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L'alimentation paysanne en Gévaudan au XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  11 October 2017

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Les meilleures enquêtes sur la vie matérielle quand elles aboutissent à des évaluations quantitatives, se circonscrivent souvent par la force des choses à des collectivités dont les budgets, soigneusement tenus, offraient à la recherche des possibilités de calcul immédiat : hôpitaux, casernes, navires, etc,

R.-J. Bernard l'un des premiers, dans l'article qu'on va lire, s'intéresse, lui, aux masses profondes de l'humanité traditionnelle. Il calcule en effet, d'après des sources ingénieuses, les rations en calories des paysans du Massif Central au XVIIIe siècle. Le tableau qu'il en donne est assez sombre.

Comment s'alimentaient nos ancêtres ? Sans quelle mesure leur régime alimentaire influait-il sur leur espérance de vie ? Ces questions préoccupent, à juste titre, les historiens soucieux d'appréhender au fil des siècles la vie quotidienne des individus et des groupes sociaux dans ses aspects les plus concrets; mais il est trop souvent difficile de répondre avec précision.

Type
Consommation Alimentaire
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1969

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References

page 1449 note 1. L'expression est de Pierre Goubert qui, dans sa thèse sur Beauvais et le Beauvaisis, de 1600 à 1730, avait pu partiellement utiliser cette source, par sondages chronologiques.

page 1450 note 1. A. D. Lozère; III E 5802 à 5834. Nous préparons, sous la direction de P. Vilar, une thèse principale sur la vie en Gévaudan du XVIIe au XXe siècle.

page 1450 note 2. Comme l'atteste la domiciliation des clients de l'étude. Le relevé cartographique de la domiciliation de la clientèle des études notariales ne serait-il pas un moyen très sûr de mesurer l'emprise des bourgs et des petites villes sur les campagnes environnantes, de circonscrire des aires d'influence bien plus valables pour l'analyse des faits sociaux et des conjonctures économiques locales, que les circonscriptions administratives et fiscales ? Cette suggestion vaut surtout pour les pays de droit écrit.

page 1450 note 3. Quelquefois, la pension alimentaire en nature est remplacée par une pension viagère annuelle en argent, quelle que soit la fortune des contractants : ainsi, le 2 avril 1761, Jean Granier de la paroisse d'Arzenc-de-Randon, se réserve dans le contrat de mariage de sa fille Claudine une pension annuelle viagère de 24 livres; le 31 août 1763, dans le contrat de mariage de son fils Georges Rozier, président au Bureau de l'élection du Haut-Rouergue, conseiller du Roy et maire de Millau, avec Marie de Lahondes de Laborie, fille du conseiller du Roy et maire de Château- neuf-de-Randon, Marie-Anne de Fage, veuve de Jean Rozier, avocat en Parlement, se fait reconnaître une pension viagère annuelle de 600 livres; le 23 février 1764, dans le contrat de mariage de son fils Michel, laboureur à Chadenet, Marie Bohomme, veuve de Julien Peytavin, se réserve une somme de 700 livres pour ses besoins personnels.

page 1450 note 4. Faut-il conclure que l'âge au mariage ait été assez tardif ? C'est un problème démographique assez malaisé à résoudre, car dans de nombreux registres paroissiaux l'âge des nouveaux époux ne figure pas dans l'acte de mariage; on peut le déterminer en retrouvant la date de naissance, ce qui n'est pas toujours possible lorsque l'un des conjoints est originaire d'une autre paroisse; et puis, dans les paroisses que nous étudions (nord-est du Gévaudan) il y a de nombreuses lacunes dans l'enregistrement des naissances à la fin du XVIIe siècle et au début du XVIIIe siècle.

page 1451 note 1. Là encore, le témoignage des minutes notariales est éloquent : pour nous limiter à celles d'Antoine Bonnet, les deux-tiers des obligations (reconnaissances de dettes, quittances, précaires, antichrèses et autres formes déguisées d'hypothèques) ont été contractés pour le règlement des droits de légitime qui pouvait s'échelonner sur toute une existence humaine et rejaillir sur les héritiers.

page 1452 note 1. Il convient d'indiquer que l'alimentation paysanne en Gévaudan a été considérablement enrichie par l'introduction de la culture de la pomme de terre qui s'est faite peu à peu, non sans rencontrer de vives résistances, à partir de 1815. En Velay, c'est dès notre période ou un peu avant et dans ce type d'actes même qu'elle apparaît (N.D.L.R.).

