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La société des galériens au milieu du XVIIIe siècle

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

André Zysberg*
Affiliation:
C.N.R.S

Extract

Les archives maritimes de Toulon, Brest et Rochefort détiennent les registres d'inscription ou matricules des galériens et des forçats de la France moderne et contemporaine.

Marseille demeure la ville des galères jusqu'au milieu du XVIIIe siècle. L'ordonnance du 27 septembre 1748 rattache le corps des galères à la Marine. Le texte porte le coup de grâce à une flotte dont il ne reste que de « glorieux débris ». Les bâtiments encore à flot sont conduits à Toulon et servent provisoirement de pontons. Toulon devient le siège du premier bagne à terre, la chiourme est désormais vouée aux travaux forcés.

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Répressions
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Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1975

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References

1. Sur l'histoire des galères, le travail le plus complet demeure le livre de P. Masson, Les galères de France, Annales de la Faculté d'Aix, 1937. La recherche la plus récente est conduite par un historien américain, P. W. Bamford, Fighting ships and prisons : The mediterranean galleys of France in the âge of Louis XIV, Minneapolis, 1973.

2. Les bagnes de Lorient, Rochefort et Brest sont respectivement fermés en 1823, 1852 et 1858. Celui de Toulon n'est supprimé qu'en 1873 alors que les pénitenciers d'outre-mer rassemblent déjà l'essentiel des forçats. Les matricules sont demeurées au siège des anciens bagnes. (Série 10, Institutions de répression). Seul le fonds de Lorient a été perdu lors du bombardement de 1943.

3. Les matricules sont refondues quand elles ne contiennent pratiquement plus que des morts ou des disparus. Les noms des survivants sont alors reportés sur un registre vierge ; c'est le départ d'une nouvelle série de matricules.

4. L'expression est de P. W. Bamford (correspondance personnelle), qui a travaillé sur les matricules. Ses recherches se sont en fait orientées vers l'histoire des galères (ouvrage cité plus haut). Le livre collectif, Crimes et criminalité en France- (17e-18e siècles), Paris, A. Colin, « Cahiers des Annales », n° 33, 1971, signale un projet de la Faculté de Droit d'Aix sur « Les galériens et les forçats de Toulon et de Marseille au XVIIIe siècle » qui, vérification faite, a été abandonné. A notre connaissance, le seul travail effectif d'exploitation des matricules est celui de M. Loffreda, Les galériens de Marseille, 1686-1690, Mémoire de maîtrise, Faculté d'Aix. Les livres des chiourmes ont néanmoins servi de source complémentaire pour plusieurs travaux. Nous ne citons ici que les livres de M. Vaux de Foletier : Les Tsiganes dans l'ancienne France, Paris, 1961, et de G. Tournier, Les galères de France et les galériens protestants, Musée du désert, 1943.

5. Une exception cependant : le dossier Montyon retrouvé par M. J. Lecuir aux Archives Nationales. J. Lecuir, « Criminalité et moralité : Montyon, statisticien du Parlement de Paris », article à paraître dans Revue d'Histoire moderne et contemporaine.

6. Les recherches de Quetelet (Essai de Physique sociale, 1835) et de Guerry (Essai sur la statistique morale de la France, 1833) marquent une étape décisive. « L'école cartographique » est également à l'origine du compte général de la Justice criminelle, établi à partir de 1825.

7. Sans doute plus de 100 000 forçats ont été conduits au bagne au cours de cette période. L'utilisation (coûteuse) de l'ordinateur est justifiée pour étudier une telle population.

8. Centre de Recherches Historiques, E.P.H.E., VIe Section.

9. Archives Nationales, Fonds Marine, Série D 5 (chiourmes). Le registre contient des informations d'une qualité identique à celle des matricules toulonnaises. Mais la logique du document est différente : le livre des Archives Nationales donne une image, une « photographie » du bagne à un moment précis, alors que les séries ordinaires livrent un « film », enregistrent les entrées successives des galériens à partir de 1685.

