111 ; Marouzeau, J., Traité de stylistique latine, Paris, 1935, pp. 171176 Google Scholar; P. Oksala, «Uber die Einstellung Ciceros zum lexicalischen Purismus», dans Arctos, n.s., 1 (1954), pp. 132-137 et Die griechischen Lehnwôrter in den Prosaschriften Ciceros, Helsinki, 1953 ; J. Kaimio, The Romans, pp. 302-315.

65. Voir surtout Weise, F. O., Die griechischen Wôrter im Latein, Leipzig, 1884 Google Scholar (réimpr. 1964), avec un lexique et Jannaccone, S., Recherches sur les éléments grecs du vocabulaire latin de l'empire, Paris, 1950.Google Scholar

66. L'ouvrage classique de Brenous, J., Étude sur les héllénismes dans la syntaxe latine, Paris, 1895 Google Scholar (réimpr. Rome, 1965), est partiellement remplacé par R. Coleman, « Greek influence on latin syntax », dans TPhS., 1975, pp. 101-156, et les études (nombreuses) portant sur les héllénismes des différents auteurs. Je n'ai pu encore me procurer Maoueuo, C., Helenismo sintactico e estruturas latinas, Evora, 1973 Google Scholar (en portugais). Le problème méthodologique fondamental réside évidemment dans la distinction à opérer entre les ressemblances dues à la parenté originelle des deux langues et à leurs similitudes de structure et celles qui proviennent d'une influence ; voir Risch, E., « Entlehnt oder Verwandt ? Zum Problem der griechisch-lateinischen Beziehungen », dans Scritti Bonfante, Brescia, 1975, pp. 883897 Google Scholar. Cf. André, J., «Vraies et fausses étymologies grecques», dans Rel, 38(1960), pp. 151171.Google Scholar

67. Cf. entre autres, Betz, W., Deutsch und Lateinisch, Bonn, 1949.Google Scholar

68. Cf. M. Dubuisson, Le latin de Polybe, pp. 132-133.

69. Cf. A. Meillet, «Le bilinguisme des hommes cultivés», dans Conf. Inst. Ling. Paris, 2 (1934), pp. 5-14; J. A. Fishman, Sociolinguistique, p. 46.

70. Réf. dans Dubuisson, M., «Les opici: Osques, Occidentaux ou Barbares?», dans Latomus, 42 (1983), pp. 522545 Google Scholar, spéc. p. 524, n. 9.

71. Quint., I, 1, 12-13.

72. Cf., pour le grec, Plut. , Éduc. des enfants, 6 ( = Mor. , 4 A) : Çr|TT|Téov…. ‘EM.nviKà KO 7tepvrpava XaXeïv, îvà ufi ouvavaxpcovvûuevoi PapPdpoiç ànocpépcoviaî TI xfjç èKEivcov (pauXÔTnxoç; pour le latin, Cic, Brut., 210-211 ; De or., III, 48.

73. TAC, Dial., 29 : at nunc natus infans delegatur Graeculae alicui ancillae…

74. Rappelons ici cette distinction nécessaire : la langue apprise la première n'est pas nécessairement, en effet, la langue de la mère.

75. Cf. Clarke, M., Higher éducation in the ancient world, Bungay, 1971 Google Scholar. Cet usage se trouvait une justification supplémentaire dans la théorie de l'origine grecque du latin (cf. Gabba, E., «Il latino corne dialetto greco», dans Mélanges Rostagni, Turin, 1963, pp. 188194 Google Scholar; M. Dubuisson, « Le latin est-il une langue barbare ? », dans Ktèma, 9 (1984), pp. 55-68.

76. Cic, Part, or., 2 (c'est Cicéron fils qui parle) : uisne igitur, ut tu me Graece soles ordine interrogare, sic ego te uicissim eisdem de rébus Latine interrogent ?

77. Ov., Tr., II, 1, 369: etsolet hicpueris uirginibusquelegi.

78. Cic, Tusc, V, 116. Le texte des mss est le suivant : Epicurei nostri Graece fere nesciunt nec Graeci Latine. Ergo hi in illorum et illi in horum sermone surdi, omnesque item nos in Us linguis, quas non intellegimus quae sunt innumerabiles, surdi profecto sumus. Il n'y a évidemment aucune raison pour que seuls les épicuriens ignorent le grec (bien au contraire, c'est justement leur secte qui est restée le plus directement liée à la Grèce). La plupart des éditeurs suppriment donc le mot purement et simplement; mais nostri, resté seul et désignant donc les Romains dans leur ensemble, est en contradiction avec tout ce qu'on sait par ailleurs sur le bilinguisme romain. Bûchner, K., « Mangelnde Griechischkenntnisse der rômischen Epikureer ? », dans Eranos, 63 (1965), pp. 137149 Google Scholar, propose au terme d'un raisonnement serré et convaincant la correction et pueri, qu'un copiste pressé, habitué aux propos méprisants de Cicéron envers les épicuriens romains, a pu aisément transformer en Epicurei.

79. Marrou, H. I., Histoire de l'éducation dans l'Antiquité, Paris, 1948, pp. 351352 Google Scholar («l'hellénisme de Quintilien est déjà plus scolaire qu'humaniste, il est beaucoup moins profond que celui de Cicéron»); cf. Gwynn, A., Roman éducation from Cicero to Quintilian, Oxford, 1926, pp. 226 230.Google Scholar

80. PETR., Sat. , 46, 5 : ceterum iam Graeculis calcem impingit et Latinas coepit non maie appetere, et iam si magister eius placens si t.