page 1452 note 2. Dans un « Mémoire sur le département de la Lozère » conservé aux Archives du service historique de l'Armée à Vincennes (M.R. 1274) et datant vraisemblablement des années 1836- 1840, le lieutenant d'état-major de Caulaincourt, écrit que les paysans lozériens se nourrissaient de pain de seigle, de laitages, de viande de porc, de pommes de terre, de châtaignes (en Cévenne), de raves, de plantes potagères et de riz. Il y a sûrement eu méprise : cet officier, dont la connaissance de la Lozère paraît superficielle, a dû confondre l'orge perlé avec le riz. Aujourd'hui encore l'orge perlé est très apprécié mais on l'achète tout préparé chez l'épicier.

page 1453 note 1. Pour compléter notre information, compte tenu de la très grande lenteur avec laquelle le Gévaudan s'est modernisé, nous avons souvent recouru à la tradition orale, autrement dit au témoignage des personnes âgées (plus de soixante-dix ans) ; plus spécialement des membres de notre famille parmi lesquels un oncle presque centenaire et notre mère; c'est elle qui nous a indiqué, entre autres choses, que, vers 1900, dans la famille de notre grand-père maternel (neuf enfants), 1 litre d'huile durait plusieurs mois, la salade n'apparaissant sur la table familiale qu'à de rares intervalles, en été et en automne. Les autres crudités, consommées aujourd'hui comme telles, sans cuisson, telles les carottes, étaient totalement inconnues. Hormis la pomme de terre, l'alimentation et les habitudes alimentaires n'avaient pas tellement varié depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle.

page 1453 note 2. Ces couennes recueillies dans un pot de grès et devenues bien rances, servaient à relever la soupe aux choux.

page 1453 note 3. La production de charcuterie s'en ressentait; mais il faut tenir compte des ripailles qui accompagnaient la mise à mort et la préparation du cochon familial. Et puis, tout comme pour le « nécessaire » de choux, de raves et d'herbes potagères, il y avait la coutume, la réalité de la vie quotidienne : à moins d'être avaricieux à l'extrême ou animés d'intentions foncièrement malveillantes, les « jeunes » ne devaient certainement pas refuser au « pape » ou à la « marné » le rond de saucisson, la tranche de jambon ni de prendre part aux agapes des cochonnailles. Là encore, tout dépendait de la concorde qui régnait (ou ne régnait pas) parmi les membres de la famille et, trop souvent, le bénéficiaire d'une pension alimentaire se trouvait réduit à l'état de quémandeur. Ces familles patriarcales du Gévaudan ne présentaient pas que des aspects idylliques et édifiants.

page 1454 note 1. Endroit sec et frais, à l'abri des rats et des autres bestioles indésirables où l'on conservait le beurre, la farine, les salaisons, et éventuellement, la provision de vin. Il était souvent situé à proximité de la chambre à coucher du maître de maison.

page 1454 note 2. Le pétrin, ou « maits à paîtrir », était une pièce essentielle du mobilier paysan, comme en témoignent les inventaires successoraux et les estimations des apports dotaux dans les contrats de mariage.

page 1454 note 3. Lui seul avait ce droit et nul ne se serait avisé de l'enfreindre; seuls, les hommes mangeaient à table; les femmes les servaient et elles prenaient leur repas en silence, au coin de l'âtre.

page 1455 note 1. Cf. Note annexée au tableau II (ci-dessous p. 1466).

page 1455 note 2. Cette pratique était déjà courante au XVIIIe siècle : de nombreuses communautés villageoises qui louaient leurs « herbes champêtres » (herbages et pâturages d'altitude) aux propriétaires de troupeaux de moutons transhumants du Bas-Languedoc faisaient insérer dans le bail de location une clause prévoyant la fourniture de poivre par le baile (à la fois intendant et chefberger) qui amenait les troupeaux.

page 1455 note 3. Nous renvoyons pour tout cela le lecteur à un article : « Note sur le prix du sel en Gévaudan au XVIIIe siècle » que nous avons publié en mai et juillet 1967 dans Lou Pais, une sympathique petite revue régionaliste qui paraît chaque mois à Montpellier.

page 1456 note 1. Cf. sur ce point notre article : « Les nuits de Fumade d'après le compoix et cadastre de Belvezet en 1630 », Revue du Gévaudan, des Causses et des Cévennes, 1965. De plus, nous n'avons relevé dans les Terriers et Lièves de Reconnaissances des paroisses et seigneuries du nord-est du Gévaudan, objet de notre thèse, que quelques cas tout à fait exceptionnels de redevances dues en beurre et en fromage, ce qui dénote la rareté de ces produits; de même, les seuls produits de la basse-cour qui apparaissent dans ces redevances sont les « gélines » (poules) et encore souvent sous la forme curieuse de 1 /2 géline, 1 /3, 1 /4 de géline : 1 géline tous les deux, trois ou quatre ans; ou de 3/4, 2 1 /3 de géline : 3 gélines tous les quatre ans ou 2 tous les trois ans. Quand aux oeufs, ils ne figurent jamais… Ajoutons que les mercuriales régionales (Langogne, Châteauneuf-de-Randon, l'abbaye des Chambons) ne mentionnent jamais les produits de la basse-cour : on peut donc conclure à leur rareté et faire abstraction des ressources de l'aviculture dans une étude de l'alimentation paysanne au XVIIIe siècle.