10. Nous tenons à remercier Mme Karp et MM. Abehassera, Béaur et Coulier pour leur aide patiente, surtout pendant les moments critiques des « passages en machine ».

11. 3 997 condamnés exactement. En fait, l'exploitation informatique n'a porté que sur 3 934 forçats. Notre inexpérience est largement responsable de cette perte d'informations (1,5 96).

12. Le livre de G. Aubrv, La jurisprudence criminelle du Châtelet de Paris sous le règne de Louis XVI, Paris, 1971, propose un classement des délits qui suit de près les commentaires des criminalistes des XVIIe et XVIIIe siècles.

13. Le bagne de 1748 compte 14 condamnés pour incendie volontaire. Crime à part, crime « monstrueux » pour les normes du temps, l'incendie volontaire participe à la criminalité de violence. Nous l'avons ainsi placé dans cette catégorie.

14. Un menuisier de 25 ans, originaire du diocèse de Rieux, est condamné aux galères à vie par le Parlement de Toulouse, le 25 janvier 1725, pour «avoir fait perdre un enfant». La sentence ne précise pas s'il s'agit de son enfant.

15. Les juges condamnent les « comportements-limite », surtout ceux de la femme, rarement ceux de l'homme. Une exception : Charles Minard, « sans métier », âgé de 32 ans, natif de la ville de Liège, est condamné par le Parlement de Douai, le 22 septembre 1725, à 25 ans de galères, pour « avoir abandonné sa femme et ses enfants et s'être abandonné à une femme qui l'entretenait avec l'argent qu'elle avait volé ».

16. Le bannissement à temps et à vie du royaume ou du ressort d'une juridiction est une peine afflictive. La rupture de ban est un délit passible des galères, dont l'impunité (faute de moyens de contrôle) est patente.

17. Les travaux de J. Gutton ont bien « éclairé » ce type de délinquance : La société et les pauvres. L'exemple de la Généralité de Lyon, 1534-1789, Paris, 1971 ; et L'État et la mendicité dans la première moitié du XVIIIe siècle. Auvergne, Beaujolais, Forez, Lyonnais, Paris, 1973.

18. M. Abbiateci dans Les incendiaires devant le Parlement de Paris, (dans le volume collectif des Cahiers des Annales déjà cité) donne une analyse du « chantage au feu ».

19. Par exemple, le livre de M. Aubry (ouvrage déjà cité) ou le récent livre de Mme A. Farge, Le vol d'aliments à Paris au 18e siècle, Paris, 1964, qui propose une analyse très fouillée d'un type de vol et de sa signification sociale.

20. Sur la contrebande : Bonneau, J., Les législations françaises sur les tabacs sous l'Ancien Régime, Thèse Droit, Paris, 1910 Google Scholar; Bequet, P., Contrebande et contrebandiers, Paris, 1959 Google Scholar. La mise au point la plus récente est celle de Bourquin, H. et Hepp, E., Aspects de la contrebande au XVIIIe siècle, Paris, 1969 Google Scholar. Ce livre donne une analyse sérieuse de «l'affaire Mandrin” et comprend dans la seconde partie une synthèse intéressante sur la contrebande du tabac au XVIII’ siècle.

21. Les contrebandiers isolés sont frappés d'une forte amende… qu'ils ne peuvent acquitter. Fouettés et marqués au fer rouge des lettres Gal, ils sont envoyés aux galères pour une durée de trois ou cinq ans. Quand le délit est commis avec des circonstances aggravantes (contrebande en troupe, à cheval, port d'armes), ce sont les galères à vie. S'il y a violence contre les commis des fermes, les textes prévoient la peine capitale. Quand le contrebandier isolé est un récidiviste, il est condamné au bagne à perpétuité.