81. JER., Lettres, 107,9.

82. Diehl, E., Inscr. lat. chr. veteres, Berlin, 1925 Google Scholar, n° 742 = CIL, VI, 33929 : Dalmatiofilio… qui studens litteras Graecas non monstratas sibi Latinas adripuit. Le verbe est peut-être une réminiscence de Cic, Sén., 26: (litteras Graecas) sic auide arripui quasi diuturnam sitim explere cupiens, où il s'agit de Caton. Un autre enfant prodige, Q. Sulpicius Maximus, remporta à onze ans le certamen Capitolinum (concours de poésie institué par Domitien) grâce à un poème grec sur Phaéton (ILS, 577 = IG, XIV, 2012).

83. Aus., Pièces personnelles: exhortations à mon petit-fils, 46-47 : conditor Iliados et amabilis orsa Menandri/euoluenda tibi.

84. Paul Pell., Eucharisticos, 73-80.

85. Ferrand, Vie de saint Fulgence de Ruspe, p. 10 Lapeyre (cf. Courcelle, P., Les lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, Paris, 1948, p. 207 Google Scholar).

86. Marrou, op. cit., pp. 369-389; Clarke, op. cit.; Bonner, S. F., Education in ancient Rome, Londres, 1977.Google Scholar

87. Cf. Suet., Gramm., 1 : antiquissimi doctorum, qui etpoetae et semigraeci erant (Liuium et Ennium dico, quos utraque lingua domi forisque docuisse adhuc notum est) nihil amplius quam Graecos interpretabantur, aut si quid ipsi Latine composuissent praelegebant.

88. Jullien, E., Les professeurs de littérature dans l'ancienne Rome et leur enseignement depuis l'origine jusqu'à la mort d'Auguste, Paris, 1885 Google Scholar ; Christes, J., Sklaven und Freigelassene als Grammatiker und Philologen im antiken Rom, Wiesbaden, 1979.Google Scholar

89. Christes, op. dp., p. 167 (tableau).

90. Suet., Gramm., 1. 1, n. 87.

91. Cf. Daly, L. W., «Roman study abroad», dans AJPh., 71 (1950), pp. 4058 Google Scholar; Wilson, A. J. N., Emigration front Italy in the Republican âge of Rome, New York, 1966, pp. 161164 Google Scholar ; Casson, L., Travelin the ancient world, Londres, 1974.Google Scholar

92. Cic, Div. in Caec., 39 : si litteras Graecas Athenis, non Lilybaei, Latinas Romae, non in Sicilia didicisses.

93. Cf. SVÉT., Ces., 4, 1.

94. Cf. Cic, Fam., XVI, 21 ; AU., XII, 32, 3 ; PLUT., Brut., 24.

95. Cic, De or., III, 68.

96. Cichorius, C., Untersuchungen zu Lucilius, Berlin, 1908, pp. 6781.Google Scholar

97. Wilson, Emigration, pp. 162-164.

98. V. Max., II, 10, 5. Faut-il rappeler, par ailleurs, le long séjour athénien d'Atticus ou l'exil rhodien de Tibère ?

99. Balsdon, J. P. V. D., Romans and Aliens, Londres, 1979, pp. 5458 Google Scholar, fournit un tableau pour la fin de la République.

100. Voir, sur ce problème, Jocelyn, H. D., « The ruling class of the Roman Republic and the Greek philosophers », dans BRL, 59 (1977), pp. 323366 Google Scholar ; M. H. Crawford, « Greek intellectuals and the Roman aristocracy », dans Imperialism in the ancient world, P. D. A. Garnsey et C R. Whittaker, Cambridge, 1978 ; Treooiari, S., « Intellectuals, poets and their patrons in the first century B.C. », dans EMC, 21 (1977), pp. 2429 Google Scholar; Gold, B. K., Literary patronage in Greece and Rome, Chapel Hill-Londres, 1987 Google Scholar. Prosopographie (à actualiser) dans À. Hillscher, « Hominum litteratorum Graecorum ante Tiberii mortem in urbe Roma commoratorum historia critica », dans JCIPh., Suppl. 18 (1892), pp. 351-444.

101. Bowersock, G. B., Augustus and the Greek world, Oxford, 1965, pp. 3041.Google Scholar

102. Cf. Cic, .4»., VI, 1, 13; VIII, 10; IX, 12, S et al.

103. Cf. Garrido, T. Valero, « El asalariado griego y el mecenas romano vistos por Luciano y Juvenal», dans Mélanges Alsina, Barcelone, 1969, pp. 165174 Google Scholar; M. Dubuisson, «Lucien et Rome», dans Ane. Soc, 15-17 (1984-1986), pp. 185-207.

104. Cf. Lanoie, A., Les bibliothèques publiques dans l'ancienne Rome et dans l'empire romain, Fribourg, 1908 Google Scholar; Marshall, A. J., «Library resources and créative writing at Rome», dans The Phoenix, 30 (1976), pp. 252264.Google Scholar

105. Cf. M. Dubuisson, Le latin de Polybe, pp. 264-265.

106. Strab., V, 4, 7 ; Cic, Rab. Post., 26-27'.

107. Kaimio, The Romans, pp. 71-74.

108. CIC, Lois, I, 53.