page 1456 note 2. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le rendement moyen en lait des vaches de cette race était de 3 à 10 litres par jour, selon l'âge et l'état des bêtes, la nourriture qu'elles recevaient : aucun progrès, semble-t-il, depuis les dernières années du XIXe siècle, et même depuis bien avant…

page 1456 note 3. Nous l'avons établi en recourant à l'excellent petit livre de Raymond Lalanne, L'Alimentation humaine. Collection «Que sais-je ?», Paris, P.U.F., 8e édition, 1967.

page 1457 note 1. Cf. M. Amouroux, La Vie quotidienne des Français sous l'Occupation, Paris, A. Fayard, 1966.

page 1457 note 2. Elles portent sur les paroisses d'Allenc, Chasseradès, Luc, Arzenc-de-Randon, Saint - Jean-la-Foulhouze, Chaudeyrac, dans leurs limites du XVIIIe siècle, qui ne correspondent pas nécessairement à celles des communes actuelles, un certain nombre d'anciennes paroisses, jugées trop vastes, ayant été morcelées au milieu du XIXe siècle. Ce sont les seules qui ont conservé des registres paroissiaux sans trop de lacunes et vraiment exploitables.

page 1457 note 3. Bien que l'étude de la mentalité et de la sensibilité paysannes ait été quelque peu négligée par les spécialistes de l'histoire rurale, cette âpreté a été perçue par P. de Saint-Jacob (Lespaysans de basse Bourgogne) et P. Bois (Les paysans de l'Ouest). Dans sa thèse récemment publiée, Abel Poitrineau montre bien pour les paysans de haute Auvergne, guère mieux partagés que ceux du Gévaudan, combien l'extrême pauvreté faisait d'autant plus apprécier l'argent et développait le désir de thésauriser. On en trouverait maints témoignages dans les oeuvres littéraires consacrées au monde de la campagne : si l'on peut récuser La Terre d'Emile Zola, trop marquée par l'intellectualisme et les partis pris parisiens, comment ne pas évoquer les nouvelles de Guy de Mali Passant et ces deux admirables romans paysans : Jacquou le Croquant, d'Eugène Le Roy; La vie d'un simple. d'Emile Guillaumin ?

page 1459 note 1. Nous pensons tout spécialement au docteur Charles Morel (père), président de la Société des Sciences, Lettres et Arts de la Lozère. Récemment décédé (décembre 1968), il connaissait admirablement la Lozère, il nous honorait de son amitié et, durant l'été 1968, il nous avait vivement conseillé d'écrire cet article. Qu'il nous soit permis de saluer respectueusement sa mémoire.

page 1459 note 2. Cf. B. Bardy : « Statistiques économiques et agricoles en Gévaudan à la fin du XVIIe siècle », Revue du Gévaudan, des Causses et des Cévennes, 1958, pp. 71-90.

page 1460 note 1. Et même les décès : comme en bien d'autres campagnes françaises, les repas funéraires rassemblaient tous ceux qui avaient assisté à l'enterrement ou à l'office de neuvaine. Ils surprenaient par leur caractère plantureux et l'ambiance très détendue, presque joyeuse, qui y régnait. Faut-il y voir une survivance du paganisme ? Le voyageur et l'hôte de passage étaient fort bien traités : pour eux aussi, on sortait ce qu'il y avait de meilleur au « charnier » et l'on envoyait l'un des enfants coucher à la grange… Le paysan gabale savait recevoir : c'était l'antique hospitalité qui se perpétuait…

page 1461 note 1. En occitan, langue à laquelle se rattache le parler lozérien, lard se dit bacou : comparer au mot bacon d'aujourd'hui.

page 1461 note 2. Cf. un article ultérieur, en préparation.

page 1462 note 1. Service historique de l'état-major de l'Armée, Vincennes, Série X 5 (57 à 57).

page 1463 note 1. Il est à souhaiter que la nécessaire adaptation de ce « pays », au monde moderne (elle est en cours) ne le vide pas de sa substance, n'altère pas ce qu'il garde d'original, d'attachant d'exemplaire même, et qui s'incarne si heureusement dans ses habitants chez qui une sociabilité, une agilité et une ouverture d'esprit déjà toutes méridionales, tempèrent la gravité, la rudesse, et l'âpreté de l'Auvergne toute proche.