22. Nous suivons ici l'analyse de E. Hepp (ouvrage déjà cité).

23. Citons tout de même un exemple : celui de Jacques Moulin, un berger de vingt ans, né à Longru dans l'archevêché de Rouen, condamné en 1707 par le Parlement de Rouen aux galères à vie pour empoisonnement de bétail. Après 46 ans de détention, le berger est mort à Toulon.

24. Les victimes se répartissent ainsi : 50 sergents, 7 maréchaux des logis, 4 caporaux, 5 simples soldats.

25. Une mutilation horrible est infligée aux soldats déserteurs pendant le XVIIe siècle : l'ablation du nez et des oreilles. On se contente d'un simulacre d'amputation au cours du siècle suivant.

26. Jean Bion, Relation des tourments qu'on fait subir aux protestants qui sont sur les galères de France, réédition, Paris, 1883. Le livre de Bion, aumônier sur la galère «La Superbe » en 1703, est un témoignage précieux sur la vie quotidienne des galères. L'aumônier, révolté par la condition des galériens protestants, gagne Genève puis Londres en 1707 où il rédige sa relation, dédiée à la reine Anne. Il se convertit, pendant son exil, au Protestantisme.

27. Les provinces récemment unies au royaume (Roussillon, Artois, Alsace) n'ont pas, en 1748, de parlement en titre, mais une juridiction supérieure qui en tient lieu. Le cas de la Lorraine est voisin. Le duché n'a été annexé effectivement qu'en 1766 ; un conseil souverain a siégé à Nancy et a été érigé en parlement en 1775.

28. Ce sont les commissions extraordinaires de magistrats créées après 1730 pour juger sans appel les délits de contrebande du tabac.

29. Il s'agit des justices criminelles de « petits États » enclavés dans le royaume ou situés à son contact immédiat.

30. L'ordonnance criminelle de 1670, complétée en 1730, énumère les cas prévôtaux. La liste en est longue et fastidieuse ; nous ne la reproduisons pas ici. En fait, presque tous les délits représentés au bagne de 1748 sont des cas prévôtaux, même s'ils n'ont pas été jugés en tant que tels.

31. Cette donnée est connue pour 98,9 % des galériens. Il s'agit beaucoup plus d'un âge approximatif que d'un âge exact. Les condamnés âgés de 38 à 42 ans se donnent 40 ans. Cette tendance est d'autant plus forte que les condamnés sont plus âgés.

32. La véritable « sélection » se produit aux galères. Les condamnés les moins armés physiologiquement disparaissent très rapidement des rôles des chiourmes.

33. M. Lachiver, La population de Meulan du XVIIIe siècle au XIXe siècle, Paris, 1969.

34. Une proportion indéterminée (et pour cause !) de célibataires vivent sans doute en concubinage.

35. La tâche est aisée pour des provinces, comme la Bretagne et la Provence, où les diocèses sont demeurés des unités administratives ; dans les autres cas le travail est délicat. Ce découpage géographique par groupes de diocèses n'est guère satisfaisant : il ne permet pas de comparaisons avec les données démographiques et économiques qui sont presque uniquement établies au niveau des généralités.

36. Nous n'avons pas distingué, pour le document de 1748, les régiments, les armes, les enrôlés volontaires et les miliciens. Les galères, à la fin du XVIIe siècle, montrent de gros effectifs militaires qui permettront une analyse plus fine de la délinquance du soldat.

37. Corvisier, M., L'armée française de la fin du XVIIe siècle au ministère de Choiseul, Paris, 1964 Google Scholar.

38. L'information socio-professionnelle est nulle pour le cinquième de la population pénale ; nous avons analysé la ventilation des délits et des âges pour ce groupe des forçats à « état inconnu ». Nos résultats montrent que l'omission du métier n'est pas fortuite, ne résulte pas d'une négligence administrative ; le condamné ne déclare pas d'état car il n'en possède pas, c'est en fait un « sans métier ».